Название | La San-Felice, Tome 04 |
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Автор произведения | Dumas Alexandre |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
– Oui, dit le roi montant à cheval, dix hommes d'escorte et un manteau pour moi.
On lui apporta un manteau de couleur sombre dans lequel il s'enveloppa.
Mack monta lui-même à cheval.
– Comme je ne serai rassuré que quand je verrai Votre Majesté hors des murs de la ville, je demande à Votre Majesté la permission de l'accompagner jusqu'à la porte San-Giovanni.
– Est-ce que vous croyez que j'ai quelque chose à craindre dans la ville, général?
– Supposons… ce qui n'est pas supposable…
– Diable! fit le roi; n'importe, supposons toujours.
– Supposons que Championnet ait eu le temps de faire prévenir le commandant du château Saint-Ange, et que les jacobins gardent les portes.
– C'est possible, cria le roi, c'est possible; partons.
– Partons, dit Mack.
– Eh bien, où allez-vous, général?
– Je vous conduis, sire, à la seule porte de la ville par laquelle on ne supposera jamais que vous sortiez, attendu qu'elle est justement à l'opposé de la porte de Naples; je vous conduis à la porte du Peuple, et, d'ailleurs, c'est la plus proche d'ici; ce qui nous importe, c'est de sortir de Rome le plus promptement possible; une fois hors de Rome, nous faisons le tour des remparts, et, en un quart d'heure, nous sommes à la porte San-Giovanni.
– Il faut que ces coquins de Français soient de bien rusés démons, général, pour avoir battu un gaillard aussi fin que vous.
On avait fait du chemin pendant ce dialogue, et l'on était arrivé à l'extrémité de Ripetta.
Le roi arrêta le cheval de Mack par la bride.
– Holà! général, dit-il, qu'est-ce que c'est que tous ces gens-là qui rentrent par la porte du Peuple?
– S'ils avaient eu le temps matériel de faire trente milles en cinq heures, je dirais que ce sont les soldats de Votre Majesté qui fuient.
– Ce sont eux, général! ce sont eux! Ah! vous ne les connaissez pas, ces gaillards-là; quand il s'agit de se sauver, ils ont des ailes aux talons.
Le roi ne s'était pas trompé, c'était la tête des fuyards qui avaient fait un peu plus de deux lieues à l'heure, et qui commençaient à rentrer dans Rome.
Le roi mit son manteau sur ses yeux et passa au milieu d'eux sans être reconnu.
Une fois hors de la ville, la petite troupe se jeta à droite, suivit l'enceinte d'Aurélien, dépassa la porte San-Lorenzo, puis la porte Maggiore, et enfin arriva à cette fameuse porte San-Giovanni, où le roi, seize jours auparavant, avait en si grande pompe reçu les clefs de la ville.
– Et maintenant, dit Mack, voici la route, sire; dans une heure, vous serez à Albano; à Albano, vous êtes hors de tout danger.
– Vous me quittez, général?
– Sire, mon devoir était de penser au roi avant tout; mon devoir est maintenant de penser à l'armée.
– Allez, et faites de votre mieux; seulement, quoi qu'il arrive, je désire que vous vous rappeliez que ce n'est pas moi qui ai voulu la guerre et qui vous ai dérangé de vos affaires, si vous en aviez à Vienne, pour vous faire venir à Naples.
– Hélas! c'est bien vrai, sire, et je suis prêt à rendre témoignage que c'est la reine qui a tout fait. Et maintenant, que Dieu garde Votre Majesté!
Mack salua le roi et mit son cheval au galop, reprenant la route par laquelle il était venu.
– Et toi, murmura le roi en enfonçant les éperons dans le ventre de son cheval et en le lançant à fond de train sur la route d'Albano, et toi, que le diable t'emporte, imbécile!
On voit que, depuis le jour du conseil d'État, le roi n'avait pas changé d'opinion sur le compte de son général en chef.
Quelques efforts que fissent les dix hommes de l'escorte pour suivre le roi et le duc d'Ascoli, les deux illustres cavaliers étaient trop bien montés, et Ferdinand, qui réglait le pas, avait trop grand'peur, pour qu'ils ne fussent pas bientôt distancés; d'ailleurs, il faut dire qu'avec la confiance qu'avait Ferdinand dans ses sujets, il ne regardait point – en supposant que quelque danger l'attendît sur cette route – l'escorte comme d'un secours bien efficace, et, lorsque le roi et son compagnon arrivèrent à la montée d'Albano, il y avait déjà longtemps que les dix cavaliers étaient revenus sur leurs pas.
Tout le long de la route, le roi avait eu des terreurs paniques. S'il y a un endroit au monde qui présente, la nuit surtout, des aspects fantastiques, c'est la campagne de Rome, avec ses aqueducs brisés qui semblent des files de géants marchant dans les ténèbres, ses tombeaux qui se dressent tout à coup, tantôt à droite, tantôt à gauche de la route, et ces bruits mystérieux qui semblent les lamentations des ombres qui les ont habités. A chaque instant, Ferdinand rapprochait son cheval de son compagnon et, rassemblant les rênes de sa monture pour être prêt à lui faire franchir le fossé, lui demandait: «Vois-tu, d'Ascoli?..» Entends-tu, d'Ascoli?» Et d'Ascoli, plus calme que le roi, parce qu'il était plus brave, regardait et répondait: «Je ne vois rien, sire;» écoutait et répondait: «Sire, je n'entends rien.» Et Ferdinand, avec son cynisme ordinaire, ajoutait:
– Je disais à Mack que je n'étais pas sûr d'être brave; eh bien, maintenant, je suis fixé à ce sujet: décidément, je ne le suis pas.
On arriva ainsi à Albano; les deux fugitifs avaient mis une heure à peine pour venir de Rome; il était minuit, à peu près; toutes les portes étaient fermées, celle de la poste comme les autres.
Le duc d'Ascoli la reconnut à l'inscription écrite au-dessus de la porte, descendit de cheval et frappa à grands coups.
Le maître de poste, qui était couché depuis trois heures, vint, comme d'habitude, ouvrir de mauvaise humeur et en grognant; mais d'Ascoli prononça ce mot magique qui ouvrit toutes les portes:
– Soyez tranquille, vous serez bien payé.
La figure du maître de poste se rasséréna aussitôt.
– Que faut-il servir à Leurs Excellences? demanda-t-il.
– Une voiture, trois chevaux de poste et un postillon qui conduise rondement, dit le roi.
– Leurs Excellences vont avoir tout cela dans un quart d'heure, dit l'hôte.
Puis, comme il commençait de tomber une pluie fine:
– Ces messieurs entreront bien, en attendant, dans ma chambre?
– Oui, oui, dit le roi, qui avait son idée, tu as raison. Une chambre, une chambre tout de suite!
– Et que faut-il faire des chevaux de Leurs Excellences?
– Mets-les à l'écurie; on viendra les reprendre de ma part, de la part du duc d'Ascoli, tu entends?
– Oui, Excellence.
Le duc d'Ascoli regarda le roi.
– Je sais ce que je dis, fit Ferdinand; allons toujours, et ne perdons pas de temps.
L'hôte les conduisit à une chambre où il alluma deux chandelles.
– C'est que je n'ai qu'un cabriolet, dit-il.
– Va pour un cabriolet, s'il est solide.
– Bon! Excellence, avec lui on irait en enfer.
– Je ne vais qu'à moitié chemin, ainsi tout est pour le mieux.
– Alors, Leurs Excellences m'achètent mon cabriolet?
– Non; mais elles te laissent leurs deux chevaux, qui valent quinze cents ducats, imbécile!
– Alors, les chevaux sont pour moi?
– Si on ne te les réclame pas. Si on te les réclame, on te payera ton cabriolet;