Название | Rencontres Inoubliables |
---|---|
Автор произведения | Roberto Badenas |
Жанр | Религия: прочее |
Серия | |
Издательство | Религия: прочее |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788472088566 |
De temps en temps, on remarque dans la foule l’habit blanc des religieux esséniens. Austères, silencieux, renfermés en eux-mêmes comme en un autre monde, ils affichent, avec leur ascétisme mystique, une ferveur fataliste qui leur a fait abandonner toute action, excepté le prosélytisme. Dans l’ombre de leur monastère, en marge des besoins des autres et des problèmes de leur temps, ils représentent une autre forme de sectarisme militant.
Enfin, le reste de l’auditoire est constitué par les gens du peuple : des paysans, des ouvriers, des femmes avec leurs enfants. Un essaim de pauvres, de mendiants, de malades. Des gens du commun, surtout des jeunes. Chacun chargé du fardeau de son histoire, traînant problèmes familiaux et conflits personnels, amours et haines, blessures et illusions, passions et craintes, frustrations et espérances.
Parmi cette multitude de curieux, d’indifférents, d’inquiets ou de résignés, que rien ne distingue vraiment, se tiennent aussi peut-être, dans cette même attente, deux pêcheurs appelés Jean et André, une femme de profession douteuse connue sous le nom de Marie, un jeune docteur en droit préoccupé de son avenir, un banquier à la carrière trouble, un malade condamné qui se croit possédé du démon et quelques autres jeunes gens pleins de vie, en quête d’idéal...
Au fond de leur regard, on décèle les mêmes insatisfactions et les mêmes luttes. Tous voudraient surmonter leur médiocrité, échapper aux impasses, à la grisaille de cette routine qu’ils subissent sans savoir pourquoi. Ils sont venus là en quête d’espérance, parce qu’ils pressentent que vivre peut être quelque chose de plus que travailler ou être au chômage, que souffrir ou se divertir. C’est pour cela qu’ils sont venus au bord du Jourdain écouter la parole de Dieu révélée par son prophète...
Dès que le Baptiste apparaît sur les rochers, un silence attentif s’empare de l’auditoire. L’éclat qui illumine son regard est celui d’un envoyé de Dieu. Fils unique d’un vénérable prêtre, il a renoncé à la sécurité du temple pour obéir à sa difficile vocation. La parole que l’Esprit lui révèle dans le désert, il la proclame aux foules avec toute l’énergie de sa jeunesse.
Dans la force de sa voix résonne la conscience insoumise de celui qui ne redoute rien ni personne, l’éloquence irrésistible de celui qui clame la vérité, qu’il fustige les vices les plus communs de la plèbe ou qu’il condamne les crimes les plus secrets des puissants. Son message est simple et direct :
« Dieu vient à nous ! Le règne du Messie approche : préparons-nous à le recevoir ! »
Jean est une âme ferme mais sensible ; la souffrance et l’injustice qu’il discerne dans la vie de ses auditeurs éveillent en lui à la fois indignation et compassion. C’est pourquoi certains perçoivent ses paroles comme des blâmes et des menaces, tandis que d’autres y trouvent consolation et encouragement. Pour les uns, son discours a le pessimisme amer d’un oiseau de malheur. Pour les autres, le Baptiste est un prédicateur d’espérance. Son message pénètre irrésistiblement dans la conscience de ses auditeurs, au point de troubler l’indifférence des uns, d’exacerber le fanatisme des autres et d’éveiller chez d’autres encore une inquiétude spirituelle.
Aux détenteurs du pouvoir établi qui sont fermés à toute réforme, il dit.:
« Race de vipères, ne croyez pas que vos fonctions religieuses peuvent vous protéger de l’indignation divine. La hache est prête à attaquer la racine des arbres. Tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera abattu, si grand soit-il. » (Matthieu 3 : 5-10)
La voix inflexible du prophète s’adoucit devant les êtres affligés et résonne entre les pierres comme un cri de libération. Ceux que les honnêtes gens méprisent prennent conscience de leur insuffisance et sont les premiers à répondre à ses appels.
« Que devons-nous faire ? » lui demandent les publicains. (Luc 3 : 12-13)
« Renoncez à la cupidité. N’exigez rien de plus que ce qui a été fixé. Découvrez la solidarité. »
« Que devons-nous faire ? » demandent les soldats, qui savent combien le pouvoir corrompt. (Luc 3 : 4)
« Renoncez à la violence. N’abusez pas de la force. Vivez dans la fraternité. »
« Que devons-nous faire ? » continue à demander la foule. (Luc 3 : 10,11)
« Renoncez à l’égoïsme. Partagez avec ceux qui n’ont rien. Pratiquez la générosité. »
La voix puissante continue de vibrer dans les airs. « Repentez-vous, changez de cap ! Cessez d’errer dans le désert et suivez le Sauveur vers la terre promise ! Comme nous sommes tous souillés par le mal, nous avons besoin de nous purifier. Le baptême symbolise la purification, la mort au passé et l’entrée dans une vie nouvelle. Si vous voulez manifester votre désir de conclure une alliance avec Dieu, entrez dans l’eau. »
Jean s’arrête de parler. En silence, il descend jusqu’au milieu de la rivière. Quelques-uns sentent s’éveiller en eux une flamme nouvelle. Quelque chose au fond d’eux-mêmes est en train de jaillir, comme si la vie et l’espérance désiraient renaître. Après un moment de recueillement, un soldat dépose son armure sur le sol et entre dans le Jourdain. Puis un publicain le suit. Deux femmes lui emboîtent le pas. Ensuite quelques jeunes gens s’approchent résolument de la rive. Mais quelque chose les retient.
Devant eux, un jeune homme qu’ils n’avaient pas vu arriver se dépouille de sa tunique. À en juger par la musculature de ses épaules et de ses bras, ce doit être un athlète ou un charpentier. Mais quelque chose en lui sort du commun, attire fortement l’attention et échappe à tout pronostic. Sa présence inspire de l’admiration et du respect. Comme s’il faisait rayonner autour de lui une atmosphère surnaturelle. Son visage juvénile, hâlé par le grand air, reflète une sérénité, une noblesse, une force, une beauté d’âme inconnues jusque-là. Il éclipse même le Baptiste.
Tous les yeux se fixent sur l’étrange inconnu. Jean lui-même en reste pétrifié. En le voyant s’avancer vers lui, il l’arrête. Il a découvert qui il est. Et il s’exclame : « Voici le Messie attendu, le Sauveur du monde ! C’est lui que vous devez suivre et non pas moi. » (Jean 1 : 15, 29-34)
Le prophète est déconcerté parce que Jésus continue de s’approcher.: « C’est moi qui dois être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi.? Moi je plonge seulement dans l’eau. Toi tu nous fais entrer dans l’atmosphère du Saint-Esprit. » (Mathieu 3 : 11) Mais Jésus est déjà au milieu du fleuve.
« Oui Jean, même si tu ne le comprends pas, moi aussi je veux être baptisé ! (Mathieu 3 : 13-15) Aujourd’hui commence pour moi aussi une étape nouvelle de ma vie, particulièrement importante. »
D’une main tremblante, Jean l’immerge dans le fleuve. Revenu à la surface, Jésus se recueille un moment. Les nuages s’entrouvrent. L’eau resplendit autour de lui, illuminée par un rayon venu du ciel. Un coup de tonnerre déchire le silence et l’on entend une voix déclarer : « Voici mon fils bien-aimé, celui qui fait toute ma joie. » (Mathieu 3 : 16, 17)
Tandis que Jésus passe près d’eux en sortant de l’eau, certains sentent que par ce geste, il les invite à suivre son exemple. Ils pressentent qu’il est entré dans le Jourdain par solidarité avec eux et qu’il a prié pour eux.
Lorsque plus tard, à leur tour, ils réaliseront l’expérience symbolisée par le baptême, il leur semblera encore voir le ciel s’entrouvrir et entendre au fond d’eux-mêmes la voix de Dieu leur dire à eux aussi :
« Tu es mon fils bien-aimé : je porte