Название | L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793 |
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Автор произведения | Joseph Bertrand |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Quinze jours après on lit au procès-verbal: «M. le président m’a donné à lire une lettre qui lui a été écrite par M. Lefèvre. Il lui mande que sa santé ne lui a pas permis de se trouver à l’assemblée précédente ni à la suivante, mais qu’il se soumettra plutôt que de renoncer à l’Académie et qu’il viendra au premier jour faire telle réparation qu’on lui ordonnera.
«Comme l’assemblée se séparait, MM. de Lahire et tous les autres académiciens ont été de leur propre mouvement prier M. le président de vouloir bien dispenser M. Lefèvre de demander pardon en pleine assemblée. M. le président s’est laissé fléchir.» Lefèvre cependant ne reparut plus à l’Académie, et dès l’année suivante on lui appliquait rigoureusement le règlement qui prononce l’exclusion de tout membre absent plus d’un an sans congé.
Les médecins et les chirurgiens portèrent aussi plus d’une fois dans l’Académie l’esprit de haine, de dissension et d’envie dont leurs corporations ont été si longtemps affaiblies et troublées. Le triomphe des médecins depuis le milieu du XVIIe siècle paraissait définitif et complet. Dédaigneux autrefois de ce qu’ils appelaient la petite chirurgie, les maîtres chirurgiens, qui dans leurs examens de l’école de Saint-Côme avaient acquis le droit de se dire chirurgiens de robe longue, abandonnaient aux barbiers le soin de saigner, d’appliquer les vésicatoires et les ventouses, de panser les plaies légères, et de soigner enfin les bosses, apostumes et contusions. Il n’était besoin pour cela ni d’une science profonde, ni de culture littéraire, mais les limites étaient vagues et les fraters, plus respectueux et plus soumis aux médecins, étaient souvent aidés par eux à les franchir. On put bientôt malgré les réglements et les maîtrises confondre, sans trop d’affectation, les maîtres en chirurgie praticiens de robe longue avec les étuvistes et les barbiers. Ce fut la ruine de la chirurgie qui, tenue pour une profession manuelle, tomba dans une dure et humiliante sujétion. L’Université, toujours favorable aux médecins, voyait en eux les maîtres et les arbitres de la chirurgie et le prouvait par un argument sans réplique: La chirurgie ne fait partie d’aucune faculté; elle ne peut donc jouir des droits réservés dans l’Université aux facultés qui en dépendent.
La Faculté de médecine s’arrogeait le droit d’être représentée aux examens des chirurgiens à l’école de Saint-Côme et, ce qui envenimait fort la querelle, interdisait aux candidats la robe et le bonnet. Ses prétentions allaient plus loin encore; lorsque Lapeyronie, premier chirurgien de Louis XV, obtint pour l’école de chirurgie la création de cinq démonstrateurs rétribués par le roi, il importe, disait-il, de fortifier l’intelligence des élèves et de ne rien omettre pour éclairer leur esprit. La Faculté de médecine, loin d’en demeurer d’accord, s’y opposait ouvertement et avec énergie; elle alléguait dans l’intérêt même des chirurgiens, que: «le mérite ne consiste pas à savoir plusieurs choses, mais à exceller dans une;» elle les rappelait aux sages règlements, aux arrêts même du parlement qui défendaient de rien enseigner aux chirurgiens en dehors de leur profession: «qui chirurgos docent, hirurgica tantum doceant.» Est-il nécessaire en effet pour bien saigner de connaître la nature du sang? Avec une instruction trop étendue et trop élevée les chirurgiens seraient exposés à mépriser leur art et à le délaisser pour des études spéculatives. La chirurgie d’ailleurs est une profession manuelle, et la raison en est évidente: chirurgie tire son origine d’un mot de la langue grecque qui signifie la main, et celui qui ne travaille que de la main ne doit aussi exercer que la main.
Sans s’arrêter à de tels arguments et malgré les contradictions les plus opiniâtres, le roi autorisa l’Académie de chirurgie à publier ses mémoires, et, ce que la faculté de médecine trouva plus insupportable encore, l’école de Saint-Côme à exiger de ses élèves la maîtrise ès arts, que nous nommons aujourd’hui baccalauréat ès lettres. Depuis longtemps déjà la chirurgie pouvait citer des hommes de grand mérite. Plusieurs chirurgiens avaient siégé à l’Académie des sciences, et leurs confrères en tiraient avantage. On demande, disaient-ils dans leur judicieuse et forte défense, on demande à la Faculté de Paris et à tous les médecins, si les mémoires de MM. Méry, Rohault, Lapeyronie, J. – L. Petit et Morand, imprimés parmi ceux de l’Académie des sciences, ne sont pas en aussi grand nombre que ceux que les médecins ont fournis?
Les chirurgiens et les médecins, divisés par leur humeur discordante et incompatibles ailleurs par leurs incessantes hostilités, siégeaient en effet ensemble à l’Académie des sciences qui, sans se faire l’arbitre de leurs dissensions ni les amener à une paix sincère, sut toujours les apaiser sinon les unir, en modérant l’aigreur de leurs querelles et leur imposant au dehors, avec le titre de confrère, les bons procédés qui doivent en être la suite.
Le médecin Hunault était l’auteur connu et avoué d’un pamphlet anonyme où, non content de traiter avec le dernier mépris la corporation entière des chirurgiens, il s’efforçait de décrier et de ridiculiser le caractère et les travaux du célèbre J. – L. Petit, son confrère à l’Académie. «Quelques personnes, dit-il dans sa préface, trouvent mauvais que j’aie critiqué des mémoires qui sont parmi ceux de l’Académie des sciences. Je sais que dans les temples des dieux les criminels étaient à couvert des poursuites de la justice, mais je n’ai pas cru que l’erreur eût de tels priviléges.»
A l’inconvenance d’une telle publication, Hunault avait ajouté le tort beaucoup plus grave d’en offrir à Petit la suppression à prix d’argent. L’Académie, non moins émue par la violence des attaques que par le récit de ce procédé malhonnête, voulut infliger à Hunault un blâme public et sévère en lui enjoignant «de n’avoir plus à l’avenir aucun procédé semblable contre M. Petit ni aucun académicien, et elle a cru en cela, dit le président, vous traiter favorablement.»
L’Académie, dans une autre rencontre, prend au contraire parti pour Hunault et réprouve la conduite d’un confrère qui, gardien trop zélé des priviléges de sa corporation, avait assisté à la saisie de divers objets d’étude et d’enseignement dont la rigueur des règlements lui interdisait la possession et l’usage. «On a parlé, dit le procès-verbal du ’’ mars 1733, de l’affaire de M. Hunault, chez qui les prévôts des chirurgiens, du nombre desquels était M. Rouhault, membre de cette Académie, ont saisi le 9 de ce mois plusieurs cadavres, des squelettes et des instruments d’anatomie. On a prié M. Bignon, président, d’envoyer chercher M. Rouhault pour lui dire le mécontentement que l’Académie avait de sa conduite en cette occasion à l’égard d’un confrère.»
LES ÉLECTIONS
Le droit de se recruter elle-même, malgré toutes les divisions dont il devait agiter et troubler l’Académie, fut une des suites les plus heureuses de l’organisation de 1699. Indécise d’abord dans ses choix et comme étonnée qu’on voulût bien la consulter, l’Académie dès le commencement se montra cependant assez bien inspirée; l’honneur d’obtenir ses premiers suffrages échut au médecin Fagon. «On ne pense pas, dit le procès-verbal, qu’il puisse venir aux assemblées, mais on a voulu donner cette distinction à son mérite et à sa personne.» Le début était bon et la distinction justifiée. Fagon, sans être un inventeur, connaissait à fond la botanique et la chimie de l’époque. Directeur du Jardin des plantes où sans discussion et sans contrôle il nommait à tous les emplois, il s’y montra toujours exact, désintéressé et honorable à tous égards, et en remplissant sa charge à la satisfaction de tous, il sut mériter, obtenir et attacher