Название | Han d'Islande |
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Автор произведения | Victor Hugo |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
– Soit, dit Ordener. Vous serez donc mon guide. Vieillard, ajouta-t-il avec un regard expressif, je compte sur votre loyauté.
– Ah! maître, répondit le concierge, la foi de Spiagudry est aussi pure que l'or que vous venez de me donner si gracieusement.
– Qu'il n'en soit pas autrement, car je vous prouverais que le fer que je porte n'est pas de moins bon aloi que mon or.– Où pensez-vous que soit Han d'Islande?
– Mais, comme le midi du Drontheimhus est plein de troupes qu'on y a envoyées sur je ne sais quelle réquisition du grand-chancelier, Han doit s'être dirigé vers la grotte de Walderlong ou vers le lac de Smiasen. Notre route est par Skongen.
– Quand pouvez-vous me suivre?
– Après la journée qui commence, quand la nuit sera close et le Spladgest fermé, votre pauvre serviteur commencera près de vous les fonctions de guide, pour lesquelles il privera les morts de ses soins. Nous chercherons un moyen de cacher pendant tout le jour, aux yeux du peuple, la mutilation du mineur.
– Où vous trouverai-je ce soir?
– Sur la grande place de Drontheim, s'il convient au maitre, près la statue de la Justice, qui fut jadis Freya, et qui me protégera sans doute de son ombre en reconnaissance du beau diable que j'ai fait sculpter sous ses pieds.
Spiagudry allait peut-être répéter verbalement à Ordener les considérants de son placet au gouverneur, si celui-ci ne l'eût interrompu.
– Il suffit, vieillard, le traité est conclu.
– Conclu, répéta le concierge.
Il achevait ce mot, lorsqu'une espèce de grondement se fit entendre comme au-dessus d'eux. Le concierge tressaillit.
– Qu'est cela? dit-il.
– N'y a-t-il ici, dit Ordener également surpris, d'autre habitant vivant que vous?
– Vous me rappelez mon vicaire Oglypiglap, reprit Spiagudry rassuré par cette idée; c'est lui sans doute qui dort bruyamment. Un lapon qui dort, selon l'évêque Arngrim, fait autant de bruit qu'une femme qui veille.
En parlant ainsi, ils s'étaient rapprochés de la porte du Spladgest. Spiagudry l'ouvrit doucement.
– Adieu, mon jeune seigneur, dit-il à Ordener, le ciel vous mette en joie. À ce soir. Si votre chemin vous conduit devant la croix de saint Hospice, daignez prier pour votre misérable serviteur Benignus Spiagudry.
Alors refermant en hâte la porte, autant de crainte d'être aperçu que pour garantir sa lampe des premières brises du matin, il revint près du cadavre de Gill, et s'occupa d'en tourner la tête de manière à en cacher la blessure.
Il avait fallu bien des raisons pour décider le timide concierge à accepter l'offre aventureuse de l'étranger. Dans les motifs de sa téméraire détermination entraient: 1° la crainte d'Ordener présent; 2° celle du bourreau Orugix; 3° une vieille haine pour Han d'Islande, haine qu'il osait à peine s'avouer à lui-même, tant la terreur la comprimait; 4° l'amour pour les sciences, auxquelles son voyage serait si utile; 5° la confiance en son esprit rusé, pour se dérober aux regards de Han; 6° un attrait tout spéculatif pour certain métal que renfermait la bourse du jeune aventurier, et dont paraissait aussi remplie la boîte de fer volée au capitaine et destinée à la veuve Stadt, message qui maintenant courait grand risque de ne jamais quitter le messager.
Une dernière raison enfin, c'était l'espérance bien ou mal fondée de rentrer tôt ou tard dans la place qu'il allait abandonner. Que lui importait d'ailleurs que le brigand tuât le voyageur ou le voyageur le brigand? A ce point de sa rêverie, il ne put s'empêcher de dire à haute voix:
– Cela me fera toujours un cadavre.
Un nouveau grondement se fit encore entendre, et le malheureux concierge frissonna.
– Ce ne sont vraiment point là les ronflements d'Oglypiglap, se dit-il; ce bruit vient du dehors.
Puis, après un moment de réflexion:
– Je suis bien simple de m'effrayer ainsi, c'est sans doute le dogue du port qui se réveille et qui aboie.
Alors il acheva de disposer les membres défigurés de Gill; puis, refermant toutes les portes, vint se délasser sur son grabat des fatigues de la nuit qui s'achevait, et prendre des forces pour celle qui se préparait.
IX
JULIETTE.
Ah! crois-tu que nous nous revoyions jamais?
ROMÉO.
Je n'en doute point; et toutes ces peines deviendront le doux entretien de nos jours à venir.
Le fanal du château de Munckholm venait de s'éteindre, et, à sa place, le matelot entrant dans le golfe de Drontheim voyait le casque du soldat de garde briller de loin, comme une étoile mobile, aux rayons du soleil levant, quand Schumacker, appuyé sur le bras de sa fille, descendit comme de coutume dans le jardin circulaire qui environnait sa prison. Tous deux avaient eu une nuit agitée, le vieillard par l'insomnie, la jeune fille par des rêves délicieux. Ils se promenaient depuis quelque temps en silence, quand le vieux prisonnier attacha sur la belle jeune fille un regard triste et grave:
– Vous rougissez et souriez toute seule, Éthel; vous êtes heureuse, car vous ne rougissez pas du passé, et vous souriez à l'avenir.
Éthel rougit plus fort, et cessa de sourire.
– Mon seigneur et père, dit-elle, embarrassée et confuse, j'ai apporté le livre de l'Edda.
– Eh bien, lisez, ma fille, dit Schumacker; et il retomba dans sa rêverie.
Alors le sombre captif, assis sur un rocher noirâtre ombragé d'un sapin noir, écouta la douce voix de sa fille, sans entendre sa lecture, comme un voyageur altéré se plaît au murmure de la source où il puise la vie.
Éthel lui lut l'histoire de la bergère Allanga, qui refusa un roi jusqu'à ce qu'il eût prouvé qu'il était un guerrier. Le prince Regner Lodbrog n'obtint la bergère qu'en revenant vainqueur du brigand de Klipstadur, Ingolphe l'Exterminateur.
Soudain un bruit de pas et de feuillage froissé vint interrompre sa lecture et arracher Schumacker à sa méditation. Le lieutenant d'Ahlefeld sortit de derrière le rocher où ils étaient assis. Éthel baissa la tête en reconnaissant l'interrupteur éternel, et l'officier s'écria:
– Sur ma foi, ma belle damoiselle, le nom d'Ingolphe l'Exterminateur vient d'être prononcé par votre charmante bouche. Je l'ai entendu, et je présume que c'est en parlant de son petit-fils, Han d'Islande, que vous êtes remontée jusqu'à lui. Les damoiselles aiment beaucoup à parler des brigands. Sous ce rapport, on conte d'Ingolphe et de sa descendance des choses singulièrement agréables et effrayantes à entendre. L'exterminateur Ingolphe n'eut qu'un fils, né de la sorcière Thoarka; ce fils n'eut également qu'un fils, né de même d'une sorcière. Depuis quatre siècles, cette race s'est ainsi perpétuée pour la désolation de l'Islande, toujours par un seul rejeton, qui ne produit jamais qu'un rameau. C'est par cette série d'héritiers uniques que l'esprit infernal d'Ingolphe est arrivé de nos jours sain et entier au fameux Han d'Islande, qui avait sans doute tout à l'heure le bonheur d'occuper les virginales pensées de la damoiselle.
L'officier s'arrêta un moment. Éthel gardait le silence de l'embarras; Schumacker, celui de l'ennui. Enchanté de les trouver disposés sinon à répondre, du moins à écouter, il continua:
– Le brigand de Klipstadur n'a d'autre passion que la haine des hommes, d'autre soin que celui de leur nuire.
– Il est sage, interrompit brusquement le vieillard.
– Il vit toujours seul, reprit le lieutenant.
– Il est heureux, dit Schumacker.
Le lieutenant fut ravi de cette double interruption, qui semblait