Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878). Jules Zeller

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Название Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878)
Автор произведения Jules Zeller
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066321840



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contre lequel d’anciens papes avaient lutté ? Il laissa, ne pouvant faire autrement, les volontaires se réunir. Il consentit à la réunion d’une armée de dix-sept mille hommes, et accepta pour la commander le Piémontais Durando, qui avait servi en Espagne.

      Cette petite armée était composée de troupes régulières et de volontaires. On y voyait comme colonel Massimo d’Azeglio, qui, de peintre et poète, passé publiciste, devenait maintenant soldat. Le pape prétendait n’envoyer cette armée que jusqu’à la frontière pontificale: «Puisse le Seigneur, disait-il, faire descendre sur vous cet esprit de conseil, de force et de sagesse dont le principe est la crainte de Dieu, afin que nos yeux voient la paix régner sur cette terre d’Italie que, si dans notre charité universelle pour le monde catholique tout entier nous ne pouvons appeler la plus chère, Dieu a voulu cependant mettre le plus près de notre cœur.» Mais comment pouvait-il espérer arrêter une armée ainsi composée?

      Le grand-duc de Toscane, prince autrichien, peu disposé à porter les armes contre sa maison, voyait avec crainte le roi de Sardaigne désiré à Parme et à Modène, pour remplacer les souverains de ces pays. Ce fut avec peine qu’il détacha quelques régiments de sa petite armée, et les envoya sur le Pô avec les volontaires, sous le commandement d’abord de Ferrari et ensuite de Laugier.

      Le roi de Naples était certainement le moins bien disposé pour la guerre d’indépendance. Le 13 mars, il avait dû faire sortir du ministère de Serra Capriola le démocrate Salicetti, qui le voulait mener trop loin. Mais celui-ci, plus dangereux dehors que dedans, faisait maintenant de la guerre le principal motif de son opposition. Situation difficile que celle du roi! Voyant avec déplaisir la Sicile réunir, justement alors pour se séparer (15 mars), un parlement national qui allait peut-être prononcer sa déchéance, il était beaucoup plus tenté de reconquérir pour lui la Sicile, que d’aider à déposséder l’empereur d’Autriche, en faveur de la république, surtout du roi de Piémont, dont, croyait-il, un des fils convoitait la Sicile, peut-être même son propre trône. La nouvelle de l’expulsion des Autrichiens, puis l’arrivée du vétéran du libéralisme autrichien à Naples, Guillaume Pepe, le désarmèrent devant l’opposition. Le 25 mars, le prince Félix de Schwarzenberg, ambassadeur autrichien, était obligé de quitter Naples devant les manifestations hostiles. Le 3 avril, le roi formait un nouveau ministère avec l’historien Carlo Troja, en promettant de participer à la guerre, de laisser à la chambre le droit de refondre la constitution et de donner le suffrage universel. «Je suis,» disait-il, «Italien et soldat.» Ayant grand’peine à résister déjà aux républicains qui parlaient de le renverser, il autorisa même la formation d’une armée d’expédition de quinze mille hommes pour la guerre d’indépendance sous le commandement de Pepe, et le départ de sa flotte pour l’Adriatique. Mais, dans son embarras, il prétendait envoyer ses troupes aux Lombards, non au roi Charles-Albert, et l’on ne savait pas trop à quelle intention il dirigeait sa flotte dans les eaux de Venise.

      L’Italie ne pouvait pas beaucoup plus compter sur l’appui énergique ou désintéressé des deux seules puissances qui ne fussent pas contraires à sa levée de boucliers. Lord Palmerston, effrayé de l’ébranlement produit par la révolution, et aussi plein de défiance contre la République française qu’il s’était montré animé de jalousie contre Louis-Philippe, faisait dire à Naples et à Turin: «Le conflit dans lequel le Piémont se jette est d’un succès douteux, et le principe au nom duquel il a commencé, non moins dangereux.»

      La France républicaine, d’abord fort embarrassée chez elle, était divisée. Quelques exaltés eussent appuyé volontiers la guerre d’indépendance, mais beaucoup moins alors l’ambition de Charles-Albert. Quant au Gouvernement provisoire avec Lamartine, il commença à réunir un corps d’observation de vingt mille hommes vers les Alpes. En cas d’une défaite du Piémont, qui eût amené l’Autriche aux Alpes, ou d’une victoire de Charles-Albert qui lui permît de fonder un grand État, c’était prudence. Peut-être, après Lamartine, Bastide, ministre des affaires étrangères, se montra-t-il plus disposé à offrir son concours, en ne cachant pas d’ailleurs sa préférence dans le Lombard-Vénitien pour la forme républicaine. Mais quelques émigrés ou républicains seuls en Italie, Mazzini entre autres, désiraient, et même peu vivement, dans leurs affaires, l’intervention française. Charles-Albert n’en voulait absolument pas; roi, il repoussait l’appui d’une république. C’était sur ses bons offices ultérieurs, sinon sur son concours présent, qu’il comptait. L’enthousiasme général d’ailleurs, et un instinct trop développé par l’expérience, n’admettaient point alors dans une guerre contre l’étranger les secours de l’étranger. C’était tout au plus un dernier recours dont on ne voulait point se priver en cas de défaite . En attendant, le patriotisme avait ses illusions pardonnables, mais dangereuses. On répétait, après Charles-Albert: Italia farà da se, «l’Italie fera par elle-même». On allait même parfois plus loin: «L’Italie, s’écriaient quelques-uns de ses journaux, l’Italie n’a besoin de personne. Cette fois, elle ne demandera rien aux autres, elle donnera même beaucoup à tous.» La parole était aux faits.

      Le 6 avril, Charles-Albert, à la tête de quarante mille hommes donna l’ordre de marcher sur le Mincio, qui forme du côté de la Lombardie la ligne du quadrilatère occupé avec les mêmes forces à peu près par Radetzky. Appuyé sur Vérone et sur l’Adige, celui-ci était dans une position admirable pour la résistance, mais non sans quelque danger. Zucchi, général en chef nommé par les Vénitiens, commençait à menacer sa retraite sur la Piave, en occupant Vicence, Trévise, Padoue, etc.; Durando, qui avait concentré les troupes romaines à Bologne, le 5 avril, ne pouvait ni ne voulait plus contenir son armée. Il ordonnait que les soldats portassent la croix du Christ sur la poitrine, et, au cri de:

       «Dieu le veut!» obéissant en réalité aux ordres de Charles-Albert, et avec le consentement du ministère romain, il commençait sa marche vers le Pô. Enfin, des volontaires lombards, assez mal disciplinés d’ailleurs, se rassemblaient à Brescia sous le commandement d’Allemandi pour se jeter, par le lac de Garde, dans le Tyrol italien, couper Radetzki de Trente, qui remuait déjà, et donner la main aux insurgés de la Vénétie.

      Le 8, le roi Charles-Albert dirigea son aile droite sur Goïto et sa gauche sur Monzambano, situés sur la droite du Mincio. Il n’y eut qu’un petit engagement à Goïto, petit village au nord-ouest de Mantoue. Le colonel Alex. de la Marmora, à la tête de deux bataillons de bersagliers, et le colonel de deux bataillons d’infanterie de marine délogèrent une compagnie de chasseurs autrichiens qui repassa le Mincio. Le lendemain 9, l’armée piémontaise franchissait le Mincio à Goïto et plus haut à Monzambano. On s’attendait, dans le quadrilatère, à une bataille générale; mais, le 10, Radetzki jeta les troupes nécessaires dans Peschiera et dans Mantoue, se replia sur l’Adige ef abandonna à son ennemi la ligne du Mincio en envoyant quatre mille hommes à Trente pour maintenir le Tyrol par la terreur. Surveillant sévèrement le pays, faisant fusiller les déserteurs et les prisonniers, il attendait le corps de réserve autrichien qui se formait derrière lui sur l’Isonzo.

      Pouvait-on, dans cette guerre de l’indépendance, mêler habilement la tactique et l’enthousiasme, employer les volontaires et les soldats réguliers? En faisant soutenir les quatre mille volontaires d’Allemandi, que l’arrivée de quelques régiments italiens déserteurs de l’Autriche rendaient plus solides, par des régiments piémontais, et en précipitant sa marche sur l’Adige, malgré les garnisons de Peschiera et de Mantoue, le roi faisait courir peut-être autant de risque à Radetzki qu’il en courait lui-même. Charles-Albert ne le voulut point. Il croyait, et c’était aussi prudence, devoir ménager la seule armée de l’Italie; en second lieu, autoriser par la présence de ses soldats l’entrée des volontaires dans le Tyrol, qui faisait partie de la Confédération germanique, c’était mettre même l’Allemagne contre lui. Il prit le temps de construire un pont solide à Goïto, établit lentement son armée sur la rive gauche du Mincio, étendit sa ligne de Mantoue à Peschiera et commença à investir cette place que dominent quelques hauteurs voisines. Radetzki put faire rejeter de Trente, par des jours d’orage, dans le Tonnal et le lac de Garde, les 19 et 20, les légions mal armées et mal disciplinées d’Allemandi.