Les beaux messieurs de Bois-Doré. Жорж Санд

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Название Les beaux messieurs de Bois-Doré
Автор произведения Жорж Санд
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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de parents disposés à me le reprendre quand je l'aurai élevé; car de raffoler d'un enfant pour qu'à l'âge de vingt ou vingt-cinq ans on vous l'emmène…

      – D'ici là, monsieur…

      – Eh! le temps passe si vite! on ne le sent point passer! Tu sais que j'avais songé à prendre chez moi quelque jeune parent pauvre; mais ils sont tous vieux ligueurs dans ma famille, et, d'ailleurs, leurs petits sont laids, turbulents ou malpropres.

      – Il est certain, monsieur, que la branche cadette des Bouron n'est point belle. Vous avez pris pour vous la taille, tout l'agrément, toute la braverie de la famille, et il n'y a que vous-même qui puissiez vous donner un héritier digne de vous.

      – Moi-même! dit Bois-Doré, un peu étourdi de cette assertion.

      – Oui, monsieur, je parle sérieusement. Puisque vous voilà ennuyé de votre liberté; puisque, pour la dixième fois, je vous entends dire que vous voulez vous ranger…

      – Mais, Adamas, tu parles de moi comme d'un débauché! Il me semble que, depuis la triste mort de notre Henri, j'ai vécu comme il convient à un homme accablé de chagrin et à un gentilhomme sédentaire obligé de donner le bon exemple.

      – Certainement, certainement, monsieur, vous pouvez me dire là-dessus tout ce qu'il vous plaira. Mon devoir est de ne vous point contredire. Vous n'êtes point obligé de me raconter toutes les belles aventures qui vous arrivent dans les châteaux ou bocages des environs, n'est-ce pas, monsieur? Ça ne regarde que vous. Un fidèle serviteur ne doit point espionner son maître, et je ne crois pas avoir jamais fait de questions indiscrètes à monsieur.

      – Je rends justice à ta délicatesse, mon cher Adamas, répondit Bois-Doré, à la fois confus, inquiet et flatté des suppositions chimériques de son idolâtre valet. Parlons d'autre chose, ajouta-t-il n'osant appuyer sur un sujet si délicat et cherchant à se figurer qu'Adamas savait de lui des aventures qu'il ignorait lui-même.

      Le marquis n'était ni hâbleur ni vantard ouvertement. Il était de trop bonne compagnie pour raconter les bonnes fortunes qu'il avait eues, et pour inventer celles qu'il n'avait plus. Mais il était charmé qu'on lui en prêtât toujours, et, pourvu qu'on ne compromît aucune femme en particulier, il laissait dire qu'il pouvait prétendre à toutes. Ses amis se prêtaient à sa modeste fatuité, et le grand plaisir des jeunes gens, celui de Guillaume d'Ars en particulier, était de le taquiner sur ce point, sachant combien cette taquinerie lui était agréable.

      Mais Adamas n'y faisait point tant de façons. Il n'était pas trop Gascon pour son propre compte; ayant confondu sa personnalité dans le rayonnement de celle de son maître, il l'était pour lui et à sa place.

      Aussi reprit-il la parole avec aplomb sur ce chapitre, déclarant que monsieur avait raison de songer au mariage.

      C'était une conversation qui revenait souvent entre eux, et dont ni l'un ni l'autre ne se lassaient, bien qu'elle n'eût jamais d'autre résultat, depuis trente ans, que cette réflexion de Bois-Doré.

      – Sans doute, sans doute! mais je suis si tranquille et si heureux ainsi! Rien ne presse, nous en reparlerons.

      Cette fois, pourtant, il parut écouter les hâbleries d'Adamas sur son compte avec plus d'attention que de coutume.

      – Si je croyais ne point épouser une femme stérile, dit-il à son confident, je me marierais, en vérité! Peut-être ferais-je bien d'épouser une veuve ayant des enfants?

      – Fi! monsieur, s'écria Adamas ne songez point à cela. Prenez-moi une jeune et belle demoiselle, qui vous donnera une lignée à votre image.

      – Adamas! dit le marquis après avoir un peu hésité, j'ai quelque doute que le ciel m'envoie ce bonheur. Mais tu me suggères une idée agréable, qui est d'épouser une si jeune personne, que je puisse me figurer qu'elle est ma fille et que je puisse l'aimer comme si j'étais son père. Que dis-tu de cela?

      – Je dis qu'en la prenant bien jeune, bien jeune, à la rigueur, monsieur pourra s'imaginer qu'il a adopté un enfant. Alors, si c'était l'idée de monsieur, il n'y a pas à aller bien loin; la petite dame de la Motte-Seuilly est tout à fait ce qui convient à monsieur. C'est beau, c'est bon, c'est sage, c'est riant; voilà ce qu'il faut pour égayer notre manoir, et je suis bien sûr que son père y a pensé plus d'une fois.

      – Tu crois, Adamas?

      – Certes! et elle-même! Croyez-vous que, quand ils viennent ici, elle ne fait point de comparaison entre son vieux manoir et le vôtre, qui est une maison de fées? Croyez-vous que, toute jeunette et innocente qu'elle est, elle ne se soit pas avisée de ce que vous êtes par rapport à tous les autres prétendants qu'elle pourrait regarder?

      Bois-Doré s'endormit en songeant précisément à l'absence de prétendants autour de la belle Lauriane, aux rancunes des voisins contre le franc et rude de Beuvre, et au chagrin que celui-ci éprouvait de cette circonstance, momentanée sans doute, mais dont il s'exagérait la durée possible.

      Le marquis se persuada que sa proposition allait être agréée comme une grande faveur de la fortune.

      La question religieuse allait d'elle-même entre eux. D'ailleurs, si Lauriane lui faisait un reproche d'avoir abjuré le calvinisme, il ne voyait pas grand embarras à l'embrasser pour la seconde fois.

      Sa fatuité ne lui permit pas de s'arrêter beaucoup sur l'objection qu'on pourrait faire relativement à son âge. Adamas avait le don d'éloigner, chaque soir, par ses flatteries, ce souvenir désagréable.

      Le bon Sylvain s'endormit donc, ce soir-là, plus ridicule que jamais; mais quiconque eût pu lire dans son cœur le sentiment vraiment paternel qui le guidait, la grande tolérance philosophique dont il était doué «en prévision de cocuage,» et les projets de gâterie, de soumission et de dévouement qu'il formait pour sa jeune compagne, lui eût certainement pardonné, tout en se moquant de lui.

      Lorsque Adamas passa dans sa chambre, il lui sembla entendre, dans l'escalier dérobé, un frôlement de robe.

      Il s'élança aussi vite qu'il put dans ce passage, mais sans atteindre Bellinde, qui eut le temps de disparaître après avoir, comme il arrivait souvent, entendu toute la causerie des deux vieux garçons.

      Adamas la savait bien capable de cet espionnage. Pourtant il crut s'être trompé, et barricada toutes les portes lorsqu'il n'y avait plus rien à surprendre que le ronflement sonore du marquis et les aboiements étouffés du petit Fleurial, couché sur le pied de son lit, et rêvant d'un certain chat noir qui était pour lui ce que Bellinde était pour Adamas.

      XIX

      On arriva à la Motte-Seuilly le lendemain, sur les neuf heures.

      Le lecteur n'a pas oublié qu'à cette époque, le dîner se servait à dix heures du matin, le souper à six heures du soir.

      Cette fois notre marquis, bien résolu à faire l'ouverture de ses projets matrimoniaux, avait pensé qu'il devait arriver en plus leste équipage que sa belle grande carroche.

      Il avait enfourché, sans trop d'efforts, son joli andalous nommé Rosidor (toujours un nom de l'Astrée), excellente créature aux allures douces, au caractère tranquille, un peu charlatan, comme il convenait de l'être pour faire briller son cavalier, c'est-à-dire sachant, au moindre avertissement de la jambe ou de la main, rouler des yeux féroces, s'encapuchonner, gonfler ses naseaux comme un mauvais diable, voire faire assez haut la courbette, enfin se donner des airs de méchante bête.

Au demeurant, le meilleur fils du monde

      En mettant pied à terre, le marquis ordonna à Clindor de promener son cheval un quart d'heure autour du préau, sous prétexte qu'il avait trop chaud pour entrer tout de suite «en l'écurie,» mais en réalité, pour que l'on sût bien, dans la maison, qu'il chauvauchait toujours ce brillant palefroi.

      Mais, avant de paraître devant Lauriane, le bon M. Sylvain entra dans la chambre qui lui était réservée chez son voisin, pour se rajuster, se parfumer et se recostumer de la façon la plus leste et la plus élégante.

      De son côté, M. Sciarra d'Alvimar,