Название | La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières |
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Автор произведения | David D. Reitsam |
Жанр | Документальная литература |
Серия | Biblio 17 |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9783823302872 |
Dans la livraison de mai 1716, le responsable de la revue fait également preuve de ses convictions proto-nationalistes et condamne les productions culturelles venant d’Italie et d’Espagne qui sont inférieures aux productions françaises et qui corrompent le bon goût. Dans son prélude, il propose une petite histoire culturelle avant la lettre30. Il termine sur un éloge de son époque : « [L]a France, qui est sans contredit une Nation de l’Univers des mieux regies & des mieux civilisées31. » Pourtant, des « representations de farces, & de quantité de comedies modernes si triviales32 » persistent. D’après Le Fèvre de Fontenay, ces œuvres ne sont pas d’origine française, mais importées : « L’Espagne & l’Italie, me dira-t-on, sont les fécondes meres de ces bons mots que nous n’avons adoptez, que par la grande opinion que nous avions de la delicatesse de ces Nations33. » C’est donc uniquement à cause d’un respect douteux que les auteurs français se tournent vers d’autres pays et copient de mauvais textes. Implicitement, Le Fèvre de Fontenay conseille donc d’imiter seulement des modèles français.
Cet engouement des contributeurs du Nouveau Mercure galant pour le français et la culture du royaume de France n’est pourtant pas né avec la Querelle d’Homère dans le sens le plus étroit ; n’oublions pas les analyses de Larry F. Norman. Ainsi, déjà dans la livraison de novembre 1714, une certaine « Mademoiselle de **34 » se prononce de la même manière. Par conséquent, nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une question plus importante qui, pourtant, se pose de nouveau à l’occasion de la deuxième phase de la Querelle des Anciens et des Modernes. Dans La République mondiale des Lettres, Pascale Casanova y voit même un trait caractéristique de l’époque moderne :
Et l’on peut raconter l’histoire de la littérature, mais aussi de la grammaire et de la rhétorique françaises pendant la seconde moitié du XVIe siècle et durant tout le XVIIe siècle, comme la continuation de la même lutte pour le même enjeu, lutte à la fois tacite et omniprésente pour faire accéder la langue française d’abord à l’égalité, puis à la supériorité par rapport au latin35.
Un peu plus loin, Casanova souligne que cette mise en valeur de la langue française implique automatiquement la présence de la culture et que la défense du français est « un immense travail collectif d’accroissement de la ‘richesse’ linguistique et littéraire françaises36 ».
Étant donné le grand consensus qui existe par rapport à cette question dans la revue – il n’y a aucune contribution qui tente de défendre le grec ou le latin –, le débat paraît clos à l’époque qui nous intéresse et le Nouveau Mercure galant d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay a moins l’air d’un « forum37 » rendant possible un débat, mais remplit bien son rôle de porte-parole du royaume de France dont il défend la langue et la littérature.
Un royaume et un public
La propagation d’une norme linguistique est certainement une des conditions de la naissance d’un espace public au sens moderne. Ainsi, après avoir étudié des prises de parole plus théoriques en faveur de la langue française et de sa littérature, il sera intéressant de voir dans quelle mesure des lecteurs provinciaux ou issus d’un milieu modeste suivent la deuxième phase de la Querelle des Anciens et des Modernes et y participent. Ou, pour formuler cela autrement, dans quelle mesure un espace public français existe-t-il ?
Cette problématique est née de deux observations. D’un côté, un changement de perceptive s’impose. La recherche contemporaine met principalement l’accent sur la dimension parisienne de cette dispute1 ou en décrit encore l’étendue européenne2. La réception populaire ou périphérique au sens social et géographie du terme, en revanche, n’est guère évoquée. De l’autre, le profil du Nouveau Mercure galant exige également que l’on tourne –du moins brièvement – le dos aux débats savants afin d’étudier cet aspect moins connu de la Querelle d’Homère. Dès la création de son Mercure galant, Donneau de Visé [Devizé], JeanDonneau de Visé a toujours essayé d’« atteindre les provinciaux [par l’intermédiaire des femmes]3 » et de les encourager à contribuer à la revue4. Et, au début du XVIIIe siècle, Hardouin Le Fèvre de Fontenay prolonge cette tradition. Par exemple, dans la livraison d’avril 1715, à savoir pendant l’apogée des débats, il écrit : « Voila mes intentions, Messieurs, contribuez à me fournier des matieres, & vous verrez que je vous meneray peut être plus loin qu’aucun des deffunts Mercures ne vous a menez5. » Le responsable du périodique veut donc savoir ce que ses lecteurs pensent de la Querelle d’Homère et il n’hésite pas à intégrer leurs textes dans la revue.
Par la suite, afin de mieux structurer l’analyse, le public socialement éloigné du centre culturel, que forment les salons parisiens, sera d’abord évoqué. Puis, les lecteurs-auteurs qui ne séjournent pas à Paris ainsi que les contributeurs qui dissimulent leur identité susciteront notre curiosité.
Dans le Nouveau Mercure galant d’août 1715, Hardouin Le Fèvre de Fontenay invite ses lecteurs à la Foire St. Laurent. Après avoir discuté l’Apologie d’Homère de Jean Boivin, Jean [M. B.]Boivin, il procède à la transition vers une pièce de théâtre de Louis Fuzelier, LouisFuzelier :
Cette matiere [la Querelle d’Homère] est si amusante, Monsieur, & en même tems si interessante, que je vous prie de me permettre de vous faire part d’un nouveau genre de divertissement dont elle a regalé le Public. Si tout ce qu’il y a d’honnêtes gens qui vont aux spectacles en France n’avoit pas veu la defense d’Homere dans les mains d’Arlequin à la Foire S. Laurent, je n’aurois pas l’indiscrection de vous [en] donner […] une Scene6.
Certes, il s’agit ici d’un récit. Le responsable de la revue ne donne pas la parole à un simple visiteur de la foire, mais il insiste bien sur le grand intérêt que cette scène suscite auprès du public parisien. Déjà, dans la livraison de juillet 1715, Le Fèvre de Fontenay a souligné le succès des pièces représentées à la Foire St. Laurent qui a commencé pendant les derniers jours de ce mois : « Mille et mille personnes de tout âge, sexe, qualités et conditions y furent en effet, y restèrent avec toute satisfaction imaginable et en sortirent charmées des nouveautés qu’elles venaient d’y voir7. »
De plus, il ne faut pas croire qu’il a exagéré en décrivant la grande diversité du public puisque la Foire St. Laurent – contrairement à celle de St. Germain – a toujours ciblé des gens modestes et donc différents des habitués des salons et de la société galante. Cet aspect devient particulièrement évident dans le Nouveau Mercure galant de novembre 1714 dans lequel le responsable du périodique publie la « Lettre curieuse » de Mademoiselle de **. L’autrice qui a apparemment une très bonne culture littéraire dénonce la mauvaise qualité des pièces montrées sur scène lors de la Foire St. Laurent de 1714 ; elle s’en dit choquée et ne comprend guère comment le public peut s’enthousiasmer pour de telles productions indécentes : « Je ne doute pas, Madame, que vous n’avoüiez maintenant […] que vous ne regardiez enfin le plaisir qu’on prend aux spectacles des Foires, comme un sacrifice d’esprit & de bon goût8. »
Or, bien qu’il s’agisse de regards extérieurs portés sur la Foire St. Laurent qui réduisent le public modeste à de simples objets passifs, force est de constater que le Nouveau Mercure galant contribue à montrer que la Querelle d’Homère n’avait pas seulement d’importantes répercussions dans les cercles savants et galants de la capitale, mais également parmi les Parisiens d’origine plus humble.
Étant donné la dominance culturelle et politique de