Собор Парижской Богоматери / Notre-Dame de Paris. Виктор Гюго

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Название Собор Парижской Богоматери / Notre-Dame de Paris
Автор произведения Виктор Гюго
Жанр Зарубежная классика
Серия Легко читаем по-французски
Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 2015
isbn 978-5-17-088904-4



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autres groupés autour des piliers, femmes, vieillards ou enfants, en ayant assez du brouhaha et du tumulte.

      – Camarades, cria tout à coup un de ces jeunes drôles des croisées, la Esmeralda! la Esmeralda dans la place!

      Ce mot produisit un effet magique. Tout ce qui restait dans la salle se précipita aux fenêtres, grimpant aux murailles pour voir, et répétant: la Esmeralda! la Esmeralda!

      En même temps on entendait au dehors un grand bruit d’applaudissements.

      « Qu’est-ce que cela veut dire, la Esmeralda? dit Gringoire en joignant les mains avec désolation. Ah! mon Dieu! il paraît que c’est le tour des fenêtres maintenant. »

      Il se retourna vers la table de marbre, et vit que la représentation était interrompue. C’était précisément l’instant où Jupiter devait paraître avec sa foudre. Or Jupiter se tenait immobile au bas du théâtre.

      « Michel Giborne! cria le poète irrité, que fais-tu là? est-ce ton rôle? monte donc!

      – Hélas, dit Jupiter, un écolier vient de prendre l’échelle. »

      Gringoire regarda. La chose n’était que trop vraie. Toute communication était interceptée entre son nœud et son dénouement.

      « Le drôle! murmura-t-il. Et pourquoi a-t-il pris cette échelle?

      – Pour aller voir la Esmeralda, répondit piteusement Jupiter. Il a dit: Tiens, voilà une échelle qui ne sert pas! et il l’a prise. »

      C’était le dernier coup. Gringoire le reçut avec résignation.

      « Que le diable vous emporte! dit-il aux comédiens, et si je suis payé vous le serez. »

      Alors il fit retraite, la tête basse, mais le dernier, comme un général qui s’est bien battu.

      Livre deuxième

      I

      De Charybde en Scylla

      La nuit arrive de bonne heure en janvier. Les rues étaient déjà sombres quand Gringoire sortit du Palais. Cette nuit tombée lui plut; il lui tardait d’aborder quelque ruelle obscure et déserte pour y méditer à son aise et pour que le philosophe posât le premier appareil sur la blessure du poète. La philosophie était du reste son seul refuge, car il ne savait où loger. Après l’éclatant avortement de son coup d’essai théâtral, il n’osait rentrer dans le logis qu’il occupait, rue Grenier-sur-l’Eau, vis-à-vis le Port-au-Foin, ayant compté sur ce que M. le prévôt devait lui donner de son épithalame pour payer à maître Guillaume Doulx-Sire, fermier de la coutume du pied-fourché de Paris, les six mois de loyer qu’il lui devait, c’est-à-dire douze sols parisis; douze fois la valeur de ce qu’il possédait au monde, y compris son haut-de-chausses, sa chemise et son bicoquet. Après avoir un moment réfléchi, provisoirement abrité sous le petit guichet de la prison du trésorier de la Sainte-Chapelle, au gîte qu’il élirait pour la nuit, ayant tous les pavés de Paris à son choix, il se souvint d’avoir avisé, la semaine précédente, rue de la Savaterie, à la porte d’un conseiller au parlement, un marche-pied à monter sur mule, et de s’être dit que cette pierre serait, dans l’occasion, un fort excellent oreiller pour un mendiant ou pour un poète. Il remercia la providence de lui avoir envoyé cette bonne idée; mais, comme il se préparait à traverser la place du Palais pour gagner le tortueux labyrinthe de la Cité, où serpentent toutes ces vieilles sœurs, les rues de la Barillerie, de la Vieille-Draperie, de la Savaterie, de la Juiverie, etc., encore debout aujourd’hui avec leurs maisons à neuf étages, il vit la procession du pape des fous qui sortait aussi du Palais et se ruait au travers de la cour, avec grands cris, grande clarté de torches et sa musique, à lui Gringoire. Cette vue raviva les écorchures de son amour-propre; il s’enfuit. Dans l’amertume de sa mésaventure dramatique, tout ce qui lui rappelait la fête du jour l’aigrissait et faisait saigner sa plaie.

      Il voulut prendre le pont Saint-Michel, des enfants y couraient çà et là avec des lances à feu et des fusées.

      « Peste soit des chandelles d’artifice! » dit Gringoire, et il se rabattit sur le Pont-au-Change. Une rue était devant lui; il la trouva si noire et si abandonnée qu’il espéra y échapper à tous les retentissements comme à tous les rayonnements de la fête. Il s’y enfonça. Au bout de quelques instants, son pied heurta un obstacle; il trébucha et tomba. C’était la botte de mai, que les clercs de la basoche avaient déposée le matin à la porte d’un président au parlement, en l’honneur de la solennité du jour. Gringoire supporta héroïquement cette nouvelle rencontre. Il se releva et gagna le bord de l’eau.

      Puis il regarda la Seine à ses pieds, et une horrible tentation le prit:

      « Oh! dit-il, que volontiers je me noierais, si l’eau n’était pas si froide! »

      Alors il lui vint une résolution désespérée. C’était, puisqu’il ne pouvait échapper au pape des fous, aux drapelets de Jehan Fourbault, aux bottes de mai, aux lances à feu et aux pétards, de s’enfoncer hardiment au cœur même de la fête, et d’aller à la place de Grève.

      « Au moins, pensa-t-il, j’y aurai peut-être un tison du feu de joie pour me réchauffer, et j’y pourrai souper avec quelque miette des trois grandes armoiries de sucre royal qu’on a dû y dresser sur le buffet public de la ville. »

      II

      « Besos para golpes »

      [17]

      Lorsque Pierre Gringoire arriva sur la place de Grève, il était transi. Aussi se hâta-t-il de s’approcher du feu de joie qui brûlait magnifiquement au milieu de la place. Mais une foule considérable faisait cercle à l’entour.

      « Damnés Parisiens! se dit-il à lui-même, car Gringoire en vrai poète dramatique était sujet aux monologues, les voilà qui m’obstruent le feu! Pourtant j’ai bon besoin d’un coin de cheminée. Je vous demande ce qu’ils font là! Ils se chauffent; beau plaisir! Ils regardent brûler un cent de bourrées; beau spectacle! »

      En examinant de plus près, il s’aperçut que le cercle était beaucoup plus grand qu’il ne fallait pour se chauffer au feu du roi, et que cette affluence de spectateurs n’était pas uniquement attirée par la beauté du cent de bourrées qui brûlait.

      Dans un vaste espace laissé libre entre la foule et le feu, une jeune fille dansait.

      Si cette jeune fille était un être humain, ou une fée, ou un ange, c’est ce que Gringoire, tout philosophe sceptique, tout poète ironique qu’il était, ne put décider dans le premier moment, tant il fut fasciné par cette éblouissante vision.

      Elle n’était pas grande, mais elle le semblait, tant sa fine taille s’élançait hardiment. Elle était brune, mais on devinait que le jour sa peau devait avoir ce beau reflet doré des Andalouses et des Romaines. Son petit pied aussi était andalou, car il était tout ensemble à l’étroit et à l’aise dans sa gracieuse chaussure. Elle dansait, elle tournait, elle tourbillonnait sur un vieux tapis de Perse, jeté négligemment sous ses pieds; et chaque fois qu’en tournoyant sa rayonnante figure passait devant vous, ses grands yeux noirs vous jetaient un éclair.

      Autour d’elle tous les regards étaient fixes, toutes les bouches ouvertes; et en effet, tandis qu’elle dansait ainsi, au bourdonnement du tambour de basque que ses deux bras ronds et purs élevaient au-dessus de sa tête, mince, frêle et vive comme une guêpe, avec son corsage d’or sans pli, sa robe bariolée qui se gonflait, avec ses épaules nues, ses jambes fines que sa jupe découvrait par moments, ses cheveux noirs, ses yeux de flamme, c’était une surnaturelle créature.

      « En vérité, pensa Gringoire, c’est une salamandre, c’est une nymphe, c’est une déesse, c’est une bacchante du mont Ménaléen! »

      En ce moment une des nattes de la chevelure de la « salamandre » se détacha, et une pièce de cuivre jaune qui y était attachée roula à terre.

      « Hé non! dit-il, c’est une bohémienne.



<p>17</p>

Besos para golpes. – (исп.) Поцелуи за удары.