Название | Arsène Lupin contre Herlock Sholmès: Les aventures du gentleman-cambrioleur |
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Автор произведения | Морис Леблан |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066379841 |
« Malgré certaines analogies », le baron ne retint que ces trois mots effarants, où il voyait l’aveu d’un doute qui, à lui seul, aurait dû suffire pour que la justice intervînt. Ses craintes s’exaspérèrent. Il ne cessait de relire la lettre. « Je ferai procéder moi-même au déménagement. » Et cette date précise : la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 septembre !…
Soupçonneux et taciturne, il n’avait pas osé se confier à ses domestiques, dont le dévouement ne lui paraissait pas à l’abri de toute épreuve. Cependant, pour la première fois depuis des années, il éprouvait le besoin de parler, de prendre conseil. Abandonné par la justice de son pays, il n’espérait plus se défendre avec ses propres ressources, et il fut sur le point d’aller jusqu’à Paris et d’implorer l’assistance de quelque ancien policier.
Deux jours s’écoulèrent. Le troisième, en lisant ses journaux, il tressaillit de joie. Le Réveil de Caudebec publiait cet entrefilet :
« Nous avons le plaisir de posséder dans nos murs, depuis bientôt trois semaines, l’inspecteur principal Ganimard, un des vétérans du service de la Sûreté. M. Ganimard, à qui l’arrestation d’Arsène Lupin, sa dernière prouesse, a valu une réputation européenne, se repose de ses longues fatigues en taquinant le goujon et l’ablette. »
Ganimard ! Voilà bien l’auxiliaire que cherchait le baron Cahorn ! Qui mieux que le retors et patient Ganimard saurait déjouer les projets de Lupin ?
Le baron n’hésita pas. Six kilomètres séparent le château de la petite ville de Caudebec. Il les franchit d’un pas allègre, en homme que surexcite l’espoir du salut.
Après plusieurs tentatives infructueuses pour connaître l’adresse de l’inspecteur principal, il se dirigea vers les bureaux du Réveil, situés au milieu du quai. Il y trouva le rédacteur de l’entrefilet, qui, s’approchant de la fenêtre, s’écria :
– Ganimard ? Mais vous êtes sûr de le rencontrer le long du quai, la ligne à la main. C’est là que nous avons lié connaissance, et que j’ai lu par hasard son nom gravé sur sa canne à pêche. Tenez, le petit vieux que l’on aperçoit là-bas, sous les arbres de la promenade.
– En redingote et en chapeau de paille ?
– Justement ! Ah ! Un drôle de type pas causeur et plutôt bourru.
Cinq minutes après, le baron abordait le célèbre Ganimard, se présentait et tâchait d’entrer en conversation. N’y parvenant point, il aborda franchement la question et exposa son cas.
L’autre écouta, immobile, sans perdre de vue le poisson qu’il guettait, puis il tourna la tête vers lui, le toisa des pieds à la tête d’un air de profonde pitié, et prononça :
– Monsieur, ce n’est guère l’habitude de prévenir les gens que l’on veut dépouiller. Arsène Lupin, en particulier, ne commet pas de pareilles bourdes.
– Cependant…
– Monsieur, si j’avais le moindre doute, croyez bien que le plaisir de fourrer encore dedans ce cher Lupin, l’emporterait sur toute autre considération. Par malheur, ce jeune homme est sous les verrous.
– S’il s’échappe ?…
– On ne s’échappe pas de la Santé.
– Mais lui…
– Lui pas plus qu’un autre.
– Cependant…
– Eh bien, s’il s’échappe, tant mieux, je le repincerai. En attendant, dormez sur vos deux oreilles, et n’effarouchez pas davantage cette ablette.
La conversation était finie. Le baron retourna chez lui, un peu rassuré par l’insouciance de Ganimard. Il vérifia les serrures, espionna les domestiques, et quarante-huit heures se passèrent pendant lesquelles il arriva presque à se persuader que, somme toute, ses craintes étaient chimériques. Non, décidément, comme l’avait dit Ganimard, on ne prévient pas les gens que l’on veut dépouiller.
La date approchait. Le matin du mardi, veille du 27, rien de particulier. Mais à trois heures, un gamin sonna. Il apportait une dépêche.
« Aucun colis en gare Batignolles. Préparez tout pour demain soir. Arsène. »
De nouveau, ce fut l’affolement, à tel point qu’il se demanda s’il ne céderait pas aux exigences d’Arsène Lupin.
Il courut à Caudebec. Ganimard pêchait à la même place, assis sur un pliant. Sans un mot, il lui tendit le télégramme.
– Et après ? fit l’inspecteur.
– Après ? Mais c’est pour demain !
– Quoi ?
– Le cambriolage ! Le pillage de mes collections !
Ganimard déposa sa ligne, se tourna vers lui, et, les deux bras croisés sur sa poitrine, s’écria d’un ton d’impatience :
– Ah ! Ca, est-ce que vous vous imaginez que je vais m’occuper d’une histoire aussi stupide !
– Quelle indemnité demandez-vous pour passer au château la nuit du 27 au 28 septembre ?
– Pas un sou, fichez-moi la paix.
– Fixez votre prix, je suis riche, extrêmement riche.
La brutalité de l’offre déconcerta Ganimard qui reprit, plus calme :
– Je suis ici en congé et je n’ai pas le droit de me mêler…
– Personne ne le saura. Je m’engage, quoi qu’il arrive, à garder le silence.
– Oh ! Il n’arrivera rien.
– Eh bien, voyons, trois mille francs, est-ce assez ?
L’inspecteur huma une prise de tabac, réfléchit, et laissa tomber :
– Soit. Seulement, je dois vous déclarer loyalement que c’est de l’argent jeté par la fenêtre.
– Ça m’est égal.
– En ce cas… Et puis, après tout, est-ce qu’on sait, avec ce diable de Lupin ! Il doit avoir à ses ordres toute une bande… Êtes-vous sûr de vos domestiques ?
– Ma foi…
– Alors, ne comptons pas sur eux. Je vais prévenir par dépêche deux gaillards de mes amis qui nous donneront plus de sécurité… Et maintenant, filez, qu’on ne nous voie pas ensemble. À demain, vers les neuf heures.
Le lendemain, date fixée par Arsène Lupin, le baron Cahorn décrocha sa panoplie, fourbit ses armes, et se promena aux alentours du Malaquis. Rien d’équivoque ne le frappa.
Le soir, à huit heures et demie, il congédia ses domestiques. Ils habitaient une aile en façade sur la route, mais un peu en retrait, et tout au bout du château. Une fois seul, il ouvrit doucement les quatre portes. Après un moment, il entendit des pas qui s’approchaient.
Ganimard présenta ses deux auxiliaires, grands gars solides, au cou de taureau et aux mains puissantes, puis demanda certaines explications. S’étant rendu compte de la disposition des lieux, il ferma soigneusement et barricada toutes les issues par où l’on pouvait pénétrer dans les salles menacées. Il inspecta les murs, souleva les tapisseries, puis enfin il installa ses agents dans la galerie centrale.
– Pas de bêtises, hein ? On n’est pas ici pour dormir. À la moindre alerte, ouvrez les fenêtres