Название | Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868 |
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Автор произведения | Hector Berlioz |
Жанр | Биографии и Мемуары |
Серия | |
Издательство | Биографии и Мемуары |
Год выпуска | 0 |
isbn | http://www.gutenberg.org/ebooks/30021 |
Dès 1835, les journaux annoncèrent que Berlioz s'occupait d'écrire un opéra sur un livret d'Alfred de Vigny; il s'agissait de Benvenuto sans doute, qui ne parut sur la scène que trois ans plus tard. En France, tout compositeur qui n'aborde pas le théâtre est condamné à l'obscurité; Berlioz se rendait bien compte de cet axiome et cherchait à se produire dans la musique dramatique. Un instant, il obtint le poste de directeur des Italiens27; mais la presse opposante cria au favoritisme et répandit le bruit que M. Bertin, des Débats, avait fait obtenir à son feuilletoniste le sceptre directorial, pour que mademoiselle Louise Bertin, qui composait, elle aussi, fît jouer, salle Ventadour, les ouvrages qu'on lui refusait ailleurs. Devant cette malveillance caractérisée, Berlioz se retira; il n'avait pas trop à se plaindre du Gouvernement qui lui commandait tantôt un Requiem, tantôt une Marche funèbre et triomphale, toutes les fois qu'il était question de célébrer les victimes de Juillet.
Le Requiem fut exécuté dans diverses villes de France, notamment à Lille, d'où Habeneck envoya à l'auteur une lettre de félicitation28. Mais ce n'étaient là que des succès relatifs. La grosse partie allait se jouer à l'Opéra, où les études de Benvenuto Cellini étaient poussées avec activité. Le soir de la première représentation, une horrible cabale fut organisée contre la pièce; le parterre siffla, grogna, hurla; les ennemis de la famille Bertin imitèrent les cris des animaux les plus divers pour faire payer à l'infortuné musicien l'honneur qu'il avait d'écrire dans une feuille ministérielle. Où la politique va-t-elle se nicher! Duprez, habituellement si applaudi, ne réussit pas à conjurer l'orage; madame Stoltz et madame Dorus-Gras eurent beau être charmantes, on leur tint rigueur; les musiciens de l'orchestre s'associèrent au ressentiment du public. Deux d'entre eux, pendant les répétitions, avaient été surpris jouant l'air J'ai du bon tabac, au lieu de jouer leur partie.
Vaincu dans cette bataille inégale, l'auteur de Benvenuto ne se découragea point; il avait la foi qui transporte les montagnes. Dès 1842, il commença par la Belgique la série de ces voyages à l'étranger qui furent pour lui la compensation et la revanche des insuccès parisiens. Si la France résistait au génie de Berlioz, l'Allemagne, la Russie, la Suisse, le Danemark pressentaient chez ce lutteur incompris une force bizarre et peut-être nouvelle: ainsi Cologne écoutait attentivement l'ouverture des Francs Juges, Mayence et Leipzig ne tardaient pas à acclamer le même morceau. Romberg, premier violon du Théâtre-Allemand à Saint-Pétersbourg, réussissait à faire entendre le Dies Iræ du Requiem et envoyait à l'éditeur Schlesinger un compte rendu enthousiaste; Hambourg, de son côté, se prononçait pour le maître; la contagion gagnait la ville de Copenhague, qui accourait au concert de M. et de madame Mortier Fontaine pour applaudir à l'ouverture de Waverley; Winterthur, dans le canton de Zurich, imitait Cologne, Copenhague et Hambourg. Cependant Winterthur est une ville si peu considérable, que nous avons eu quelque peine à la découvrir sur la carte.
Les siffleurs de Benvenuto, en apprenant ces nouvelles du dehors, commencèrent à réfléchir; si, par hasard, ils s'étaient trompés!.. Il y eut une espèce de revirement dans le public et l'on vit, un jour, des conscrits entonner, dans la rue, le motif de la Marche funèbre et triomphale en se promenant du Palais-Royal aux Italiens et à l'Opéra. Le cortège se composait d'une centaine de jeunes gens précédés de vivandières, de sapeurs, de tambours-majors et de porte-drapeaux29.
«A Bruxelles, nous dit le compositeur dans ses Mémoires, les opinions sur ma musique furent presque aussi divergentes qu'à Paris.» C'est là que nous nous trouvons pour la première fois en présence de mademoiselle Récio, que Berlioz devait épouser à la mort d'Henriette Smithson; mademoiselle Récio chanta dans les concerts de son futur mari; nous ignorons avec quel succès. Le voyage en Allemagne fut beaucoup plus décisif pour la gloire du musicien que l'excursion en Belgique; depuis longtemps, Berlioz était attendu de l'autre côté du Rhin. Nous osons à peine révéler la vérité, car elle est triste à dire; triste pour nous, Français, et pour notre goût artistique. Pendant que nous marchandions à notre compatriote de maigres applaudissements, la capitale de la Prusse le traitait en triomphateur; on lui accordait le théâtre royal et les premiers artistes de la ville, le roi accourait de Potsdam à franc étrier, se mêlait à l'enthousiasme de ses sujets (malgré l'étiquette), demandait pour ses bandes militaires la Fête chez Capulet30. Bien mieux: le maître de la chapelle ducale de Brunswick, M. Georges Muller, venait, après l'audition de Roméo et Juliette, déposer une couronne sur la partition31. Mendelssohn enfin, qui dédaignait tant son camarade de Rome, échangeait avec lui son bâton de chef d'orchestre, à propos du Sabbat de la Symphonie fantastique, exécuté presque en même temps que la Première Nuit du Sabbat, à Leipzig. Le compositeur parisien remercia par une lettre le compositeur allemand; nous avons eu la chance inespérée de retrouver le texte du billet:
Au chef Mendelssohn.
«Grand chef, nous nous sommes promis d'échanger nos tomawacks! Voici le mien, il est grossier, le tien est simple!
»Les Squaws seules et les Visages-Pâles aiment les armes ornées. Sois mon frère, et, quand le Grand-Esprit nous aura envoyés chasser dans le pays des âmes, que nos guerriers suspendent nos tomawacks amis à la porte du conseil32.»
Nous n'insisterons pas. Il nous est douloureux de constater que la justice et le sentiment du beau se sont rencontrés ailleurs que chez nous et, qui pis est, chez nos plus implacables adversaires. Au moment où l'Allemagne tressaillait aux accents des mâles symphonies du maître, nous raffolions, nous, d'opéra-comique; nous essayions d'implanter ce genre absurde dans les cinq parties du monde et une troupe de chanteurs se préparait à s'embarquer dans le port de Brest. La troupe était au complet; elle avait une prima donna, une dugazon, un ténor, des barytons, un régisseur. Quant à sa destination, on ne la devinerait jamais. Ces messieurs et ces dames allaient faire connaître les beautés du Domino noir, de Zampa, et de Fra Diavolo aux sauvages des îles Marquises33!!!!!
En juin 1843, Berlioz revint à Paris pour s'occuper d'un opéra, la Nonne sanglante, qu'il n'acheva jamais. Il trouva chez lui, en rentrant, un ordre de l'empereur de Russie, lui enjoignant d'arranger des plains-chants grecs à seize parties, en quadruple chœur. Vers la même époque, il fut nommé membre de l'Académie romaine de Sainte-Cécile, puis il reprit ses concerts. Concert à la salle Herz (3 février 1844) et première audition de l'ouverture du Carnaval romain; concert spirituel à l'Opéra-Comique, le samedi saint, 6 avril; concert aux Italiens, où il s'emporte contre deux dames qui causaient dans une loge tandis qu'on exécutait la Marche des Pèlerins34; enfin concerts au palais de l'Industrie et au Cirque des Champs-Élysées (janvier 1845). Là, fut joué un morceau dont nous avons complétement perdu la trace: l'ouverture de la Tour de Nice, écrite par l'auteur, pendant un séjour de quelques semaines dans un vieux donjon, sur le bord de la mer. Le
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28
Ibid., p. 275.
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30
Ibid., année 1843, p. 169.
31
Ibid., p. 115.
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Collection de madame Vieweg de Brunswick. Ce billet a été reproduit dans la nouvelle édition de l'ouvrage du docteur Nohl:
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