Название | Armand Durand; ou, La promesse accomplie |
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Автор произведения | Mrs. Leprohon |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066084547 |
Paul était d'une tolérance excessive pour les espiègleries des enfants. Peu de prairies étaient aussi envahies que les siennes par les petits voleurs de fraises et peu de pruniers aussi impunément dépouillés de leurs fruits, et souvent ses voisins le prenaient à partie parce que sa trop grande indulgence avait un effet démoralisateur sur la jeunesse du village; mais à toutes ces remontrances il répondait qu'ils ne devaient pas oublier qu'ils avaient été enfants, eux aussi. Cependant, cette fois, il ferma ses mains avec violence pendant qu'une interjection qu'il vaut mieux ne pas répéter ici s'échappa de ses lèvres. Craignant de perdre possession de lui-même et sachant qu'une intervention de sa part dans la présente affaire serait très préjudiciable à mademoiselle Audet elle-même, il tourna brusquement dans une épaisse allée de sapins; arrivé au milieu, il se jeta tout de son long sur la pelouse, et prenant son mouchoir, il s'en essuya le front. Il paraissait vivement agité; mais Paul Durand ne se laissait jamais aller au soliloque, de sort qu'après une demi-heure de réflexion profonde, il se leva et revint lentement à l'endroit où il avait laissé Geneviève.
Elle y était encore, les yeux attentivement fixés vers la terre, et un air plus fatigué, plus languissant encore que d'habitude répandu sur ses petits traits réguliers. Les voix perçantes des enfants engagés dans un jeu turbulent retentissaient tout près de là; mais elle ne paraissait pas les entendre, non plus que Durand, car il l'aborda doucement. Il fut obligé de répéter sa salutation d'une voix un peu plus haute; cette fois, elle leva la tête.
--Je présume, dit-il alors, que je ne dois pas demander à mademoiselle Audet ce à quoi elle songeait? ses pensées paraissaient être bien loin d'ici?
--Oui, elles étaient en France.
--Oh! sans doute, c'est parce que mademoiselle Geneviève y a beaucoup d'amis qu'elle aime tendrement?
--Non, répondit-elle avec douceur, je n'en ai plus maintenant.
Il n'y avait rien de sentimental ni d'affecté dans le calme accent dont elle faisait cette réponse, et Paul se mit à la considérer en silence. Les rayons dorés du soleil, perçant à travers les branches des arbres, illuminaient son visage ovale et délicat, ses grands yeux empreints de douceur, et quoique de sa vie il n'eut jamais lu de romans, il sentit le charme magique de la scène et de la situation aussi vivement que s'il eut parcouru une demi-douzaine de volumes par semaine.
Son examen fut long et minutieux, enveloppant chaque trait, chaque détail, même les petits doigts effilés qui retournaient machinalement les feuilles du livre qu'elle tenait encore entre ses mains et sur lequel ses yeux étaient restés attachés; puis il se dit à lui-même:
--Comment! une telle jeune fille incapable de se marier faute de dot! Ah! madame Lubois, nous verrons bien.
Avec la courtoisie et l'aisance de manières que possède généralement le cultivateur Canadien, quelque pauvre et illettré qu'il soit, il s'assit à ses côtés sur le banc du jardin.
Et maintenant, si le lecteur a anticipé ou redouté une scène d'amour, nous nous hâtons de l'assurer qu'il a eu tort, et nous nous contenterons de dire que lorsque Paul Durand et Geneviève revinrent lentement à la maison, une demi-heure après, ils étaient fiancés. La vive rougeur répandue sur le visage de la jeune fille et l'éclat de ses yeux disaient son bonheur et son émotion; dans l'attitude de Paul, il y avait un mélange de triomphe honnête tempéré par une tendresse qui donnait les augures les plus favorables pour leur bonheur futur.
C'étaient cependant des amoureux très-calmes très-peu démonstratifs, si bien que lorsque M. de Courval les rejoignit soudainement, il ne lui vint pas à l'idée le plu léger soupçon de l'état réel des choses; remarquant seulement que Geneviève paraissait plus joyeuse que d'ordinaire, il invita instamment Durand à l'accompagner à la maison. Celui-ci accepta l'invitation, et Geneviève, devenue tout-à-coup inquiète au sujet de ses élèves, retourna au berceau d'où partaient leurs voix, élevées en ce moment au diapason d'une vive dispute.
Assis dans l'étude de M. de Courval, Durand, sans employer de circonlocutions, informa son hôte, qui en fut enchanté, de ce qui venait d'avoir lieu, le priant en même temps de remplir le devoir d'écrire à madame Lubois pour la mettre au courant de la situation.
--Veuillez lui demander, ajouta-t-il en terminant, de permettre que le mariage ait lieu le plus tôt possible, et surtout n'oubliez pas de lui dire que je ne veux pas de dot.
M. de Courval fit ce qu'on lui demandait. Une froide réponse ne tarda pas à arriver: madame Lubois se contentait de dire «que Geneviève était bien libre de faire comme bon lui semblait, mais que le parti qu'elle prenait n'étant pas remarquablement brillant il n'y avait pas lieu d'y mettre une précipitation immodérée.»
Les intéressés, surtout Durand, furent d'un avis contraire, et deux semaines après, de bonne heure le matin, l'heureux couple fut marié dans l'église du village. M. de Courval servait de père à la mariée, M. Lubois s'étant convaincu qu'il lui était impossible d'aller à Alonville pour la circonstance. Le déjeuner donné par l'excellent seigneur fut somptueux, quoiqu'il n'y eut que peu de monde pour le partager; et au moment du départ, donnant une chaleureuse poignée de main à Durand:
--N'est-ce pas, lui dit-il, qu'après tout nous nous sommes bien passés de nos nobles cousins!
Il est probable que c'était la crainte de voir cette parenté réclamée par les nouveaux mariés qui avait déterminé l'injustifiable indifférence dont les Lubois avaient fait preuve. «Nous n'irons pas, s'étaient-ils dit avec aigreur, nous exposer aux incursions de ces campagnards. M. de Courval peut faire toutes les politesses qu'il lui plaira au fermier Durand, parce qu'il demeure dans une campagne où la société n'est pas seulement limitée, mais encore très peu choisie; quant à nous, nous ne pouvons pas songer à admettre dans notre salon aristocratique un paysan aux bottes ferrées et aux rustiques manières.»
II
Une assez vive jalousie avait éclaté à Alonville à cause de la manière prompte et inattendue dont le meilleur parti de la paroisse avait été pour ainsi dire enlevé par une étrangère, et les langues des mères aussi bien que celles des jeunes filles étaient également actives et sans miséricorde à dénoncer ce mariage.
--Qu'a-t-il vu dans cette créature au visage de poupée, sans vie et sans gaieté, qui l'ait séduit à ce point? Qu'est-ce qui a pu l'induire à prendre en mariage une étrangère, quand il y avait dans son village tant de jeunes et jolies filles qu'il connaissait depuis la plus tendre enfance? Elle a de très petits pieds et des mains très-mignonnes, c'est vrai; mais tout cela est-il bon à quelque chose? Ces mains peuvent-elles boulanger, filer, traire ou faire quoi que ce soit d'utile? Ah! bien, la rétribution ne manquera pas d'arriver, et Paul Durand pleurera sous le sac et la cendre les jolies filles qu'il a laissées de côté pour ce petit poupon!
Mais toutes ces récriminations et ces prophéties lugubres ne troublaient en rien la sérénité de ceux qui en étaient l'objet. Étaient-elles sans fondement? Hélas! pas tout-à-fait, comme on va le voir. La nouvelle mariée avait peu, sinon aucune connaissance sur la tenue d'un ménage, et c'est ce qu'il y avait de plus malheureux, car la vieille femme qui avait conduit assez habilement la maison de Durand depuis la mort de sa mère avait brusquement demandé son congé en apprenant les prochaines épousailles.
Ce n'est pas que cette bonne dame eût été particulièrement froissée à l'idée de voir une femme introduite dans l'établissement; mais, suivant elle, la faute la plus grave qu'avait commise Paul, c'était d'avoir méconnu les charmes d'une certaine nièce à elle qui pouvait produire à la fois une jolie figure et une dot confortable, et que la mère Niquette avait décidé depuis plusieurs mois déjà devoir être une compagne très-convenable pour lui.
Ayant cet objet en vue, elle avait fait, du matin au soir, l'éloge de Sophie, de ses qualités intellectuelles