Название | Childéric, Roi des Francs, (tome premier) |
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Автор произведения | Comtesse de Beaufort d’Hautpoul Anne Marie |
Жанр | Историческая литература |
Серия | |
Издательство | Историческая литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | http://www.gutenberg.org/ebooks/34991 |
CHILDÉRIC.
LIVRE SECOND
Le bruit de la mort de Childéric s'est répandu. Désespoir du roi. Ulric, de retour du camp d'Attila, confirme ces tristes nouvelles. On les cache à la reine, toujours livrée à sa douleur. Attila attaque de nouveau les Francs. Mérovée marche à sa rencontre. Aboflède le suit. Son projet. Elle profite de la nuit pour l'exécuter; elle est chargée de chaînes. Le roi qui découvre sa démarche vole à son secours, la délivre à la faveur des ténèbres, ainsi que tous les prisonniers. Attila veut s'en venger, il est vaincu, demande et obtient la paix. Mérovée toujours vainqueur rentre dans sa capitale, et y ramène son épouse désespérée. Après de longues souffrances, elle expire. Ses funérailles. Douleur du roi.
LIVRE SECOND
Une année entière s'étoit écoulée sans apporter aucune lumière sur le sort de Childéric; le tems sembloit emporter sur ses ailes le bonheur et l'espoir: déjà Ulric, celui des braves qui tient la seconde place dans le cœur du roi, est revenu des bords du Pont-Euxin avec tous ceux qu'il a dispersés adroitement autour du camp d'Attila; mais il n'a pu ni détruire, ni confirmer la crainte du monarque. Aboflède, renfermée au fond de son palais avec ses chagrins et ses souvenirs, ignore son arrivée, on la lui dérobe avec soin; il est depuis long-tems dans Tournay, et l'infortunée l'attend encore. Un bruit, d'abord léger, mais qui peu-à-peu se répand et s'accrédite, jette un nouveau désespoir dans le cœur du roi. On assure que le jeune prince ayant suivi l'armée qui poursuivoit les Huns, et s'étant laissé entraîner par l'inexpérience de son âge, étoit tombé dans le fleuve en essayant de passer sur une des barques ennemies. L'apparence et le tems semblent confirmer ce récit. Mérovée craint, doute, et s'abandonne à la douleur qui le déchire; mais il épargne encore le cœur de la reine, il lui laisse ses fugitives espérances, et l'ame dévorée d'inquiétudes, il sourit aux douces pensées de retour que sa tendre mère exprime quelquefois. Il gémit seul ou dans les bras de Viomade; mais près d'Aboflède, il reprend son courage et son front serein. La reine se confiant à la tendresse d'un père, se rassure de la tranquillité de son époux; elle ne croit pas qu'une douleur violente puisse se contraindre, elle sent trop bien qu'un tel effort seroit au-dessus d'elle; la nature, l'amour et son cœur dans ce moment s'accordent avec le roi pour la mieux tromper. Cependant Ulric tarde bien selon elle à revenir; ce délai commence à l'inquiéter; Aboflède voit chaque jour renaître et finir, et Ulric ne paroît point; la reine ne peut soupçonner son zèle, le danger s'offre à sa pensée sous mille formes effrayantes. Attila, fier d'un si illustre prisonnier, aura sans doute refusé les échanges et le prix qu'Ulric devoit lui offrir; une idée plus terrible encore glace tout-à-coup ses esprits, Clodebaud, ce frère irrité, exerçant sur le fils la vengeance qu'il méditoit contre le père. Elle voit Childéric réduit par la haine de Clodebaud au plus cruel, au plus honteux esclavage. Peut-être, ô ciel! a-t-il porté plus loin sa fureur… Un jour même son imagination frappée lui fait apercevoir son fils pâle, baigné dans son sang; elle croit entendre ses longs gémissemens et recevoir son dernier soupir… Tremblante, éperdue, elle jette des cris douloureux, ses larmes sont taries, son sang ne circule plus, un froid mortel la saisit, elle tombe évanouie, et l'on doute long-tems de sa vie.
Cependant, l'intrépide Attila supportoit avec une égale peine, et sa honte et la longue paix où l'a réduit sa dernière défaite. Étonné de son inaction, indigné de ses revers, et retenu depuis deux ans dans ses forêts, il n'a pu revoir la saison guerrière, sans resaisir son arme terrible; les premiers feux de l'astre du jour ont ranimé toute son ardeur; il assemble son armée, et quittant encore ses déserts, il va pour la troisième fois traverser ce fleuve majestueux, barrière antique et naturelle de la France. Mais ses revers multipliés ont découragé ses soldats; il ne lit plus sur leurs fronts mornes et sourcilleux l'audacieuse espérance; il ne voit plus en eux cette impatience du combat, présage certain de la victoire ou d'une glorieuse résistance; sa voix formidable se fait entendre sans ranimer l'ardeur éteinte; il commande, on obéit, mais en silence, et sans cette joie martiale qu'il a si souvent admirée. Il revoit avec rage ces plaines fameuses par ses malheurs; son courroux valeureux s'en augmente, tandis que ces sanglans souvenirs affligent et effrayent ses troupes naguères si valeureuses. Les Francs, au contraire, volent avec transport au-devant d'un ennemi dévastateur et qu'ils sont sûrs de repousser; ils chantent d'avance une victoire certaine.
Au nom d'Attila, Aboflède a joint dans son ame celui de ravisseur, d'assassin de son fils; elle sait qu'il marche contre son peuple, elle sait encore que ces barbares traînent à leur suite tous les prisonniers de guerre; elle conçoit un projet hardi: le cœur seul d'une mère est capable de le former, de l'entreprendre, de l'exécuter! Elle annonce au roi surpris qu'elle va le suivre au combat, et en disant ces mots, ses yeux cessent de verser des larmes, et l'espérance jette une légère teinte de joie sur sa figure douloureuse. Mérovée s'oppose en vain à un désir dont il ne connoît pas encore le vrai motif; la raison ni la prudence ne peuvent rien contre tant d'amour. Hélas! Aboflède est mère, et elle a perdu son fils! que peut-elle craindre encore? Deux seules pensées lui restent, le retrouver ou mourir. La reine, montée sur un char, se mêle aux combattans et s'expose sans en être émue; son ame n'est troublée ni par le bruit des armes, ni par les horribles cris que jettent les Huns pendant les batailles, ni par le spectacle sanglant dont elle est environnée. Elle ne voit point voler le trait homicide, elle n'entend point les gémissemens des blessés; elle seule, au milieu de ce règne de la mort, conserve l'oubli d'elle-même, et porte au loin sa pensée et ses regards, sans chercher à défendre ou à conserver une vie dont elle cesse de s'occuper. Il paroît enfin à ses yeux ce groupe d'infortunés chargés de fers; ils sont peu éloignés des Huns, des gardes nombreuses les environnent. A peine cet objet de douleur et d'espoir a-t-il frappé la reine, que son regard et son cœur ne s'en écartent plus. Sans doute c'est là, c'est parmi les malheureux captifs qu'elle trouvera son fils; elle s'assure du chemin qui conduit à cette partie séparée du camp; on peut s'en approcher par un bois voisin. Aboflède a tout vu et n'oubliera rien. La nuit abaissant sur la terre ses voiles épais, force enfin les combattans à se séparer. Aboflède invoque depuis long-tems les ténèbres dont la favorable obscurité servira sa téméraire entreprise. A peine la tranquille déesse a-t-elle enchaîné dans un doux sommeil les fiers enfans de Mars, que revêtue d'habits guerriers, cachant ses membres délicats et la beauté de son sexe sous le casque et l'armure, Aboflède, jusque-là craintive, échappant à ses gardes, et guidée par son amour, s'avance vers le camp ennemi; son cœur palpite d'une joie vive, elle ne sent ni le poids du casque qui la blesse, ni celui de ses armes si étrangères à ses belles mains; aucun danger n'effraie sa pensée, un seul sentiment la soutient et l'entraîne, tout disparoît devant lui. La reine, malgré l'obscurité que l'ombrage du bois rend plus profonde encore, ne s'est point égarée, elle est parvenue au but désiré de son voyage; elle aperçoit les prisonniers attachés les uns aux autres, la plupart sont couchés, et la nuit est trop obscure pour qu'elle puisse les reconnoître. Aboflède s'approche; les gardes, surpris de tant d'audace, vont la saisir. Loin d'en être alarmée, leur cruauté semble obéir à ses vœux, elle tend ses beaux bras aux chaînes qu'elle va partager avec son fils. Pressée de les obtenir, elle se livre sans résistance, et se mêle avec transport parmi les infortunés qui sont pour la plupart ses sujets. Éclairée par les feux du camp, la reine a reconnu Mainfroy, ce fidèle général pris devant Cologne qu'il défendoit; elle s'approche de lui, et d'une voix basse, elle lui dit: Mainfroy, reconnois une mère à ma démarche audacieuse, je suis Aboflède, et je cherche mon fils prisonnier d'Attila; rends-moi mon fils! je veux mon fils! Mainfroy admire la mère, et tombe respectueusement aux genoux de la reine; mais ce ne sont point des hommages, du respect qu'elle attend de lui, c'est un fils qu'il faut lui rendre; le général l'assure vainement qu'il n'en sait aucune nouvelle, et qu'il n'a pas été fait prisonnier; il le jure à la reine désolée, et lui ravit ainsi sa dernière espérance; mais elle doute encore et interroge plusieurs Francs; leur réponse est la même, et elle perd l'espoir qui soutenoit sa vie. Aboflède alors s'arrête immobile en s'appuyant sur Mainfroy, ses larmes ne coulent point, un froid mortel la saisit,