Название | Gabriel |
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Автор произведения | Жорж Санд |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Toutes seront payées.
Je crois rêver… Est-ce que j'aurais fait mes prières ce matin? ou ma bonne femme de mère aurait-elle payé une messe à mon intention?
En ce cas les affaires peuvent s'arranger…
Non, monsieur, la justice ne doit pas transiger; conduisez-nous en prison… Gardez l'argent, et traitez-nous bien.
Passez, monseigneur.
Y songez-vous? en prison, vous, monseigneur?
Oui, je veux connaître un peu de tout.
Bonté divine! que dira monseigneur votre grand-père?
Il dira que je me conduis comme un homme.
SCÈNE II
Il dort comme s'il n'avait jamais connu d'autre domicile! Il n'éprouve pas, comme moi, une horrible répugnance pour ces murs souillés de blasphèmes, pour cette couche où des assassins et des parricides ont reposé leur tête maudite. Sans doute, ce n'est pas la première nuit qu'il passe en prison! Étrangement calme! et pourtant il a ôté la vie à son semblable, il y a une heure! son semblable! un bandit? Oui, son semblable. L'éducation et la fortune eussent peut-être fait de ce bandit un brave officier, un grand capitaine. Qui peut savoir cela, et qui s'en inquiète? celui-là seul à qui l'éducation et le caprice de l'orgueil ont créé une destinée si contraire au voeu de la nature: moi! Moi aussi, je viens de tuer un homme… un homme qu'un caprice analogue eût pu, au sortir du berceau, ensevelir sous une robe et jeter à jamais dans la vie timide et calme du cloître! (Regardant Astolphe.) Il est étrange que l'instant qui nous a rapprochés pour la première fois ait fait de chacun de nous un meurtrier! Sombre présage! mais dont je suis le seul à me préoccuper, comme si, en effet, mon âme était d'une nature différente… Non, je n'accepterai pas cette idée d'infériorité! les hommes seuls l'ont créée, Dieu la réprouve. Ayons le même stoïcisme que ceux-là, qui dorment après une scène de meurtre et de carnage.
Ah! perfide Faustina! tu vas souper avec Alberto, parce qu'il m'a gagné mon argent!.. Je te… méprise… (Il s'éveille et s'assied sur son lit.) Voilà un sot rêve! et un réveil plus sot encore! la prison! Eh! compagnons?.. Point de réponse; il parait que tout le monde dort. Bonne nuit!
Faustina! Sans doute c'est le nom de sa maîtresse. Il rêve à sa maîtresse; et moi, je ne puis songer qu'à cet homme dont les traits se sont hideusement contractés quand ma balle l'a frappé… Je ne l'ai pas vu mourir… il me semble qu'il râlait encore sourdement quand les sbires l'ont emporté… J'ai détourné les yeux… je n'aurais pas eu le courage de regarder une seconde fois cette bouche sanglante, cette tête fracassée!.. Je n'aurais pas cru la mort si horrible. L'existence de ce bandit est-elle donc moins précieuse que la mienne? La mienne! n'est-elle pas à jamais misérable? n'est-elle pas criminelle aussi? Mon Dieu! pardonnez-moi. J'ai accordé la vie à l'autre… je n'aurais pas eu le courage de la lui ôter… Et lui!.. qui dort là si profondément, il n'eût pas fait grâce; il n'en voulait laisser échapper aucun! Était-ce courage? était-ce férocité?
A moi! à l'aide! on m'assassine… (Il s'agite sur son lit.) Infâmes! six contre un!.. Je perds tout mon sang!.. Dieu, Dieu!
Arrêtez, Astolphe! revenez à vous: c'est un rêve!.. Vous maltraitez mon vieux serviteur.
C'est un affreux cauchemar en effet! Oui, je vous reconnais bien maintenant! Je suis couvert d'une sueur glacée. J'ai bu ce soir du vin détestable. Ne faites pas attention à moi.
Ah! ils rêvent donc aussi, les autres!.. Ils connaissent donc le trouble, l'égarement, la crainte… du moins en songe! Ce lourd sommeil n'est que le fait d'une organisation plus grossière… ou plus robuste; ce n'est pas le résultat d'une âme plus ferme, d'une imagination plus calme. Je ne sais pourquoi cet orage qui a passé sur lui m'a rendu une sorte de sérénité; il me semble qu'à présent je pourrai dormir… Mon Dieu, je n'ai pas d'autre ami que vous!.. Depuis le jour fatal où ce secret funeste m'a été dévoilé, je ne me suis jamais endormi sans remettre mon âme entre vos mains, et sans vous demander la justice et la vérité!.. Vous me devez plus de secours et de protection qu'à tout autre, car je suis une étrange victime!..
Impossible de dormir en paix; d'épouvantables images assiègent mon cerveau. Il vaudra mieux me tenir éveillé ou boire une bouteille de ce vin que le charitable sbire, ému jusqu'aux larmes par la jeunesse et par les écus de mon petit cousin, a glissée par là… (Il cherche sous les bancs, et se trouve près du lit de Gabriel.) Cet enfant dort du sommeil des anges! Ma foi! c'est bien, à son âge, de dormir après une petite aventure comme celle de ce soir. Il a pardieu! tué son homme plus lestement que moi! et avec un petit air tranquille… C'est le sang du vieux Jules qui coule dans ces fines veines bleues, sous cette peau si blanche!.. Un beau garçon, vraiment! élevé comme une demoiselle, au fond d'un vieux château, par un vieux pédant hérissé de grec et de latin; du moins c'est ce qu'on m'a dit… Il parait que cette éducation-là en vaut bien une autre. Ah ça! vais-je m'attendrir comme le cabaretier et comme le sbire parce qu'il a promis de payer mes dettes? Oh, non pas! je garderai mon franc-parler avec lui. Pourtant je sens que je l'aime, ce garçon-là; j'aime la bravoure dans une organisation délicate. Beau mérite, à moi, d'être intrépide avec des muscles de paysan! Il est capable de ne boire que de l'eau, lui! Si je le croyais, j'en boirais aussi, ne fut-ce que pour avoir ce sommeil angélique! mais, comme il n'y en a* pas ici… (Il prend la bouteille et la quitte.) Eh bien! qu'ai-je donc à le regarder ainsi comme malgré moi? avec ses quinze ou seize ans, et son menton lisse comme celui d'une femme, il me fait illusion… Je voudrais avoir une maîtresse qui lui ressemblât. Mais une femme n'aura jamais ce genre de beauté, cette candeur mêlée à la force, ou du moins au sentiment de la force… Cette joue rosée est celle d'une femme, mais ce front large et pur est celui d'un homme. (Il remplit son verre et s'assied, en se retournant à chaque instant pour regarder Gabriel. Il boit.) La Faustina est une jolie fille… mais il y a toujours dans cette créature, malgré ses minauderies, une impudence indélébile… Son rire surtout me crispe les nerfs. Un rire de courtisane! J'ai rêvé qu'elle soupait avec Alberto; elle en est, mille tonnerres! bien capable. (Regardant Gabriel.) Si je l'avais vue une seule fois dormir ainsi, j'en serais véritablement amoureux. Mais elle est laide quand elle dort! on dirait qu'il y a dans son âme quelque chose de vil ou de farouche qui disparaît à son gré quand elle parle ou quand elle chante, mais qui se montre quand sa volonté est enchaînée par le sommeil… Pouah! ce vin est couleur de sang… il me rappelle mon cauchemar… Décidément je me dégoûte du vin, je me dégoûte des femmes, je me dégoûte du jeu… Il est vrai que je n'ai plus soif, que ma poche est vide, et que je suis en prison. Mais je m'ennuie profondément de la vie que je mène; et puis, ma mère l'a dit, Dieu fera un miracle et je deviendrai un saint. Oh! qu'est-ce que je vois? c'est très-édifiant! mon petit cousin porte un reliquaire; si je pouvais écarter tout doucement le col de sa chemise, couper