Название | " A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle |
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Автор произведения | Группа авторов |
Жанр | Документальная литература |
Серия | Biblio 17 |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9783823302285 |
François Chauveau, Andromaque, plume et encre brune, lavis gris. 131x78 mm. [© MC Planche Collection particulière]
Pyrrhus semble proche d’agir et Andromaque gêne son départ :
Pyrrhus
Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector.
Andromaque
Ah ! Seigneur, arrêtez ! Que prétendez-vous faire ?11
Elle doit l’empêcher de livrer son fils en attirant sa compassion par une attitude humble et convaincante, Chauveau l’a ainsi figurée au pied de Pyrrhus, les bras ouverts au niveau des genoux, le visage levé, très implorante12. Sa supplique est redoublée par l’attitude de sa confidente Céphise qui se tient en arrière. Le roi quant à lui, par sa posture et le mouvement de ses bras est dans une dynamique que retient quelque peu l’action de la jeune femme alors qu’il s’apprêtait à suivre Phœnix. L’espace dans lequel les personnages sont représentés est ouvert sur l’extérieur, il apparaît comme un lieu de passage marqué par d’imposants piliers sur de hauts piédestaux. Ces derniers semblent délimiter l’aire dévolue aux femmes de celle dévolue aux hommes. La composition, par son expressivité qui expose le difficile dialogue entre le fils d’Achille et la veuve d’Hector, est séduisante. Chauveau fit donc le choix de graver ce dessin, comme l’indique la lettre de l’estampe près du trait carré : « F. Chauveau inv. et fecit ».
François Chauveau, Andromaque, estampe pour Jean Racine, Œuvres, 1675-76, in-12. [© MC Planche Collection particulière]
Cependant il modifia son dessein en figurant Astyanax dans les bras de Phœnix. L’enfant se trouve sur une ligne diagonale marquée par le corps de sa mère à laquelle il fait face, bien qu’il soit en partie caché à ses yeux par le corps de Pyrrhus. Chauveau, parce qu’il est dessinateur et graveur témoigne en cet ajout d’une étape de la fabrique de l’illustration : il montre cette volonté de parfaire un projet que ses deux compétences lui permettaient de mettre en œuvre. La présence de l’enfant explicite la scène en offrant au lecteur-spectateur une clé de lecture supplémentaire qui ne trahit en rien le texte de Racine : Astyanax a toute sa place dans l’action de la pièce et sa représentation s’en trouve aussitôt justifiée. Dans la mesure où l’estampe se départit de la scène théâtrale, elle affiche l’autonomie expressive des arts visuels tout en établissant un très fort lien avec le texte.
L’expressivité de Chauveau se trouve contenue dans un dessin qui a retenu notre attention, destiné à illustrer le poème héroïque de Georges de Scudéry, Alaric ou Rome vaincue publié en 165413. Dans la paisible forêt où résonne l’activité des « gens » d’Alaric, surgit un terrible ours blanc dont la force et la violence sont décrites avec une éloquence narrative relevant de l’hypotypose qui rend le portrait tout à fait terrifiant. La « Bête » ainsi nommée et mue par un démon annonce le monstre qui surgit des flots face à Hippolyte dans Phèdre de Racine14 :
Ses yeux sont fort petits, mais ses regards terribles ;
Le feu semble en sortir, et briller à travers
Le long poil hérissé, dont on les voit couverts.
Ses ongles sont tranchants ; et ses dents fort tranchantes ;
Son dos est élevé ; ses oreilles penchantes ;
Cet Animal paraît énorme en sa grandeur,
Et sa force en un mot égale sa laideur.
Ce terrible portrait est suivi d’un combat particulièrement violent dans lequel l’ours triomphe d’adversaires peu capables de lutter face à un tel déchaînement jusqu’à ce qu’un personnage se distingue :
Tout s’écarte ; tout fuit ; et dans un tel effroi,
Tout songe à se sauver, et nul ne songe au Roi.
Lui, dans ce grand péril, d’un courage intrépide
Présente son Épée, à la Bête homicide ;
[…]
Il s’avance à grands pas, vers la Bête en colère ;
Elle s’avance aussi, faisant ce qu’il veut faire ;
Elle saute, il esquive ; il la presse, elle fuit ;
L’Art enseigne le Roi ; la Nature l’instruit ;
[…]
Cet Ours tout de nouveau, prend et jette des Pierres
Qui volent en bruyant, ainsi que des Tonnerres ;
Le Héros les évite, et comme il est levé,
Le Fer victorieux, dans son sang est lavé.
Il le choisit au ventre, où la peau n’est pas dure ;
La Bête jette un cri, pour le mal qu’elle endure ;
Elle bondit en l’air, où perdant sa vigueur,
Elle retombe morte, aux pieds de son Vainqueur.15
Le récit vivement mené est tout à fait séduisant non seulement par le jeu de contraste, mais aussi par la manière dont la « Bête homicide » périt, lancée en l’air comme un fétu de paille. Le dessin représente au premier plan l’action vaillante d’Alaric qui, épée à la main s’apprête à fondre sur l’animal en protégeant sa main droite de son manteau.
François Chauveau, Alaric combat un ours, sanguine, plume, encre brune, lavis encre de Chine, 265x200 mm. Paris, Ensba. Dessin pour Georges de Scudéry, Alaric ou Rome vaincue, 1654. [© Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais / image Beaux-arts de Paris]
La posture des jambes, le mouvement du corps soulignent la vivacité et la témérité du personnage très proche de l’ours qui se tient debout sur ses pattes arrière, la gueule ouverte prêt à engloutir l’étoffe du manteau, tandis que les griffes acérées de sa patte tentent de s’en emparer. Tout dans la composition vise à inspirer la terreur qui règne en ces lieux. Le corps gisant près du plantigrade rappelle combien