Les Français de Barcelone. Группа авторов

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Название Les Français de Barcelone
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Жанр Документальная литература
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Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 9788412211658



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doit aussi négocier les taxes perçues par les autorités espagnoles sur les marchandises des navires français (droit de lleuda). Mais le rôle de Laurent Soleil a probablement été déterminant sur un autre aspect car c’est à cette époque que Barcelone redevient provisoirement française en 1697. En effet, Louis XIV (anciennement Louis II pour les Catalans) ordonne l’invasion de la ville, ce que réussit M. Vendôme qui prend dès lors le titre de vice-roi de Catalogne et prête serment de respecter les lois catalanes. Son mandat n’en reste pas moins court puisque Barcelone est rendue aussitôt à l’Espagne. Des retournements de situation qui ne doivent pas être faciles à gérer pour Laurent Soleil, en poste tout au long de la période.

      Les premières années du XVIIIe siècle sont marquées par la Guerre de Succession (1700-1715) au cours de laquelle la France est, cette fois-ci, dans le camp opposé à la Catalogne. Elle appuie la candidature d’un Bourbon, membre de la famille de Louis XIV, à la couronne d’Espagne alors que la Catalogne, après avoir prêté serment à Philippe V, défend la candidature de l’archiduc Charles d’Habsbourg, défenseur des libertés régionales. Le conflit a plusieurs conséquences sur la communauté française de la ville.

      Premièrement, la Fraternité-Confrérie se voit retirer en 1706 sa propriété et le droit de participer au défilé de la Semaine Sainte au bénéfice de la corporation des fabricants d’espadrilles. Les Français alors affrontent une vague de francophobie qui met en péril leurs biens et leurs vies (Moreu-Rey, 1948).

      Deuxièmement, le consul des Français, qui avait jusque-là une mission de représentation, se retrouve peu à peu obligé d’agir en tant que diplomate. Or, la Généralité, alliée à toutes les autres institutions catalanes, est devenue une interlocutrice à part entière et quelle que soit l’issue du conflit, les intérêts français de la ville doivent aller dans le même sens que les intérêts du royaume. En 1713, en plein milieu du siège de la ville par ses propres forces, Louis XIV décide de changer les règles de nomination du consul. Plus question de le choisir parmi les marchands de la ville mais parmi des fonctionnaires royaux français, plus habitués à la diplomatie. Le Consulat passe sous gestion directe de la France enterrant l’autonomie des consuls. Cette rupture est malgré tout acceptée par la Généralité alors qu’elle ne contrôle plus que Barcelone, recroquevillée derrière ses murs. C’est au même moment, durant le siège de la ville, pour des raisons qui mériteraient d’être éclaircies, que Laurent Soleil – qui n’était plus consul depuis quelques années déjà – voit tous ses biens confisqués et meurt en prison « mutilé de coups [...], dans des douleurs d’esprit et de corps » laissant derrière lui neuf enfants, tous encore mineurs.

      Troisièmement, la signature du Traité d’Utrecht entraîne la création de deux catégories de Français pour les villes comme Cadix ou Barcelone : les Français de passage, sous la protection du consul disposent du statut de transeúntes et les résidents du statut de domiciliado, vivant sans la protection de leur pavillon.

      Enfin, l’arrivée de fonctionnaires royaux entraîne une professionnalisation du Consulat. Jean-Philippe Monclus, marchand et consul, est donc remplacé par Simon Dupin, pur produit de l’administration française ayant travaillé comme chancelier et vice-consul au Levant. C’est lui qui met sur pied la première administration permanente du Consulat en y nommant un chancelier, des notaires et des greffiers. Toutefois, le consul Simon Dupin se distingue pour une autre raison ; il ne cesse de vouloir faire valoir son autorité sur tous les Français, quel que soit leur statut, selon le principe de sang. Il demande à être exempt de taxes sur les combustibles et d’être présent lors des visites des officiels de la Généralité aux commerçants français de la ville. Rien de cela ne lui est accordé. Mais c’est surtout à cause du conflit des armoiries qu’il se fait connaître. Officier royal français, il décide d’afficher les armoiries de son pays sur la porte de sa maison ; ce qui est perçu comme une provocation car il n’est pas diplomate. En 1716, il est accusé par les autorités d’avoir menti aux Français de la ville sur les relations avec l’Espagne. Il finira par être suspendu et remplacé par Alphonse-François Moy, chevalier et militaire de carrière (A.C.A.).

      La victoire du camp français en 1714 à l’issue de cette deuxième et longue guerre civile est suivie de l’application d’une politique centralisatrice autoritaire (Floristán, 2011). La Catalogne défaite voit ses institutions supprimées suite au Décret de Nueva Planta. Barcelone est alors transformée en place forte. Le quartier de la Ribera dans lequel vivaient de nombreux Français en 1637 est détruit pour y bâtir une citadelle militaire : la Ciutadella. Son objectif est de dominer la ville et de réprimer toute nouvelle rébellion. Pour permettre son édification, près de 20 % de la population de Barcelone est déplacée et parmi eux, probablement des Français. Cependant, les déplacés n’ont pas le droit à une indemnisation pour « motifs de conquête » et doivent se reloger à leurs propres frais (Brotons i Segarra, 2015). Malgré tout, l’arrivée au pouvoir de Philippe V crée pour les Français de la ville un contexte plus favorable. En effet, nombreux sont ceux venus avec celui-ci depuis la France et qui investissent des postes administratifs (comme les offices de Directeur général de l’approvisionnement du royaume de Sicile ou Commissaire de la chaux de la Ciutadella). Ceci favorise la Fraternité-Confrérie qui obtient en 1716 le droit de récupérer ses biens confisqués durant la Guerre de Succession ainsi que sa réintégration à la procession de la Semaine Sainte. En 1728, le consul obtient l’exemption du droit de fondeo ; c’est-à-dire de ne pas appliquer aux vaisseaux français l’obligation d’être inspectés par les autorités espagnoles lors d’une épidémie de peste. Malheureusement, ce contexte favorable est perturbé par une succession de rebondissements. D’abord, les Barcelonais voient leur procession de la Semaine Sainte régulièrement suspendue par décret entre 1770 et 1789. De fait, les Français de la ville ne peuvent donc pas la faire. De même, les caprices du consul Aubert animent cycliquement la vie de la communauté française. Par exemple, en 1776, il décide de ne pas présider la cérémonie du Jeudi Saint car trop de « domestiques et passe-volants » à son goût. En 1783, il décide de rétablir un ancien impôt, nommé droit de chapelle, que les consuls avaient le droit de lever sur leurs ressortissants, afin de le dédier au paiement de ses dettes, de ses loyers et de ses domestiques (A.C.A.).

      Traité sur la Convention du Prado, 1769. Archives Diplomatiques de Nantes

      Économiquement, la Catalogne et Barcelone vont mettre longtemps avant de se relever. Néanmoins, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle le développement du commerce textile des indiennes favorise leur récupération. Une récupération dont profitent pleinement les Français de la ville dont une grande partie est très liée au secteur du textile. Certains s’intègrent davantage à l’élite et sont de plus en plus présents dans l’artisanat des produits de luxe. Par exemple, un Français tient un café. En revanche, le commerce de certains produits reste interdit aux Français comme le tabac pour ne pas faire concurrence aux colonies américaines. C’est à cette même période, grâce au lien familial qui unit France et Espagne que la situation se détend et permet de mieux déterminer la responsabilité des consuls. Elle culmine en 1769 avec la signature de la Convention du Prado qui définit avec exactitude leur statut et le pose sur papier. Le consul n’est pas un diplomate et n’a pas le droit d’afficher les armoiries de France y compris à l’intérieur de sa maison. La question était brûlante car, en 1762, un consul de la ville, Alexandre Montensard, les avait encore exposées. La signature de cette convention finit de transformer l’évolution du consulat commencée sous Louis XIV.

      III. Des bouleversements de la Révolution Française à la fin de la Guerre d’Indépendance (1789-1815)

      Le déclenchement de la Révolution française, longue de plus de 10 années et dont les conséquences vont s’étendre au-delà des frontières françaises, suivi de l’avènement de la République en 1793, a des incidences directes sur les Français de la ville. Tout d’abord, en 1791, une loi espagnole ne laisse pas le choix : tous les Français doivent rentrer en France