La San-Felice, Tome 04. Dumas Alexandre

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Название La San-Felice, Tome 04
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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jamais, s'écria le roi en s'inclinant et en mettant le chapeau à la main. Après Votre Excellence.

      D'Ascoli monta le premier et voulut prendre la gauche.

      – La droite, Excellence, la droite, dit le roi; c'est déjà trop d'honneur pour moi de monter dans la même voiture que Votre Excellence.

      Et, montant après le duc, le roi se plaça à sa gauche.

      En un tour de main, un postillon avait sauté à cheval et avait lancé la voiture au galop dans la direction de Velletri.

      – Tout est payé jusqu'à Terracine, excepté le postillon et le courrier, cria le maître de poste.

      – Et Son Excellence, dit le roi, paye doubles guides.

      Sur cette séduisante promesse, le postillon fit claquer son fouet, et le cabriolet partit au galop, dépassant des ombres que l'on voyait se mouvoir aux deux côtés du chemin avec une extraordinaire vélocité.

      Ces ombres inquiétèrent le roi.

      – Mon ami, demanda-t-il au postillon, quels sont donc ces gens qui font même route que nous et qui courent comme des dératés?

      – Excellence, répondit le postillon, il paraît qu'il y a eu aujourd'hui une bataille entre les Français et les Napolitains, et que les Napolitains ont été battus; ces gens-là sont des gens qui se sauvent.

      – Par ma foi, dit le roi à d'Ascoli, je croyais que nous étions les premiers; nous sommes distancés. C'est humiliant. Quels jarrets vous ont ces gaillards-là! Six francs de guides, postillon, si vous les dépassez.

      LVII

      LES INQUIÉTUDES DE NELSON

      Tandis que, sur la route d'Albano à Velletri, le roi Ferdinand luttait de vitesse avec ses sujets, la reine Caroline, qui ne connaissait encore que les succès de son auguste époux, faisait, selon ses instructions, chanter des Te Deum dans toutes les églises et des cantates dans tous les théâtres. Chaque capitale, Paris, Vienne, Londres, Berlin, a ses poëtes de circonstance; mais, nous le disons hautement, à la gloire des muses italiennes, nul pays, sous le rapport de la louange rhythmée, ne peut soutenir la comparaison avec Naples. Il semblait que, depuis le départ du roi et surtout depuis ses succès, leur véritable vocation se fût tout à coup révélée à deux ou trois mille poëtes. C'était une pluie d'odes, de cantates, de sonnets, d'acrostiches, de quatrains, de distiques qui, déjà montée à l'averse, menaçait de tourner au déluge; la chose était arrivée à ce point que, jugeant inutile d'occuper le poëte officiel de la cour, le signor Vacca, à un travail auquel tant d'autres paraissaient s'être voués, la reine l'avait fait venir à Caserte, lui donnant la charge de choisir entre les deux ou trois cents pièces de vers qui arrivaient chaque jour de tous les quartiers de Naples, les dix ou douze élucubrations poétiques qui mériteraient d'être lues au théâtre, quand il y avait soirée extraordinaire au château, et dans le salon, quand il y avait simple raout. Seulement, par une juste décision de Sa Majesté, comme il avait été reconnu qu'il est plus fatigant de lire dix ou douze mille vers par jour que d'en faire cinquante et même cent, – ce qui, vu la commodité qu'offre la langue italienne pour ce genre de travail, était le minimum et le maximum fixé au louangeur patenté de Sa Majesté Ferdinand IV – on avait, pour tout le temps que durerait cette recrudescence de poésie et ce travail auquel il pouvait se refuser, doublé les appointements du signor Vacca.

      La journée du 9 décembre 1789 avait fait époque au milieu des laborieuses journées qui l'avaient précédée. Il signor Vacca avait dépouillé un total de neuf cent pièces différentes, dont cent cinquante odes, cent cantates, trois cent vingt sonnets, deux cent quinze acrostiches, quarante-huit quatrains et soixante-quinze distiques. Une cantate, dont le maître de chapelle Cimarosa avait fait immédiatement la musique, quatre sonnets, trois acrostiches, un quatrain et deux distiques avaient été jugés dignes de la lecture dans la salle de spectacle du château de Caserte, où il y avait eu, dans cette même soirée du 9 décembre, représentation extraordinaire; cette représentation se composait des Horaces de Dominique Cimarosa, et de l'un des trois cents ballets qui ont été composés en Italie sous le titre des Jardins d'Armide.

      On venait de chanter la cantate, de déclamer les deux odes, de lire les quatre sonnets, les trois acrostiches, le quatrain et les deux distiques dont se composait le bagage poétique de la soirée, et cela au milieu des six cents spectateurs que peut contenir la salle, lorsqu'on annonça qu'un courrier venait d'arriver, apportant à la reine une lettre de son auguste époux, laquelle lettre, contenant des nouvelles du théâtre de la guerre, allait être communiquée à l'assemblée.

      On battit des mains, on demanda avec rage lecture de la lettre, et le sage chevalier Ubalde, qui se tenait prêt à dissiper, au petit sifflement de sa baguette d'acier, les monstres qui gardent les approches du palais d'Armide, fut chargé de faire connaître au public le contenu du royal billet.

      Il s'approcha couvert de son armure, portant sur son casque un panache rouge et blanc, couleurs nationales du royaume des Deux-Siciles, salua trois fois, baisa respectueusement la signature; puis, à haute et intelligible voix, il donna lecture aux spectateurs de la lettre suivante:

      «Ma très-chère épouse,

      »J'ai été chasser ce matin à Corneto, où l'on avait préparé pour moi des fouilles de tombeaux étrusques que l'on prétend remonter à l'antiquité la plus reculée, ce qui eût été une grande fête pour sir William, s'il n'avait pas eu la paresse de rester à Naples; mais, comme j'ai, à Cumes, à Sant'Agata-dei-Goti et à Nola, des tombeaux bien autrement vieux que leurs tombeaux étrusques, j'ai laissé mes savants fouiller tout à leur aise et j'ai été droit à mon rendez-vous de chasse.

      »Pendant tout le temps qu'a duré cette chasse, bien autrement fatigante et bien moins giboyeuse que mes chasses de Persano ou d'Astroni, puisque je n'y ai tué que trois sangliers, dont un, en récompense, qui m'a éventré trois de mes meilleurs chiens, pesait plus de deux cents rottoli, nous avons entendu le canon du côté de Civita-Castellana: c'était Mack qui était occupé à battre les Français au point précis où il nous avait annoncé qu'il les battrait; ce qui fait, comme vous le voyez, le plus grand honneur à sa science stratégique. A trois heures et demie, au moment où j'ai quitté la chasse pour revenir à Rome, le bruit du canon n'avait pas encore cessé; il paraît que les Français se défendent, mais cela n'a rien d'inquiétant, puisqu'ils ne sont que huit mille et que Mack a quarante mille soldats.

      »Je vous écris, ma chère épouse et maîtresse, avant de me mettre à table. On ne m'attendait qu'à sept heures, et je suis arrivé à six heures et demie; ce qui fait que, quoique j'eusse une grande faim, je n'ai point trouvé mon dîner prêt et suis forcé d'attendre; mais, vous le voyez, j'utilise agréablement ma demi-heure en vous écrivant.

      »Après le dîner, j'irai au théâtre Argentina, où j'entendrai il Matrimonio segreto, et où j'assisterai à un ballet composé en mon honneur. Il est intitulé l'Entrée d'Alexandre à Babylone. Ai-je besoin de vous dire, à vous qui êtes l'instruction en personne, que c'est une allusion délicate à mon entrée à Rome? Si ce ballet est tel qu'on me l'assure, j'enverrai celui qui l'a composé à Naples pour le monter au théâtre Saint-Charles.

      »J'attends dans la soirée la nouvelle d'une grande victoire; je vous enverrai un courrier aussitôt que je l'aurai reçue.

      »Sur ce, n'ayant point autre chose à vous dire que de vous souhaiter, à vous et à nos chers enfants, une santé pareille à la mienne, je prie Dieu qu'il vous ait dans sa sainte et digne garde.

      »FERDINAND B.»

      Comme on le voit, la partie importante de la lettre disparaissait complètement sous la partie secondaire; il y était beaucoup plus question de la chasse au sanglier qu'avait faite le roi, que de la bataille qu'avait livrée Mack. Louis XIV, dans son orgueil autocratique, a dit le premier: l'État, c'est moi; mais cette maxime, même avant qu'elle fut matérialisée par Louis XIV, était déjà, comme elle l'a été depuis, celle de toutes les royautés despotiques.

      Malgré son vernis d'égoïsme, la lettre de Ferdinand