Название | Histoire d'Henriette d'Angleterre |
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Автор произведения | La Fayette Marie-Madeleine Pioche de La Vergne |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Il en recommença un autre à son retour en France. Dix-huit mois après la mort de Madame, le comte de Guiche faisait de belles lettres et de beaux discours à madame de Brissac. Madame de Sévigné nous apprend que c'était «en tout bien et en tout honneur60». Madame de Brissac était toujours chez elle, et M. de Guiche n'en sortait pas. Mais cela ne donnait pas lieu à la médisance. C'est encore madame de Sévigné qui nous l'apprend: «Ils sont tellement sophistiqués tous deux, qu'on ne croit rien de grossier à leur amour et l'on croit qu'ils ont chacun leur raison d'être honnêtes61.»
Le chansonnier croit au contraire que l'empêchement n'était que d'un côté et que madame de Brissac finit par congédier un amant si respectueux:
Le pauvre comte de Guiche
Trousse ses quilles et son sac;
Il faudra bien qu'il déniche
De chez la nymphe Brissac.
Il a gâté son affaire
Pour n'avoir jamais su faire
Ce que fait, ce que défend
L'archevêque de Rouen62.
Ce fut le dernier roman de M. de Guiche. Il mourut à Creutznach, dans le Palatinat du Rhin, le 29 novembre 1673, à l'âge de trente-six ans.
«Il voulait maîtriser toujours et décider souverainement de tout, lorsqu'il convenoit uniquement d'écouter et d'être souple: ce qui lui attira une envie générale, et enfin une sorte d'éloignement de la part du Roi, qui lui tourna la tête et ensuite lui donna la mort, car il ne put tenir à nombre de dégoûts réitérés63.»
Voilà quel homme c'était et comment il aimait. Il est des choses secrètes et cachées par leur nature même. Je ne veux pas avoir l'air de savoir ce qu'on ne sait jamais, mais en vérité, les apparences, puisqu'il faut s'y tenir, sont favorables à Madame, et, en ce qui la concerne, le meilleur à croire est aussi le plus croyable.
Madame de La Fayette, il est vrai, donne à sourire quand elle dit que des entrevues périlleuses «se passoient à se moquer de Monsieur et à d'autres plaisanteries semblables64». Mais cet enfantillage est bien dans la nature de ce comte de Guiche si gâté par le respect humain et la vanité. Quand cet Amadis quittait sa cuirasse, il jouait comme un écolier et s'amusait de bon cœur aux espiègleries les plus enfantines. Et que dit ce terrible libelle qui fut imprimé en Hollande et empêcha Madame de dormir65? Il dit qu'au moment le plus critique de sa passion pour Madame, M. de Guiche, revenu d'exil, s'amusait, de concert avec elle, à mettre de l'encre dans les bénitiers pour que Monsieur se barbouillât la main et le visage. Madame de La Fayette avait l'esprit trop sérieux pour entrer dans ces gaietés, qui contrastent, il faut l'avouer, avec le galant et le tendre, mais sont tout à fait innocentes.
Puis conviendrait-il qu'on fût plus sévère que Bossuet? Et ne me permettra-t-on pas de prendre en cette occasion un peu de cette magnanime indulgence que tout ce grand XVIIe siècle, marquises et prélats, accordaient à d'élégantes faiblesses? N'est-on point tenté de dire avec l'Œnone de Racine:
Mortelle, subissez le sort d'une mortelle.
Je n'ai point, comme M. Feuillet, que vous allez connaître66, le cœur à dire des duretés. Encore disait-il les siennes à Madame, dans l'exercice de son ministère, quand elle était vivante et pouvait les entendre. Dès que nous rentrerons dans le temps présent nous ne relâcherons rien de la plus stricte morale; mais pourquoi froncer le sourcil quand il s'agit des dames du temps jadis? Ce qui est fait est fait.
Cette jeune princesse ne s'en fit pas moins un grand tort par ses étourderies, et ce que le public apprit de ses aventures avec M. de Guiche fut matière à calomnie. Ceci m'amène à compléter sur un point le récit de madame de La Fayette. Elle dit que toute cette affaire de Guiche fit un bruit fâcheux. Il y avait là-dessus une anecdote que Madame ne lui fit point écrire, non qu'elle l'eût oubliée, mais plutôt parce que le souvenir lui en était pénible et qu'elle voulait l'étouffer. C'était celui d'un manuscrit intitulé: Les Amours de Madame et du comte de Guiche, qui courait Paris et s'imprimait en Hollande. Elle chargea M. de Cosnac, évêque de Valence, d'en avertir Monsieur, pensant bien qu'il ne manquerait pas de gens pour le faire avec moins d'adresse ou de charité. En effet, l'évêque de Valence fut devancé. Mais Madame avait à cœur de faire disparaître l'édition. Cosnac la fit racheter par l'intermédiaire de Charles Patin, fils du célèbre médecin Guy Patin. Madame en était quitte pour la peur; du moins, elle croyait l'être, mais quelques exemplaires du libelle furent conservés et le texte reparut en 1754 sous le titre de La Princesse ou les amours de Madame dans l'Histoire amoureuse de Bussy-Rabutin67 qui n'en était pas l'auteur mais à qui sa mauvaise réputation le fit attribuer.
Ce petit ouvrage, dont vous avez lu plus haut quelques lignes, est d'un ton décent et fort poli. L'auteur connaissait assurément le comte de Guiche qu'il représente comme un personnage affecté et comme un amant nuageux. Il fait parler Montalais68 avec un grand air de vérité et donne à Madame une coquetterie naïve et facile, un goût d'aimer, une douceur fine qui ne vont point à l'encontre de ce qu'on sait mais qui vont bien au delà.
Nous avons d'autres témoins (si tant est qu'il y ait des témoins en ces sortes de choses). Madame de Motteville nous apprend que la Reine mère, «qui condamnoit la conduite apparente de Madame, la croyoit en effet pleine d'innocence.» Cette bonne dame de Motteville, sévère comme sa maîtresse pour les «jeunes erreurs», ne voyait du moins dans le passé de Madame «rien de criminel». Madame de La Fayette, aussi croyable et mieux avertie, fait entendre suffisamment que les galanteries de Madame restèrent dans l'innocence. Car, après les avoir racontées, elle rapporte cette parole d'Henriette, mourante et se sentant mourir, au duc d'Orléans son mari: «Je ne vous ai jamais manqué.»
Le marquis de Vardes était beaucoup plus dangereux que son ami le comte de Guiche. Vardes, fils de cette belle comtesse de Moret qu'aima Henri IV, n'était plus de la première jeunesse aux environs de 1663, ayant été nommé mestre de camp en 1646, mais il était encore et pour longtemps «l'homme de France le mieux fait et le plus aimable»: Cosnac le dit en propres termes. Puis il avait l'esprit naturellement agréable. La «merveille aux cheveux blonds», la mystique princesse de Conti l'écouta presque, elle qui n'avait pas écouté le Roi. La belle et sage duchesse de Roquelaure «lui accorda tout, mais seulement pour lui plaire», à ce qu'assure Conrart. La comtesse de Soissons devint folle de lui et ne put s'en lasser. Quand il se déclara à Madame, elle l'écouta avec trop d'indulgence. Elle en fit elle-même l'aveu. Elle avait, dit la comtesse de La Fayette, «une inclination plus naturelle pour lui que pour le comte de Guiche». Je le crois, certes, bien! C'était un merveilleux séducteur que ce Vardes et le grand sorcier des ruelles.
Pourtant elle ne lui permit pas de rompre avec la comtesse de Soissons et bientôt elle rompit avec lui, indignée de ses trahisons. Il lui en avait fait, et des plus noires. Cet homme était doué pour le mensonge d'une aptitude vraiment merveilleuse. L'Euphorbe de Corneille est la droiture même auprès de Vardes qui trahit son ami, ses maîtresses, son Roi, Madame et soi-même. Car il finit par être sa propre dupe et se fit chasser.
Pendant son exil de dix-neuf ans dans son petit gouvernement d'Aigues-Mortes, il fit les délices de la noblesse de Provence. A cinquante ans, il se fit aimer d'une jeune fille de vingt ans, mademoiselle de Toiras, qu'il désespéra par son inconstance. Madame de Sévigné l'admirait malgré elle. Quand Louvois, le sombre Louvois, passa en Provence, Vardes l'ensorcela comme les autres et par lui obtint son rappel. «Il arriva (à la Cour) avec une tête unique en son espèce et un vieux justaucorps à brevet69 comme on en portait en l'an 1663. Oui, il y a de cela vingt ans (c'est madame de Sévigné qui parle);
60
Lettre du 13 janvier 1672.
61
Lettre du 27 avril 1672.
62
L'archevêque de Rouen était Harlay de Chanvallon.
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64
Page 65 de notre édition.
65
66
Voir p. 138 de ce volume.
67
Tome II, p. 99. – On en connaît au moins trois manuscrits, tous plus complets que l'imprimé de 1754. Un de ces manuscrits a servi à M. Charles Livet pour sa publication de
68
Sur Montalais, voir p. 60.
69
L'habit de cour qu'on ne pouvait porter sans brevet.