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ensuite que ce qui précède et ce qui suit rend clair l’endroit dont il s’agit. Si l’on considère chaque mot en particulier, tous, ou du moins le plus grand nombre, auront quelque chose d’ambigu ; mais si le sens du texte, dans son ensemble, est clair, il n’y a point d’ambiguïté. D’ailleurs, les autres écrits, les actions, les paroles, l’esprit, la conduite enfin de celui qui a rédigé, pourront vous éclairer sur son intention. Étudiez encore avec soin l’écrit dont il s’agit ; examinez-en toutes les parties, pour découvrir quelque chose de favorable au sens que sous y donnez, ou qui détruise celui de votre adversaire : car il n’est pas difficile, d’après le sens général de l’écrit, le caractère de celui qui l’a fait, et d’après les différents chefs qui appartiennent à la personne, de trouver ce qu’il a dû vraisemblablement écrire. Montrez ensuite, quand le sujet le permet, que le sens préféré par votre adversaire est beaucoup moins convenable que le vôtre, qu’il est impraticable, et qu’il n’atteint pas le but qu’on s’était proposé, tandis que le vôtre présente autant de facilité dans l’exécution que d’avantages dans le résultat. Supposons ( car rien ne nous empêche d’avoir recours à des suppositions, pour nous faire mieux comprendre ), supposons qu’une loi porte : UNE COURTISANE NE PEUT AVOIR UNE COURONNE D’OR ; EN A-T-ELLE UNE, QU’ON LA VENDE. On pourrait répondre à celui qui voudrait, aux termes de la loi, faire vendre la courtisane : « Proposer de vendre celle qui se vend tous les jours, est-ce un moyen raisonnable, et la loi serait-elle exécutée ? La vente de la couronne, au contraire, est aussi aisée « qu’utile, et on ne peut y trouver aucun obstacle. »

      XLI. Examinez de plus si, en approuvant le sens de votre adversaire, on n’accuse pas l’auteur de l’écrit d’avoir négligé quelque chose de plus utile, de plus honnête ou de plus nécessaire. Montrez que si le sens que vous proposez est dicté par l’honneur, il n’est pas moins conforme à l’intérêt et commandé par la nécessité, et qu’il n’en est pas de même de celui de la partie adverse. Toutes les fois que la question naît ainsi de l’ambiguïté des termes d’une loi, attachez-vous à montrer qu’une autre loi a pourvu à l’objet que veut entendre votre adversaire. Il est encore important pour vous de faire voir quelles expressions eût employées le rédacteur de l’écrit, s’il eut voulu parler dans le sens qu’on vous oppose. Ainsi, dans la cause où il est question de vaisselle d’argent, la mère ne peut-elle pas dire que « le « testateur n’aurait point ajouté a SON CHOIX, s’il s’en fût rapporté à la volonté de l’héritier ? Son silence eût indiqué que le choix de la vaisselle était laissé à l’héritier. C’eût donc été une folie que d’ajouter, pour la sûreté de l’héritier, un mot dont la suppression ne blesserait en rien ses intérêts. » Dans de pareilles causes, servez-vous surtout de ce raisonnement : Si telle avait été son intention, il ne se serait point servi de ce mot, il ne l’aurait pas mis à cette place ; car c’est là surtout ce qui rend évidente l’intention du testateur. Examinez aussi dans quel temps il a écrit : les circonstances pourront vous aider à deviner son intention ; puis vous chercherez, par les moyens du genre délibératif, ce que l’honneur et l’intérêt prescrivaient à l’un d’écrire, et aux autres d’entendre ; et si l’on emploie l’amplification, les deux parties auront recours aux lieux communs.

      XLII. Quand l’un s’attache à la lettre, et que l’autre, au contraire, ramène toutes les expressions à l’intention qu’il suppose à l’auteur de l’écrit, la question naît alors de l’esprit et de la lettre. Celui qui s’attache à l’intention, montrera que l’auteur de l’écrit n’a jamais eu qu’un seul but, qu’une seule volonté ; ou il tâchera, soit par le fait, soit par quelque incident, d’adapter le texte à la circonstance. Il prouvera que la volonté de l’auteur de l’écrit n’a jamais changé, comme dans cet exemple : « Un homme marié, mais sans enfants, a fait son testament en ces termes : Si J’AI UN OU PLUSIEURS FILS, ILS HÉRITERONT DE MES BIENS ; suivent les formules ordinaires. Puis il ajoute : Si MON FILS MEURT AVANT LA MAJORITÉ, VOUS SEREZ MON SECOND HÉRITIER. Il n’eut pas de fils ; ses parents disputent la succession à celui qu’il a déclaré héritier, dans le cas où le fils mourrait avant sa majorité. » On ne peut pas conseiller ici d’adapter la volonté du testateur au temps ou à quelque événement particulier ; car on ne peut lui en prêter qu’une seule, et c’est celle qui fait toute la force de celui qui attaque le texte pour défendre ses droits à l’héritage.

      Il est encore une manière de défendre l’intention. On ne soutient pas que la volonté du testateur ait été toujours la même, indépendante des événements et dirigée vers le même but ; mais que, d’après certains faits, certains incidents, il faut l’interpréter suivant les circonstances ; et alors on puisera ses plus puissants moyens dans la cause juridiciaire accessoire. Tantôt on emploie l’alternative, comme pour défendre. « Celui qui, malgré la loi, a ouvert de nuit les portes, pendant la guerre, pour recevoir des troupes auxiliaires qui eussent été infailliblement accablées par l’ennemi campé sous les murs ; » tantôt la récrimination, comme à l’égard de « Celui qui, malgré la loi générale qui défend l’homicide, a tué son tribun militaire, pour se dérober à ses violences criminelles ; » tantôt le recours, comme en faveur de « Celui qui, nommé député, n’a pu partir au jour fixé par la loi, faute d’avoir reçu de l’argent du trésorier ; » enfin, l’aveu du crime pour s’excuser sur son ignorance, comme « Dans le sacrifice du veau ; » sur une force irrésistible, comme « Dans le vaisseau à éperon ; » sur le hasard, comme « Dans le débordement de l’Eurotas. » Ainsi développez l’esprit du texte, de manière à prouver que la volonté du testateur ou du législateur était une et invariable, ou qu’on peut la déterminer par telle ou telle circonstance, tel ou tel événement.

      XLIII. Tous les lieux que nous allons indiquer, ou du moins le plus grand nombre, pourront servir à celui qui défend la lettre. Il commencera par l’éloge du législateur ou du testateur, et par un lieu commun sur la nécessité indispensable pour un juge, de s’en tenir à la lettre, surtout quand il s’agit d’un texte légal et authentique, comme, par exemple, d’une loi ou d’un écrit fondé sur la loi. Ensuite (et c’est surtout ici que la preuve devient puissante), l’orateur doit comparer la conduite ou l’intention de ses adversaires avec l’écrit lui-même, les définir l’un et l’autre, rappeler aux juges leur serment, lieu qui offre à l’éloquence une variété infinie. Tantôt il se demande avec étonnement à lui-même ce qu’on peut lui répondre ; tantôt, s’adressant aux juges une seconde fois, il semble chercher ce qu’ils pourraient encore attendre de lui ; enfin, apostrophant son adversaire, qu’il paraît accuser à son tour : Niez-vous, dira-t-il, que ce soit là le texte de la loi ou de l’écrit, ou que vous ayez agi dans un sens contraire, et que vous y portiez atteinte ? osez nier l’un ou l’autre, et je me tais. Accorde-t-il l’un et l’autre, sans se désister de ce qu’il avance, vous ne pouvez plus victorieusement prouver son impudence, qu’en vous arrêtant tout à coup, comme si vous n’aviez plus rien à dire, comme si l’on n’avait rien à vous répondre ; qu’il vous suffise alors de lire souvent à haute voix l’écrit qui fait l’objet de la discussion, et de comparer souvent avec cet écrit la conduite de votre adversaire ; adressez-vous aussi quelquefois au juge avec vivacité ; rappelez-lui son serment, ses devoirs, en ajoutant que l’obscurité du texte ou les dénégations de l’adversaire pouvaient seules le jeter dans l’incertitude. Mais puisque le texte est formel, que l’adversaire convient de tous les faits le devoir du juge est d’obéir à la loi, et non de, l’interpréter.

      XLIV. Ceci bien établi, écartez toutes les objections qu’on pourrait vous faire. On vous réfutera en prouvant que les expressions du rédacteur ne sont pas d’accord avec sa volonté, comme il est arrivé dans l’exemple du testament ; ou, par la question accessoire, on montrera pourquoi l’on n’a pas pu ou dû s’en tenir rigoureusement au texte. Si l’on soutient que les expressions et l’intention du rédacteur ne s’accordent pas, celui qui s’en tient à la lettre dira qu’il ne nous appartient pas de raisonner sur la volonté d’un homme qui, pour nous empêcher d’interpréter ses voeux, nous en a transmis l’expression. Que d’inconvénients ne se présenteront pas, si l’on pose une fois en principe que l’on peut s’écarter de