Название | Les Rejetés |
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Автор произведения | Owen Jones |
Жанр | Зарубежное фэнтези |
Серия | |
Издательство | Зарубежное фэнтези |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788835426998 |
Monsieur Lee était très fier de sa tante, et ce n’était pas comme s’il y avait eu une autre option à des kilomètres à la ronde, ou qui que ce fût d’autre avec sa vaste expérience… Vaste ? En vérité, personne ne connaissait son âge exact – pas même elle-même –, mais elle devait bien avoir quatre-vingt-dix ans à quelques jours près.
Ce fut sur ces pensées que Monsieur Lee atteignit sa cour d’entrée. Il avait l’intention de discuter de cette situation avec son épouse car, bien qu’il donnât l’apparence d’être le chef de famille en société, comme cela était habituel dans chaque autre famille thaïlandaise, ce n’était bien que cela – une apparence. En réalité, chaque décision était prise par la famille entière ; du moins par ses adultes.
Cette journée allait sans doute se révéler mémorable, car les Lee n’avaient jamais connu aucune « crise » auparavant, et leurs deux enfants, qui n’en étaient au demeurant plus, auraient également droit à la parole. Une page d’histoire allait être écrite, et Monsieur Lee en avait pleinement conscience.
« Meuh ! » appela-t-il. C’était le surnom affectueux qu’il donnait à sa compagne depuis que leur premier-né l’avait dit en essayant de dire « mère ». « Meuh, est-ce que tu es là ?
— Oui, je suis derrière. »
Lee attendit quelques instants qu’elle sortît des toilettes, mais l’air était chaud et renfermé à l’intérieur, aussi ressortit-il dans la cour d’entrée et s’installa-t-il sur leur large table familiale, abritée sous un toit d’herbe, où ils se réunissaient habituellement tous pour manger ou passer leur temps libre.
Le vrai prénom de Madame Lee était Wan, bien que son mari l’appelât affectueusement Meuh depuis que leur aîné l’avait involontairement surnommée ainsi alors qu’il était encore un bambin. Il était cependant le seul à le faire ; leurs enfants n’avaient pas gardé cette habitude. Elle était originaire du village de Baan Noi, tout comme Lee l’était, mais sa famille n’avait jamais connu aucune autre région, tandis que celle de son époux avait émigré depuis la Chine deux générations plus tôt, mais d’un village qui n’était toutefois pas si éloigné de celui-ci que cela.
Elle était ce qu’on pouvait appeler une femme typique de ces contrées. Plus jeune, elle avait été une très jolie fille, mais les filles n’avaient alors pas autant d’opportunités qu’à ce jour et n’étaient également pas encouragées à avoir de l’ambition. À vrai dire, cela était toujours plus ou moins la même chose pour sa fille, même vingt années plus tard. Madame Lee s’était contentée de chercher un mari au sortir de l’école et, lorsque Heng Lee avait demandé sa main et montré la dot qu’il proposait à ses parents, elle s’était dit qu’il était une aussi bonne prise que n’importe quel autre garçon du coin qu’elle aurait pu trouver. Elle n’avait eu aucun désir de s’éloigner de ses amis et autres relations pour s’installer dans une grande ville et élargir ses possibilités. Elle avait même fini par éprouver de l’amour envers Heng Lee d’une certaine manière qui lui était propre, même si le feu de la passion était depuis longtemps éteint en elle, après une courte vie amoureuse. Elle était désormais plus une partenaire commerciale qu’une épouse au sein de l’affaire familiale qu’ils entretenaient pour leur survie mutuelle, ainsi que celle de leurs deux enfants.
Wan n’avait jamais cherché à avoir un amant, même si on lui avait fait des avances avant et après son mariage. À l’époque, cela l’avait outrée, mais elle y repensait désormais avec une certaine tendresse. Lee avait été son premier et unique amant, et il allait sans doute demeurer son dernier, mais elle ne le regrettait pas.
Son seul rêve était de voir et de s’occuper des petits-enfants que ses propres enfants finiraient sans doute par vouloir avoir quand le moment serait venu, même si elle ne désirait pas qu’ils se mariassent en hâte comme elle l’avait fait ; en particulier sa fille. Aussi certainement que deux et deux faisaient quatre, elle savait cependant que ses enfants auraient leur propre progéniture s’ils le pouvaient, car cela constituait l’unique sécurité financière qu’ils pourraient avoir une fois vieux, ainsi que leur seule chance de faire évoluer le statut de la famille.
Madame Lee accordait une grande importance à la famille, au statut social, et à l’honneur, mais elle ne voulait pas particulièrement posséder plus de biens matériels qu’elle n’en avait déjà. Elle avait appris il y avait déjà bien longtemps à s’en passer et cela ne lui faisait désormais plus rien.
Elle avait bien un téléphone portable et une télévision, mais les signaux étaient, pour le moins qu’on pût dire, mauvais, et elle ne pouvait rien y faire si ce n’était attendre que le gouvernement se décidât à améliorer les émetteurs locaux, ce qui finirait bien par arriver un jour, tôt ou tard. Elle ne voulait pas particulièrement de voiture non plus, car elle n’allait de toute façon nulle part, et les routes n’étaient par ailleurs pas très bonnes. De plus, les gens de son âge et de sa condition avaient pendant si longtemps pensé qu’une voiture était un luxe inatteignable qu’ils avaient cessé d’en vouloir une des décennies plus tôt. En d’autres mots, le vélo et la vieille motocyclette qui composaient la flotte familiale lui suffisaient.
Elle ne rêvait pas plus d’or et de beaux habits. Avoir dû élever deux enfants avec un revenu de fermier l’avait exorcisée de tels désirs il y avait bien des années aussi. Malgré tout, Madame Lee était une femme heureuse qui aimait sa famille et était résignée à rester comme et où elle était jusqu’au jour où Bouddha lui dirait de repartir.
Monsieur Lee regarda son épouse venir vers lui. Elle ajusta quelque chose sous son sarong. Quelque chose devait ne pas être bien en place, supposa-t-il, mais il se garda bien de demander quoi. Elle s’assit sur le bord de la table et releva ses jambes avec élan pour adopter la position d’une sirène sur un rocher danois.
« Alors, que dit la vieille sorcière ?
— Oh allez, Meuh. Elle n’est pas si terrible ! D’accord, vous ne vous êtes jamais comprises, mais ça arrive parfois, non ? Elle ne dit jamais rien de mal sur ton dos. Il y a trente minutes, elle a même pris de tes nouvelles… et de celles des enfants.
— Tu es vraiment naïf parfois, Heng. Elle me parle gentiment ou gentiment de moi à d’autres personnes quand il y a du monde pour l’entendre, mais, quand nous sommes seules, elle me traite comme une moins-que-rien, et ça a toujours été comme ça. Elle me déteste, mais elle est trop sournoise pour le montrer devant toi, car elle sait que tu me soutiendrais plutôt qu’elle. Vous, les hommes, vous pensez tout comprendre, mais vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez.
Elle m’accuse de tas de choses depuis des années, et à plusieurs reprises… Elle a dit que je ne nettoyais pas bien, que je laissais les enfants être sales, et elle a même une fois dit que ce que j’avais cuisiné donnait l’impression d’avoir été aromatisé avec de la crotte de bouc ! Tu ne connais même pas la moitié de l’histoire, mais tu ne me crois de toute manière même pas, moi, ta propre femme, n’est-ce pas ? Oh, tu peux sourire, mais, crois-moi, ça n’a pas été très drôle pour moi ces trente dernières années. Enfin bref, passons. Qu’a-t-elle dit ?
— Pas grand-chose, en fait. Il s’agissait juste d’un examen ; la même routine que d’habitude donc. Tu sais bien : pisse sur de la mousse, crache sur une pierre, laisse-la t’asperger d’alcool craché par sa vieille bouche pleine de dents. Je frissonne rien qu’en y pensant. Elle a dit qu’elle me ferait quérir demain, quand elle sera en mesure de me donner des résultats. Où sont les enfants ? Est-ce qu’ils ne devraient pas aussi participer à cette discussion familiale ?
— Je ne pense pas, non. Après tout, on ne sait encore rien, non ? Ou bien tu as déjà une idée ?
— Non, pas vraiment. Tu sais, je me dis qu’un massage de la Chinoise pourrait aider, si je lui demande de ne pas y aller trop fort avec moi. Elle a appris dans le Nord de la Thaïlande, mais elle est un peu brute parfois