Название | Quentin Durward |
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Автор произведения | Вальтер Скотт |
Жанр | Историческая фантастика |
Серия | |
Издательство | Историческая фантастика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Cependant maître Pierre semblait se livrer de nouveau à une rêverie dont il ne sortit que pour faire dévotement le signe de la croix, après quoi il mangea quelques prunes et un biscuit. Il fit signe ensuite à Quentin de lui donner la coupe dont nous avons déjà parlé; mais comme celui-ci la lui présentait, il ajouta avant de la prendre: – Vous m'avez dit que vous êtes noble, je crois?
– Sans doute, je le suis, répondit l'Écossais, si quinze générations suffisent pour cela. Je vous l'ai déjà dit; mais ne vous gênez pas, maître Pierre: on m'a toujours appris que le devoir du plus jeune est de servir le plus âgé.
– C'est une excellente, maxime, répondit le marchand en recevant la coupe que Quentin lui présentait, et en y versant de l'eau d'une aiguière qui semblait de même métal, sans paraître avoir, au sujet des convenances sociales, le moindre de ces scrupules que Quentin peut-être s'était attendu à voir naître en lui.
– Au diable soient l'aisance et la familiarité de ce bourgeois! pensa le jeune homme. Il se fait servir par un noble Écossais avec aussi peu de cérémonie que j'en montrerais moi-même envers un paysan de Glen-Isla.
Cependant maître Pierre, ayant vidé sa coupe, dit à son compagnon:
– D'après le goût que vous avez montré pour le vin de Beaune, je m'imagine que vous n'êtes pas tenté de me faire raison avec la liqueur que je viens de boire. Mais j'ai sur moi un élixir qui peut changer en vin délicieux l'eau qui sort du rocher.
Tout en parlant ainsi, il prit dans son sein une grande bourse de peau de loutre de mer, et fit tomber une pluie de petites pièces d'argent, jusqu'à ce qu'il en eût empli à moitié la coupe, qui n'était pas des plus larges.
– Vous devez plus de reconnaissance à votre patron saint Quentin, et à saint Julien, que vous ne semblez le penser, jeune homme, dit alors maître Pierre, et je vous conseille de faire quelques aumônes en leur nom. Restez dans cette hôtellerie jusqu'à ce que vous voyiez votre parent le Balafré, qui sera relevé de garde ce soir. J'aurai soin de le faire informer qu'il peut vous trouver ici, car j'ai affaire au château.
Quentin Durward ouvrait la bouche pour s'excuser d'accepter le présent que lui offrait la libéralité de son nouvel ami; mais maître Pierre, fronçant ses gros sourcils, se redressant, et prenant un air plus imposant qu'il ne l'avait encore fait, lui dit d'un ton d'autorité: – Point de réplique, jeune homme, et faites ce qui vous est ordonné.
À ces mots, il sortit de l'appartement, et fit signe à Quentin qu'il ne devait pas le suivre.
Le jeune Écossais resta stupéfait, ne sachant que penser de tout ce qui venait de lui arriver. Son premier mouvement, le plus naturel, sinon le plus noble, fut de jeter un coup d'œil sur la coupe, qui était plus qu'à demi pleine de pièces d'argent dont peut-être il n'avait jamais eu le quart à sa disposition pendant tout le cours de sa vie. Mais sa dignité, comme gentilhomme, lui permettait-elle d'accepter l'argent de ce riche plébéien? C'était une question délicate; car, quoiqu'il vînt de faire un excellent déjeuner, il n'était pas en fonds, soit pour retourner à Dijon, dans le cas où il voudrait entrer au service du duc de Bourgogne, au risque de s'exposer à son courroux, soit pour se rendre à Saint-Quentin, s'il donnait la préférence au connétable de Saint-Pol, car il était déterminé à offrir ses services à l'un de ces deux seigneurs, sinon au roi de France. La résolution à laquelle il s'arrêta fut peut-être la plus sage qu'il pût prendre dans la circonstance; c'était de se laisser guider par les conseils de son oncle. En attendant, il mit l'argent dans son sac de velours, et appela l'hôte pour lui dire d'emporter la coupe d'argent, et pour lui faire en même temps quelques questions sur ce marchand si libéral, et qui savait si bien prendre un ton d'autorité.
Le maître de la maison arriva à l'instant; et, s'il ne fut pas très-communicatif, au moins fut-il moins silencieux qu'il ne l'avait été jusqu'alors. Il refusa positivement de reprendre la coupe d'argent. Il n'en avait aucun droit, lui dit-il: elle appartenait à maître Pierre, qui en avait fait présent à celui à qui il venait de donner à déjeuner. Il avait à la vérité quatre hanaps[28] d'argent qui lui avaient été laissés par sa grand'mère, d'heureuse mémoire, mais qui ne ressemblaient pas plus à ce beau vase ciselé qu'un navet ressemble à une pêche. – C'était une de ces fameuses coupes de Tours, travaillées par Martin Dominique, artiste qui pouvait défier tout Paris.
– Et qui est ce maître Pierre qui fait de si beaux présens aux étrangers? lui demanda Quentin en l'interrompant.
– Qui est maître Pierre? répéta l'hôte en laissant échapper ces paroles de sa bouche aussi lentement que si elles eussent été distillées.
– Sans doute, dit Durward d'un ton vif et impérieux. Quel est ce maître Pierre qui se donne les airs d'être si libéral? et qui est cette espèce de boucher qu'il a envoyé en avant pour ordonner le déjeuner?
– Ma foi, monsieur, quant à ce qu'est maître Pierre, vous auriez dû lui faire cette question à lui-même; et pour celui qui est venu donner ordre de préparer le déjeuner, Dieu nous préserve de faire connaissance de plus près avec lui.
– Il y a quelque mystère dans tout cela! Ce maître Pierre m'a dit qu'il est marchand.
– S'il vous l'a dit, c'est que c'est la vérité.
– Et quel genre de commerce fait-il?
– Oh! un très-beau commerce. Entre autres choses, il a été établi ici des manufactures de soieries qui peuvent le disputer à ces riches étoffes que les Vénitiens apportent de l'Inde et du Cathay. Vous avez vu de grandes plantations de mûriers en venant ici: elles ont été faites par ordre de maître Pierre, pour nourrir les vers à soie.
– Et cette jeune personne qui a apporté ce plateau, qui est-elle, mon cher ami?
– Ma locataire, ainsi qu'une tutrice plus âgée, qui est quelque tante ou quelque cousine, à ce que je pense.
– Et êtes-vous dans l'usage d'employer vos locataires à servir vos hôtes? J'ai remarqué que maître Pierre ne voulait rien recevoir ni de votre main ni de celle de votre garçon.
– Les gens riches ont leurs fantaisies, parce qu'ils peuvent les payer. Ce n'est pas la première fois que maître Pierre a trouvé le moyen de se faire servir par des nobles.
Le jeune Écossais se trouva un peu offensé de cette observation; mais, déguisant son humeur, il demanda à son hôte s'il pouvait avoir un appartement chez lui pour la journée, et peut-être pour plus long-temps.
– Sans contredit, et pour tout le temps que vous le désirerez.
– Et comme je vais loger sous le même toit que ces deux dames, pourrait-il m'être permis de leur présenter mes respects?
– Je n'en sais trop rien. Elles ne sortent point, et ne reçoivent aucune visite.
– À l'exception de celle de maître Pierre, sans doute?
– Il ne m'est pas permis de citer aucune exception? répondit l'aubergiste avec une assurance respectueuse.
Quentin avait une idée assez haute de son importance, si on considère le peu de moyens qu'il avait pour la soutenir. Un peu mortifié par la réponse de l'hôte, il n'hésita pas à se prévaloir d'un usage assez commun dans ce siècle.
– Portez à ces dames, lui dit-il, un flacon de vernat[29]; offrez-leur mes très-humbles respects, et dites-leur que Quentin Durward, de la maison de Glen-Houlakin, honorable cavalier Écossais, et logeant en ce moment comme elles dans cette hôtellerie, leur demande la permission de leur présenter personnellement ses hommages.
L'hôte sortit, revint presque au même instant, et annonça que les dames offraient leurs remerciemens au cavalier Écossais, ne croyaient pas devoir accepter le rafraîchissement offert,
28
Espèce de coupe. Ce vieux mot français est employé par l'auteur. – (
29
Espèce de liqueur. – (