Название | Les Rois Frères de Napoléon Ier |
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Автор произведения | Albert Du Casse |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066082673 |
II.
Rome, 3 vendémiaire an VI (24 septembre 1797).
Joseph Bonaparte, ambassadeur de la République, au général en chef Bonaparte.
Hier au soir, le pape[4] a été indisposé; on espérait cependant qu'il serait en état d'aller aujourd'hui, jour de dimanche, à Saint-Pierre; mais la fièvre l'a saisi avec des attaques d'apoplexie; il a reçu le viatique à trois heures après midi. Il est dans ce moment dans un état presque désespéré, et l'on craint qu'il ne résiste pas au redoublement de demain.
Cet événement peut en faire naître plusieurs d'une nature bien différente, selon les impulsions que l'on donnera à l'opinion et aux affaires de cette ville.
Vous connaissez, citoyen général, les instructions qui m'ont été données par le Directoire; mais sa situation, celle de la France et de l'Italie ne sont plus les mêmes.
Si les républicains qui existent à Rome, et dont quelques-uns sont encore arrêtés, s'ébranlent pour tenter un mouvement qui les conduise à la liberté, il est à craindre que Naples ne profite d'un instant d'oscillation pour faire enfin un mouvement réel et pousser ses troupes jusqu'à Rome. Dans ce cas, nul doute que le succès ne fût pour les partisans de la coalition dans Rome.
Naples ne tentera jamais ce mouvement s'il craint d'être prévenu par les troupes françaises. Il serait donc à désirer que vous puissiez faire filer des forces du côté d'Ancône. Dans toutes les hypothèses, leur présence dans un point avoisiné de Rome aura une influence morale ou absolue.
Les cardinaux dont on parle le plus pour les porter au pontificat sont: Albani, Gerdil, piémontais, et Caprara[5]. Le premier paraît avoir le plus d'influence, il est le centre de la faction impériale; Provera, qui, lui, est envoyé ici par le nonce Albani, est un de ses moyens, et il les emploie tous. C'est un homme d'un extérieur séduisant: du tact, de l'usage, point d'instruction, point de talent transcendant, c'est le doyen des cardinaux.
Le cardinal Gerdil passe pour un saint homme, et un théologien consommé. C'est le choix des prêtres non titrés et des dévotes.
Caprara a des talents. Ennemi du pape actuel, il réunit autour de lui les suffrages d'une partie des mécontents du gouvernement d'aujourd'hui. L'Espagne paraît le porter. On croit en général qu'il réunit aussi le vœu de la France.
Il est impossible qu'avant la réception de votre lettre, je demande officiellement la liberté des prisonniers et l'éloignement du général Provera; cette mesure me sera dictée par les circonstances, si je les juge de nature à l'exiger.
Placé plus au centre des grands intérêts, vous serez plus à même de me faire connaître quelles doivent être les intentions du gouvernement et quels moyens il peut mettre en usage pour les remplir.
Si le pape prolonge son existence, votre lettre me sera extrêmement utile: dans l'hypothèse contraire, je vous enverrai un exprès en poste. Je vous prie de me faire renvoyer sur-le-champ le courrier porteur de la présente.
Il serait peut-être à propos que, pour tous les événements, vous m'envoyassiez quelques officiers.
III.
Rome, 16 vendémiaire an VI (7 octobre 1797).
Joseph, ambassadeur, etc., au général en chef Bonaparte.
J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 8 vendémiaire par mon courrier de retour.
Vous êtes déjà instruit du rétablissement de la santé du pape.
Le général Provera, que l'on attendait ici depuis longtemps, est encore à Trieste, d'où le consul romain annonce au secrétaire d'État son prochain départ.
J'ai eu une longue conférence avec le cardinal Doria; je lui ai annoncé la volonté précise du gouvernement français de ne pas souffrir au commandement des troupes du pape un général autrichien. Aujourd'hui, il a dû lui écrire pour lui donner l'ordre de suspendre sa marche. Ma déclaration verbale a été un coup de foudre pour lui; je l'ai accompagnée de tous les raisonnements qui en font sentir la justice, et me suis plaint de plusieurs faits qui décèlent la malveillance tacite des meneurs secrets de la cour de Rome. Vous remarquerez que, depuis le ministère du cardinal Rusca, rien n'a changé que lui-même, son esprit y est resté; il dirige tous les travailleurs, commis et autres employés. Le cardinal Doria ne tient point essentiellement à la faction ennemie de la France; c'est un homme dont les manières françaises et la bonne foi ne peuvent plaire ni aux cardinaux ni à ses coopérateurs dans le ministère. Son élévation à ce poste est une preuve qu'il reste encore à Rome une partie de l'ancienne politique ténébreuse de cette cour: elle met en avant un homme honnête et loyal, incapable de soupçonner les intentions perfides de ceux qui gouvernent sous son nom, en le faisant agir dans leur sens, et, lorsqu'ils ne peuvent pas y réussir, en lui faisant forcer la main par le pape, qui déteste son secrétaire d'État.
Les meneurs réels de la cour de Rome sont un monsignor Barberi, procureur fiscal, l'intime des cardinaux Rusca, Albani; Zelada, secrétaire d'État lors du massacre de Basseville; Sparziani, premier commis du secrétaire d'État Rusca, resté dans la même place sous le cardinal Doria; c'est le rédacteur de la correspondance au nonce Albani, que vous fîtes intercepter avant la dernière campagne contre Rome; c'est à cet homme qu'étaient adressées les lettres du comte Gorri-Rossi de Milan, dont vous m'avez envoyé les copies.
Je n'ai point encore réclamé officiellement les Romains détenus depuis deux mois; j'ai épuisé tous les moyens de douceur auprès du secrétaire d'État. Vous concevez, citoyen général, d'après ce que je vous ai dit ci-dessus de la puissance réelle de ce ministre, que je n'ai dû rien obtenir: ce n'est que par des démarches fortes et officielles que l'on peut faire rentrer dans le devoir, amener à des principes de modération les meneurs et les travailleurs subalternes; c'est ce que je n'ai point encore cru devoir faire, d'après votre silence et celui du ministre des relations extérieures[6], que j'ai consulté sur cet article.
IV.
Rome, 5 frimaire an VI (25 novembre 1797).
Joseph Bonaparte, etc., au général en chef de l'armée d'Italie.
J'ai reçu votre lettre du 24 brumaire. Le général Provera est parti le lendemain du jour de la réception de votre dépêche, sans que j'aie eu besoin de faire pour cet effet de nouvelles démarches auprès du gouvernement de Rome; il s'est retiré à Naples.
Les détenus pour opinion politique ont été presque tous mis en liberté. Je vous ai déjà écrit à ce sujet.
Le cardinal secrétaire d'État sort à l'instant de chez moi; il se plaint de la municipalité d'Ancône, qui a publié l'espèce de manifeste dont vous trouverez ci-joint une copie. Le pape a été très alarmé de sa lecture, et il a ordonné à son ministre de vous dépêcher un courrier et un autre à Paris pour réclamer la restitution d'Ancône; il serait possible que la dépêche dont ce courrier sera porteur vous parvienne avant la présente.
L'officier cisalpin chargé des dépêches du ministre des relations extérieures n'a éprouvé aucune difficulté pour la reconnaissance de la nouvelle République.
Le secrétaire d'État vient de me donner lecture de la lettre qu'il a écrite à