Les aventures d'Arsène Lupin, gentleman cambrioleur. Морис Леблан

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Название Les aventures d'Arsène Lupin, gentleman cambrioleur
Автор произведения Морис Леблан
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066379872



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Eh bien ?

      – Eh bien ! Il est peu probable que Lupin se serve d’une automobile comme d’un bélier pour démolir votre château. Aussi, monsieur le baron, à votre place, je dormirais… comme je vais avoir l’honneur de le faire à nouveau. Bonsoir.

      Ce fut la seule alerte. Ganimard put reprendre son somme interrompu, et le baron n’entendit plus que son ronflement sonore et régulier.

      Au petit jour, ils sortirent de leur cellule. Une grande paix sereine, la paix du matin au bord de l’eau fraîche, enveloppait le château. Cahorn radieux de joie, Ganimard toujours paisible, ils montèrent l’escalier. Aucun bruit. Rien de suspect.

      – Que vous avais-je dit, monsieur le baron ? Au fond, je n’aurais pas dû accepter… Je suis honteux…

      Il prit les clefs et entra dans la galerie.

      Sur deux chaises, courbés, les bras ballants, les deux agents dormaient.

      – Tonnerre de nom d’un chien ! grogna l’inspecteur.

      Au même instant, le baron poussait un cri :

      – Les tableaux !… la crédence !…

      Il balbutiait, suffoquait, la main tendue vers les places vides, vers les murs dénudés où pointaient les clous, où pendaient les cordes inutiles. Le Watteau, disparu ! Les Rubens, enlevés ! Les tapisseries, décrochées ! Les vitrines, vidées de leurs bijoux !

      – Et mes candélabres Louis XVI !… et le chandelier du Régent et ma Vierge du douzième !…

      Il courait d’un endroit à l’autre, effaré, désespéré. Il rappelait ses prix d’achat, additionnait les pertes subies, accumulait des chiffres, tout cela pêle-mêle, en mots indistincts, en phrases inachevées. Il trépignait, il se convulsait, fou de rage et de douleur. On aurait dit un homme ruiné qui n’a plus qu’à se brûler la cervelle.

      Si quelque chose eût pu le consoler, c’eût été de voir la stupeur de Ganimard. Contrairement au baron, l’inspecteur ne bougeait pas, lui. Il semblait pétrifié, et d’un œil vague, il examinait les choses. Les fenêtres ? Fermées. Les serrures des portes ? Intactes. Pas de brèche au plafond. Pas de trou au plancher. L’ordre était parfait. Tout cela avait dû s’effectuer méthodiquement, d’après un plan inexorable et logique.

      – Arsène Lupin… Arsène Lupin, murmura-t-il, effondré.

      Soudain, il bondit sur les deux agents, comme si la colère enfin le secouait, et il les bouscula furieusement et les injuria, Ils ne se réveillèrent point !

      – Diable, fit-il, est-ce que par hasard ?…

      Il se pencha sur eux, et, tour à tour, les observa avec attention : ils dormaient, mais d’un sommeil qui n’était pas naturel.

      Il dit au baron :

      – On les a endormis.

      – Mais qui ?

      – Eh ! Lui, parbleu !… ou sa bande, mais dirigée par lui. C’est un coup de sa façon. La griffe y est bien.

      – En ce cas, je suis perdu, rien à faire.

      – Rien à faire.

      – Mais c’est abominable, c’est monstrueux.

      – Déposez une plainte.

      – À quoi bon ?

      – Dame ! Essayez toujours… la justice a des ressources…

      – La justice ! Mais vous voyez bien par vous-même… Tenez, en ce moment, où vous pourriez chercher un indice, découvrir quelque chose, vous ne bougez même pas.

      – Découvrir quelque chose, avec Arsène Lupin ! Mais, mon cher monsieur, Arsène Lupin ne laisse jamais rien derrière lui ! Il n’y a pas de hasard avec Arsène Lupin ! J’en suis à me demander si ce n’est pas volontairement qu’il s’est fait arrêter par moi, en Amérique !

      – Alors, je dois renoncer à mes tableaux, à tout ! Mais ce sont les perles de ma collection qu’il m’a dérobées. Je donnerais une fortune pour les retrouver. Si on ne peut rien contre lui, qu’il dise son prix !

      Ganimard le regarda fixement.

      – Ça, c’est une parole sensée. Vous ne la retirez pas ?

      – Non, non, non. Mais pourquoi ?

      – Une idée que j’ai.

      – Quelle idée ?

      – Nous en reparlerons si l’enquête n’aboutit pas… Seulement, pas un mot de moi, si vous voulez que je réussisse.

      Il ajouta entre ses dents :

      – Et puis, vrai, je n’ai pas de quoi me vanter.

      Les deux agents reprenaient peu à peu connaissance, avec cet air hébété de ceux qui sortent du sommeil hypnotique. Ils ouvraient des yeux étonnés, ils cherchaient à comprendre. Quand Ganimard les interrogea, ils ne se souvenaient de rien.

      – Cependant, vous avez dû voir quelqu’un ?

      – Non.

      – Rappelez-vous ?

      – Non, non.

      – Et vous n’avez pas bu ?

      Ils réfléchirent, et l’un d’eux répondit :

      – Si, moi j’ai bu un peu d’eau.

      – De l’eau de cette carafe ?

      – Oui.

      – Moi aussi, déclara le second.

      Ganimard la sentit, la goûta. Elle n’avait aucun goût spécial, aucune odeur.

      – Allons, fit-il, nous perdons notre temps. Ce n’est pas en cinq minutes que l’on résout les problèmes posés par Arsène Lupin. Mais, morbleu, je jure bien que je le repincerai. Il gagne la seconde manche. À moi la belle !

      Le jour même, une plainte en vol qualifié était déposée par le baron Cahorn contre Arsène Lupin, détenu à la Santé !

      Cette plainte, le baron la regretta souvent quand il vit le Malaquis livré aux gendarmes, au procureur, au juge d’instruction, aux journalistes, à tous les curieux qui s’insinuent partout où ils ne devraient pas être.

      L’affaire passionnait déjà l’opinion. Elle se produisait dans des conditions si particulières, le nom d’Arsène Lupin excitait à tel point les imaginations, que les histoires les plus fantaisistes remplissaient les colonnes des journaux et trouvaient créance auprès du public.

      Mais la lettre initiale d’Arsène Lupin, que publia l’Écho de France (et nul ne sut jamais qui en avait communiqué le texte), cette lettre où le baron Cahorn était effrontément prévenu de ce qui le menaçait, causa une émotion considérable. Aussitôt des explications fabuleuses furent proposées. On rappela l’existence des fameux souterrains. Et le Parquet, influencé, poussa ses recherches dans ce sens.

      On fouilla le château du haut en bas. On questionna chacune des pierres. On étudia les boiseries et les cheminées, les cadres des glaces et les poutres des plafonds. À la lueur des torches on examina les caves immenses où les seigneurs du Malaquis entassaient jadis leurs munitions et leurs provisions. On sonda les entrailles du rocher. Ce fut vainement. On ne découvrit pas le moindre vestige de souterrain. Il n’existait point de passage secret.

      Soit, répondait-on de tous côtés, mais des meubles et des tableaux ne s’évanouissent pas comme des fantômes. Cela s’en va par des portes et par des fenêtres, et les gens qui s’en emparent s’introduisent et s’en vont également par des portes et des fenêtres. Quels sont ces gens ? Comment se sont-ils introduits ? Et comment s’en sont-ils allés ?

      Le parquet de Rouen, convaincu de son impuissance, sollicita le secours