Название | Les voyageurs du XIXe siècle |
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Автор произведения | Jules Verne |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066074371 |
Tintapouri, résidence d'un lama, est, depuis une très haute antiquité, le rendez-vous le plus fréquenté des fidèles, comme le prouve un mur de plus de quatre cents pieds de long sur quatre de large, formé de pierres sur lesquelles sont inscrites des prières.
Les voyageurs partirent de ce lieu le 1er août, afin de gagner le lac Mansarovar, et laissèrent sur leur droite le lac Ravahnrad, qui passait pour donner naissance à la principale branche du Setledje.
Le lac Mansarovar est creusé au pied d'immenses prairies en pente que dominent au sud des montagnes gigantesques. De tous les lieux que les Hindous vénèrent, il n'en est pas de plus sacré. Cela tient sans doute à son éloignement de l'Hindoustan, aux fatigues et aux dangers de la route, enfin à la nécessité d'emporter avec soi argent et provisions.
Les géographes hindous faisaient sortir de cette nappe d'eau le Gange, le Setledje et le Kali. Moorcroft n'avait aucun doute sur la fausseté de la première de ces assertions. Résolu à vérifier les deux autres, il longea les rives escarpées et coupées de profondes ravines de ce lac, il vit un grand nombre de cours d'eau qui s'y jetaient; pas un n'en sortait. Il est possible qu'avant le tremblement de terre qui ruina Srinagar, le Mansarovar ait eu un émissaire, mais Moorcroft n'en trouva pas trace. Situé entre l'Himalaya et la chaîne du Caïlas, de forme oblongue irrégulière, ce lac a cinq lieues de longueur sur quatre de largeur.
Le but de la mission étant rempli, Moorcroft et Hearsay revinrent vers l'Inde, passèrent à Gangri et virent Ravahnrad, mais Moorcroft était trop faible pour en faire le tour; il regagna Tirtapouri, puis Daba, et eut beaucoup à souffrir en traversant le Ghat, ou passage qui sépare l'Hindoustan du Thibet.
«Le vent qui vient des montagnes du Bouthan, couvertes de neige, dit la relation, est froid et perçant, la montée a été longue et pénible, la descente raide et glissante, et a exigé bien des précautions. En général, nous avons beaucoup souffert. Nos chèvres, par la négligence de leurs conducteurs, s'étaient écartées de la route et avaient grimpé sur le bord d'un précipice élevé de cinq cents pieds au-dessus. Un montagnard les dérangea de ce poste dangereux; elles se mirent à descendre en courant une pente très escarpée. Les dernières dérangèrent des cailloux qui, en tombant avec violence, menaçaient de frapper celles qui se trouvaient les premières; c'était une chose curieuse de voir avec quelle adresse celles-ci, en continuant à courir, évitaient l'atteinte des pierres.»
Bientôt les Gorkhalis, qui se sont jusqu'alors contenté de mettre obstacle à la marche des voyageurs, les serrent de près et veulent les arrêter. La fermeté des Anglais contint longtemps ces sauvages fanatiques, mais enfin leur nombre leur donna du courage, et ils tombèrent sur le camp.
«Vingt hommes se précipitèrent sur moi, dit Moorcroft; l'un me prit par le cou et, appuyant son genou contre mes reins, essayait de m'étrangler en serrant ma cravate; un autre attacha une corde à l'une de mes jambes et me tira en arrière; j'étais sur le point de m'évanouir. Mon fusil, sur lequel je m'appuyais, m'échappa, je tombai; on me tira par les pieds jusqu'à ce que je fusse garrotté. Quand je me relevai, rien n'égala l'expression de joie féroce qui se peignit sur le visage de mes vainqueurs. De crainte que je parvinsse à m'échapper, deux soldats me tenaient par le bout d'une corde, et m'en donnaient de temps en temps un bon coup, sans doute pour me rappeler ma position. Il paraît que M. Hearsay ne prévoyait guère que nous serions attaqués si tôt; il se rinçait la bouche quand la bagarre commença et n'entendit pas mes cris qui l'appelaient à mon secours. Nos gens ne se trouvaient pas auprès du peu d'armes que nous avions; quelques-uns s'échappèrent, je ne sais comment; les autres furent arrêtés, ainsi que M. Hearsay. On ne le lia pas comme moi, on se contenta de lui tenir les bras.»
Le chef de cette bande apprit aux deux Anglais qu'ils étaient reconnus et arrêtés pour avoir traversé le pays sous le déguisement de pèlerins hindous. Un fakir, que Moorcroft avait engagé comme chévrier, parvint cependant à s'échapper et à porter deux lettres aux autorités anglaises. Les démarches furent faites aussitôt, et, le 1er novembre, les explorateurs étaient relâchés. Non seulement on leur faisait des excuses, mais on leur rendait ce qu'on leur avait pris, et le rajah du Népaul leur permettait de quitter son pays. Tout est bien qui finit bien!
Il reste à rappeler, pour être complet, la course de M. Fraser dans l'Himalaya et l'exploration de Hodgson aux sources du Gange, en 1817.
Le capitaine Webb avait, par lui-même, comme nous l'avons dit, reconnu le cours de ce fleuve depuis la vallée de Dhoun jusqu'à Cadjani, près de Reital. Le capitaine Hodgson partit de cet endroit, le 28 mai 1817, et parvint, trois jours après, à la source du Gange, au delà de Gangautri. Il vit le fleuve sortir d'une voûte basse, au milieu d'une masse énorme de neige glacée, qui avait plus de trois cents pieds de hauteur perpendiculaire. Le cours d'eau était déjà respectable, n'ayant pas moins de vingt-sept pieds de largeur moyenne et dix-huit pouces de profondeur.
Selon toute probabilité, c'est en cet endroit que le Gange apparaît pour la première fois à la lumière. Quelle est sa longueur sous la neige glacée? Est-il le produit de la fonte de ces neiges? Sourd-il de terre? Voilà des points qu'aurait désiré résoudre le capitaine Hodgson; mais, ayant voulu remonter plus haut que les guides n'y consentaient, l'explorateur s'enfonça dans la neige jusqu'au cou et fut forcé de revenir à grand'peine sur ses pas. L'endroit d'où sort le Gange est situé à douze mille neuf cent quatorze pieds au-dessus du niveau de la mer, dans l'Himalaya même.
Hodgson fit aussi des recherches sur la source de la Jumna. A Djemautri, la masse de neige d'où la rivière s'échappe n'a pas moins de cent quatre-vingts pieds de largeur et plus de quarante pieds d'épaisseur entre deux murailles de granit perpendiculaires. Cette source est située sur le versant sud-est de l'Himalaya.
Si la domination des Anglais dans l'Inde avait pris une extension considérable, il n'en est pas moins vrai que cette extension même était un danger. Toutes ces populations de races diverses, dont plusieurs avaient derrière elles un passé glorieux, n'avaient été soumises que grâce au principe politique si connu, qui consiste à diviser pour régner. Mais ne pouvaient-elles pas un jour imposer silence à leurs rivalités et à leurs inimitiés pour se retourner contre l'étranger?
Cette perspective envisagée froidement par la Compagnie, toutes ses actions devaient tendre à l'application du système qui avait si bien réussi jusqu'alors. Certains États voisins, encore assez puissants pour porter ombrage à la puissance britannique, pouvaient servir de refuge aux mécontents et devenir le foyer d'intrigues dangereuses. Or, de tous ces empires voisins, celui qui devait être le plus étroitement surveillé était la Perse, non pas seulement à cause du voisinage de la Russie, mais parce que Napoléon avait eu une idée de génie que ses guerres d'Europe ne lui permirent pas de mettre à exécution.
Au mois de février 1807, le général de Gardane, qui avait gagné ses grades pendant les guerres de la République et s'était distingué à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, fut nommé ministre plénipotentiaire en Perse, avec mission de s'allier au shah Feth-Ali contre l'Angleterre et la Russie. Le choix était heureux, car un des ancêtres du général Gardane avait rempli une semblable mission à la cour du Shah. Gardane traversa la Hongrie, gagna Constantinople et l'Asie Mineure; mais lorsqu'il parvint en Perse, Abbas Mirza avait succédé à son père Feth-Ali.
Le nouveau shah reçut