Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

Читать онлайн.
Название Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор произведения Джейн Остин
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 9788027302383



Скачать книгу

à couler. Oh Elinor ! s’écria-t-elle, combien je me hais moi-même. Comme j’ai été barbare avec vous ! vous qui étiez mon seul soutien, vous qui avez supporté mon désespoir, qui sembliez seulement souffrir pour moi ; et je vous accusais d’insensibilité, vous la plus tendre, la meilleure des sœurs ; c’était là ma reconnaissance. Parce que je ne pouvais atteindre à votre mérite, j’essayais de le nier ou du moins de l’affaiblir, de même que je refusais de croire à l’énormité de votre malheur, que vous supportiez avec tant de calme et de résignation.

      Les plus tendres caresses entre les deux sœurs suivirent cette scène. Dans la disposition actuelle de Maria, Elinor eut peu de peine à obtenir ce qu’elle désirait. Maria s’engagea à ne parler jamais d’Edward ni de Lucy avec amertume ; à ne témoigner à cette dernière ni mépris, ni haine, ni colère, dans le cas où elle la rencontrerait, et même à voir Edward si l’occasion s’en présentait avec la même cordialité. Tout cela était beaucoup pour Maria, mais fâchée comme elle était d’avoir injurié sa sœur, il n’était rien qu’elle n’eût fait pour le réparer. Elle tint ses promesses d’une manière admirable ; elle entendit tous les bavardages de madame Jennings sur ce sujet, sans disputer avec elle ou la contredire en rien, et répétant souvent : oui, madame, vous avez raison ; elle écouta même l’éloge de Lucy sans indignation ; et quand madame Jennings disait comme Edward l’adorait, elle en fut quitte pour un léger spasme. Elinor fut si enchantée d’elle et de son héroïsme, que ce fut une consolation pour elle. Hélas la pauvre Elinor ne se doutait pas combien cet effort était pénible à Maria. Sa santé qui se soutenait dans une espèce de langueur depuis son malheur, succomba tout-à-fait quand le malheur de sa sœur se joignit au sien. Obligée de cacher toutes ses impressions, tous les sentimens violens qui assaillaient à-la fois son cœur, il lui semblait quelquefois qu’il allait se briser. Ses nuits étaient sans sommeil, ses jours sans tranquillité ; mais elle eut bien moins de peine à cacher ce qu’elle souffrait au physique, que son indignation sur l’engagement d’Edward ; elle le cacha donc aussi bien qu’il lui fut possible. Elinor sans cesse auprès d’elle s’apercevait peu de son changement graduel, de sa pâleur, de sa maigreur, qui frappaient ceux qui la voyaient moins habituellement ; mais le nombre en était petit. Elle recommença à ne pas sortir de chez elle : la crainte de rencontrer M. ou madame Willoughby fut son prétexte auprès d’Elinor, qui comprenait trop bien ce motif pour la presser, et qui n’ayant elle-même aucune envie de se trouver avec eux ou avec Edward, resta aussi plus souvent à la maison.

      Le lendemain de son entretien avec Elinor, elle eut une autre épreuve à soutenir : ce fut une visite de son frère qui vint tout exprès pour parler de la terrible affaire, et apporter à ses sœurs des nouvelles de sa femme.

      CHAPITRE XXXIX.

       Table des matières

      Vous avez entendu parler à ce que je suppose, dit-il avec une grande solennité dès qu’il fut assis, de la choquante découverte qui se fit hier chez nous-mêmes ?

      Tout le monde restant en silence, il se recueillit aussi un moment pour parler avec la dignité convenable ; il avait espéré qu’une foule de questions le tireraient d’affaire ; et qu’il n’aurait qu’à répondre ; on ne lui en faisait point. Il fallut donc pérorer tout seul, et l’éloquence n’était pas le partage du pauvre John.

      Votre sœur, dit-il enfin, a souffert considérablement ; le docteur Donavar… mais j’y reviendrai ensuite. Il faut d’abord vous dire que madame Ferrars a aussi été très-affectée, et c’est bien naturel. En un mot c’était une scène de contrariétés, tellement compliquée… mais il faut espérer que cet orage menaçant passera sans qu’aucun de nous y succombe. Il se rengorgea tout fier d’avoir trouvé cette belle métaphore. Malgré son chagrin il fut impossible à Maria de s’empêcher de sourire ; il s’en aperçut : Oui riez, Maria, vous ne rirez pas, je crois, quand vous saurez que vous avez failli perdre votre belle-sœur. Pauvre Fanny ! elle a été tout le jour hier en convulsions… mais je ne veux pas trop vous alarmer ; Donavar assure qu’il n’y a nul danger. Sa constitution est bonne, et son courage vraiment admirable ; elle a supporté ce coup avec la fermeté d’un ange… elle dit que de sa vie elle n’aura plus de confiance en personne, et je le comprends après avoir été si cruellement trompée ! Avoir trouvé une telle ingratitude après tant de bontés et tant de générosité ! je crois quelle vous aurait plutôt mille fois soupçonnée Elinor, plutôt que cette Lucy. C’était par excès d’amitié qu’elle avait invité ces jeunes personnes à venir demeurer chez nous ; elle trouvait qu’elles méritaient cette faveur, qu’elles étaient attentives, empressées, toujours prêtes à dire des choses flatteuses à tout le monde, à faire tout ce qu’Henri voulait, et mille jolis petits ouvrages, enfin que c’étaient deux compagnes très-agréables, car sans cela elle vous aurait invitées toutes les deux à rester avec nous, pendant que votre bonne amie soignait sa fille : et puis être ainsi récompensé ! Je voudrais à présent de tout mon cœur, dit-elle, de ce ton affectueux que vous lui connaissez, que nous eussions invité vos sœurs, puisqu’il n’est pas question de ce que nous avons craint… Ici John s’arrêta en s’admirant d’avoir si bien parlé, et afin d’être remercié de la bonté de Fanny ; ce qui fut fait avec un air d’ironie que John ne remarqua point. Il continua : Ce que la pauvre madame Ferrars a souffert quand sa fille lui apprit la chose, ne peut être décrit ! Pendant qu’avec une affection vraiment maternelle, elle arrangeait pour son fils un superbe mariage, apprendre tout-à-coup qu’il est engagé avec une autre, et quelle autre bon Dieu ! une petite fille sans naissance, sans fortune, venant on ne sait d’où… Ici la tante Jennings voulut éclater. Elinor la retint en lui serrant doucement la main ; elle se tut pour le moment. Jamais de la vie, continua John un tel soupçon ne lui serait entré dans la tête, et si elle le croyait attaché à quelqu’un, c’était tout d’un autre côté… vous m’entendez ? et moi-même, et Fanny nous pensions de même. Enfin cette bonne mère était à l’agonie. Nous nous consultâmes ensemble cependant sur ce qu’il y avait à faire, et elle se décida à envoyer chercher Edward. Il vint immédiatement. Mais je suis fâché, vraiment fâché d’avoir à raconter ce qui suit ; et d’ailleurs vous en savez assez, je pense. Je vous ai dit la cause du mal de Fanny, vous savez qu’elle est mieux ; cela vous suffit, je crois. Le reste s’apprendra en son temps.

      — Non, non, mon frère, s’écria Elinor, dites tout ; nous voulons tout savoir. Le sort d’Ed… de M. Ferrars nous intéresse aussi. Qu’a t-il-dit ? que veut-il faire ?

      — Il ne mérite guère cet intérêt ; et je vous avoue que j’aurais attendu autre chose de lui ; je suis vraiment indigné ! Croiriez-vous que malgré tout ce que sa mère, sa sœur et moi-même, dont l’avis n’est pas à dédaigner, nous avons pu lui dire et lui représenter pour rompre son engagement, tout a été inutile ? la bonne Fanny est allée jusqu’à la prière : devoir, affection, tout a été sans effet. Je n’aurais jamais pu croire qu’Edward fût aussi entêté, aussi insensible ! Sa mère a eu la condescendance de lui expliquer ce qu’il pouvait attendre de sa libéralité, s’il consentait à épouser miss Morton ; elle lui a dit qu’elle lui donnerait ses terres de Norfolk, qui rapportent clair et net mille pièces de revenu ; elle lui a même offert à la fin douze cent pièces, lui déclarant en même-temps que s’il persistait dans sa basse liaison, il pouvait s’attendre à la misère la plus complète ; que les deux milles pièces de capital qui sont à lui, et qu’elle ne peut lui ôter, seraient tout ce qu’il aurait jamais à prétendre ; qu’elle ne le verrait plus, et que loin de lui prêter jamais la moindre assistance s’il voulait prendre un état pour gagner quelque chose, elle ferait tout son possible pour lui nuire et l’empêcher d’obtenir une place… Elinor éleva les yeux au ciel avec une expression impossible à rendre. Maria au comble de l’indignation, joignit les mains et s’écria : Grand Dieu ! cela est-il possible ?

      — Je comprends votre étonnement, Maria, dit John Dashwood, d’une obstination qui a pu résister à de tels argumens. Votre exclamation est très-juste. Elle allait