Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868. Hector Berlioz

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Название Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868
Автор произведения Hector Berlioz
Жанр Биографии и Мемуары
Серия
Издательство Биографии и Мемуары
Год выпуска 0
isbn http://www.gutenberg.org/ebooks/30021



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garçon nerveux et anguleux, au profil d'aigle, qui cheminait à côté de lui dans la rue du Corso, lui disputerait un jour les palmes de la gloire musicale, qu'il échangerait des présents avec lui, et qu'il lui donnerait l'accolade coram populo, avec plus ou moins de sincérité: – «Berlioz, écrivait-il, en 1831, est une vraie caricature, sans ombre de talent, cherchant à tâtons dans les ténèbres et se croyant le créateur d'un monde nouveau; j'ai parfois des envies de le dévorer14.» Doux enfant de la Germanie! C'est le même Mendelssohn qui, après un concert où Berlioz avait fait entendre des symphonies gigantesques, jouées par des masses d'exécutants, le félicitait d'avoir composé de si jolies petites romances15.

      Hector n'avait pas quitté Paris sans regret; il y laissait une personne dont il crut avoir à se plaindre et dont il voulut se venger. Nous voici vraiment en plein roman ténébreux. Ombre de Pixérécourt, pardonne!.. Un beau matin, Berlioz quitte Rome, emportant un poignard et des pistolets: son projet était de s'introduire sous un déguisement chez la belle infidèle, de la tuer et de se suicider après: «J'avais à punir, nous dit-il, deux coupables et un innocent…» A Florence, une modiste lui vend un costume de soubrette; à Gênes, une seconde modiste lui refuse un second costume, le premier ayant été perdu en route; vers Porto-Maurizio, Savone, le voyageur commençait à revenir à des sentiments moins féroces et l'instinct de la conservation l'aiguillonnait un peu. On se rappelle que tout élève qui franchissait sans permission la frontière italienne était regardé comme déserteur et rayé de la liste des pensionnaires de l'Académie; cette considération n'était pas à dédaigner. Réflexion faite, Berlioz jugea prudent de s'arrêter sur la pente du crime; il avait continué de courir en poste le long des falaises de la Corniche et il se trouvait, non à Vintimille, comme il le dit dans ses Mémoires, mais à Diano Marina, petite ville de l'ancien duché de Gênes, aux environs d'Oneille. De là, il écrivit à M. Horace Vernet, directeur de l'Académie de France à Rome, une lettre dont nous ne possédons que des fragments.

«Diano Marina, 18 avril 1831.

      «…Un crime odieux, un abus de confiance dont j'ai été pris pour victime, m'a fait délirer de rage depuis Florence jusqu'ici. Je volais en France pour tirer la plus juste et la plus terrible vengeance; à Gênes, un instant de vertige, la plus inconcevable faiblesse a brisé ma volonté, je me suis abandonné au désespoir d'un enfant; mais enfin j'en ai été quitte pour boire l'eau salée, être harponné comme un saumon, demeurer un quart d'heure étendu mort au soleil et avoir des vomissements violents pendant une heure; je ne sais qui m'a retiré ou m'a vu tomber par accident des remparts de la ville. Mais enfin je vis, je dois vivre pour deux sœurs, dont j'aurais causé la mort par la mienne, et vivre pour mon art16…»

      Il résulte de cette lettre que le pauvre amoureux, volontairement ou non, se serait laissé choir du haut des remparts de Gênes dans la Méditerranée; les Mémoires sont muets sur cet accident. Ils se bornent à constater le repentir du fugitif, sa soudaine résolution de rebrousser chemin et enfin sa rentrée au bercail.

      Rome, qui attire à elle tant de cœurs chrétiens et artistes, n'exerça qu'une influence médiocre sur son nouveau commensal. C'est que la musique y était négligée ou jetée dans une voie déplorable; les Italiens abusaient déjà des orchestres bruyants; ils raffolaient «des clarinettes cafardes, des trombones rugissants, des grosses caisses furibondes, des trompettes saltimbanques», ensemble instrumental désigné sous le nom de musique militaire. On chantait platement de plates cavatines dans les salons; les théâtres, avec leurs habitudes méridionales, donnaient des opéras taillés sur le même patron, chantés par des gens prudents, incapables de ressentir la moindre émotion en scène; Palestrina, dans les églises, n'existait plus qu'à l'état de souvenir. Pour une âme éprise des grandes émotions musicales, Rome, ce merveilleux musée des chefs-d'œuvre plastiques, représentait la solitude et le néant.

      Il n'y avait donc pour un musicien qu'un parti à prendre; emporter en bandoulière un fusil de chasse, tirer de la poudre aux moineaux des Abruzzes, pincer les cordes d'une guitare, noter les mélodies populaires, saisies au vol, réciter l'Énéide sur le sommet des montagnes et maudire les cavatines, les cabalettes, les trilles, les fioritures, les prime donne assolute, les ténors aux longs cheveux, les librettistes à l'imagination glacée. Oh! comme il était doux de se séparer de tout cela, de s'endormir, en liberté, à l'ombre d'un rocher sauvage, de s'asseoir au foyer d'une hôtellerie, dans quelque pays perdu! Les auberges de la campagne romaine abondent en détails pittoresques; quand les contadini, ayant attaché leurs chevaux dans la cour de l'osteria, entrent, à la tombée de la nuit, dans la salle commune où se vident les fiasques, leurs splendides haillons, leurs longs chapeaux pointus, leurs barbes touffues et mal peignées, forment l'assemblage le moins rassurant qui se puisse imaginer. C'est bien au milieu de ces paysans (ou de ces bandits) qu'une intelligence en éveil et à l'affût de la couleur devait trouver la Sérénade et l'Orgie des brigands de la symphonie d'Harold.

      Les excursions de Berlioz à Subiaco, à Alatri, au mont Cassin, à Arcinasso, ne le consolaient que médiocrement de l'incurable ennui qu'il éprouvait dans la Ville éternelle.

      …Enfin, enfin, il lui fut permis de quitter cette Italie qu'il ne revit jamais et où, contrairement à tant d'autres, moins difficiles, il n'avait pu s'acclimater. Son ardeur de rentrer dans la lutte et de se conquérir une place en vue était vraiment furieuse. On s'occupa de ses faits et gestes à Paris, dès qu'il y fut; et, à ce propos, qu'on nous permette d'ouvrir une parenthèse. Nous croyons que la vie des grands hommes doit être murée ni plus ni moins que celle des simples particuliers; mais quand un amour comme l'amour de Berlioz pour miss Smithson a occupé les badauds et les journaux d'une ville d'un million d'âmes, cet épisode ne rentre plus dans l'ordre des galanteries ordinaires; il appartient à l'histoire. Nous nous en emparons.

      Miss Smithson était venue à Paris avec une troupe de comédiens anglais, chargés de populariser Shakespeare de ce côté-ci du détroit. La tâche était ardue; les Français ne s'enthousiasment pas facilement pour ce qu'ils ne comprennent point et très-peu d'entre eux connaissaient la langue de Byron et d'Hudson Lowe. A la vérité, ce démon de Shakespeare est doué d'un tel génie communicatif que ses œuvres, même jouées en pantomime, établiraient entre lui et les spectateurs un courant de sympathie électrique. Les étudiants de la rive gauche firent fête à Roméo, à Hamlet, qu'ils connaissaient par les adaptations du bon Ducis; miss Smithson fut engagée à l'Opéra-Comique pour y jouer un rôle muet dans l'Auberge d'Auray, de Carafa et d'Hérold. Elle s'était auparavant distinguée à Londres, à côté de Kean; le vieux Kemble l'avait encouragée à persévérer et elle avait déployé les qualités les plus touchantes, les plus pathétiques, dans les rôles d'Ophélie, de lady Macbeth, de Desdémone, de Virginie, de Cordélia. Sa timidité était extrême; aussi quand on lui annonça qu'un jeune musicien, déjà connu, s'était épris d'elle à une représentation de l'Odéon, quand on lui dit que ce romantique artiste ne rêvait plus qu'à elle, avait juré de ne plus composer que pour elle, miss Smithson refusa de croire à une aussi tenace passion. Un rédacteur du Galignani's Messenger, M. Schutter, persuada à la charmante actrice d'assister à un concert où l'auteur de la Symphonie fantastique faisait entendre ce bel ouvrage; en écoutant la phrase de l'adagio, cette phrase qui reparaît dans la Scène aux champs, dans la Marche au supplice, dans les fêtes orgiaques de la Nuit du Sabbat, Harriett Smithson comprit qu'elle était aimée. Elle consentit à recevoir son adorateur, elle lui permit d'espérer; mais une union projetée dans des conditions aussi étranges ne se noue pas sans des alternatives de beau temps et de tempêtes, d'espoir et de désespoir. Il faut sans doute rapporter à quelque péripétie orageuse le billet qu'on va lire:

A MADEMOISELLE HENRIETTE SMITHSONRue de Rivoli, Hôtel du Congrès

      «Si vous ne voulez pas ma mort, au nom de la pitié (je n'ose dire de l'amour), faites-moi savoir quand je pourrai vous voir.

      «Je vous demande grâce, pardon, à genoux, avec sanglots!!!

      «Oh! malheureux que je suis, je



<p>14</p>

Correspondance de Mendelssohn, traduite par M. A. – A. Rolland, p. 127.

<p>15</p>

. Voir la lettre XXVII de notre recueil.

<p>16</p>

Collection de M. le baron de Trimont.