Название | La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières |
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Автор произведения | David D. Reitsam |
Жанр | Документальная литература |
Серия | Biblio 17 |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9783823302872 |
Après cette violente période pendant laquelle les Longüeil ont prouvé leur courage en participant à bien des batailles et n’ont pas hésité à sacrifier leur vie pour défendre le royaume de France28, la maison continue à se distinguer ; ses membres brillent principalement en tant que diplomates auprès de différentes cours européennes, mais on trouve également au sein de cette famille un homme de lettres, tel que le « fameux Christophe Longuëil [sic] qui s’est distingué dans les Lettres29 » ou de nouveau des militaires – « Macé de Longuëil [sic] […] & […] Nicolas, qui ont servi jusqu’à la Paix de Riswick30 ». Force est de constater que les Longüeil forment une famille exemplaire de la noblesse française – du moins selon les critères de la fiction chevaleresque mise en avant tout au long du XVIIe et XVIIIe siècle : l’ancienneté et le courage qui les distinguent clairement d’un HectorHector qui fuit à plusieurs reprises le danger.
Servir depuis longtemps le roi français et le royaume constitue donc un modèle. Il est pourtant intéressant de constater que l’appartenance à la vieille noblesse de sang forme un atout en soi et cela indépendamment de l’origine géographique de la famille en question. Ainsi, en mai 1715, le généalogiste du périodique écrit dans l’avis de décès de Marie-Anne d’Acigné, Marie-Anne d’Acigné :
[L]a Maison d’Acigné, Marie-Anne d’Acigné dont elle sortoit, est une des plus illustres & des plus anciennes de Bretagne ; tous les Auteurs qui en ont parlé ont prétendu qu’elle estoit une branche de celle des anciens Seigneurs de Vitré, puînez des anciens Comtes de Rennes & Ducs de Bretagne, avant l’an 99231.
L’origine bretonne, donc en principe étrangère, est sans importance. Ce qui compte, en revanche, c’est l’appartenance à la branche cadette d’une vieille famille noble du duché32. La même indifférence à l’égard de l’origine géographique peut être observée dans le cas de Conrad de Rosen, Conrad deRosen qui « estoit originaire de Livonie » et qui « vint en France servir sous son parent le General de Rosen […] & se dévoua comme luy au service du Roy33 ». Sans aucun doute possible, il peut être décrit comme un aventurier qui réussit dans l’armée de Louis XIVLouis XIV et reҫoit même des titres de noblesse. Or, son seul mérite ne suffit pas ; afin de prouver sa valeur et ses qualités, le contributeur rappelle deux fois au lecteur du Nouveau Mercure galant que Rosen, Conrad deRosen fut un noble : tout d’abord, selon lui, Rosen, Conrad deRosen descendrait « de la plus ancienne Noblesse & d’une des meilleures Maisons34 » de son pays natal et, ensuite, il précise que Rosen, Conrad deRosen – avant d’« estre receu dans les plus illustres Ordres du Royaume35 » – a présenté des documents du « Roy de Suede […] avec tous les témoignages les plus authentiques de l’ancienneté & de l’illustration de sa Maison36 ». Ce dernier exemple donne une certaine idée de l’importance de l’appartenance au deuxième ordre et explique également pourquoi les riches membres de la bourgeoisie naissante aspirent à acquérir des titres de noblesse : elle est la condition sine qua non de toute ascension sociale.
Or, ces exemples soulignent également un trait particulier de ces éloges à l’égard de la noblesse : la personnalité des défunts et des mariés ne joue guère de rôle. Hormis leur courage et l’ancienneté de leur famille, ni les qualités personnelles, ni les centres d’intérêt ne sont évoqués dans le Nouveau Mercure galant. Contrairement au modèle gréco-romain du genre épidictique qui met l’accent sur « une vision de l’homme37 » d’une manière plus complète, le périodique se contente, en revanche, de présenter le seul côté public du bon noble, c’est-à-dire le serviteur loyal et fidèle de son roi. De même, le généalogiste de la revue se distingue également de deux illustres contemporains : Charles Perrault, CharlesPerrault et Jacques-Bénigne Bossuet, Jacques-BénigneBossuet qui présentent de nombreux détails dans leurs biographies élogieuses – Les Hommes illustres38 et les Oraisons funèbres39. Le style austère et sec du Nouveau Mercure galant rappelle en revanche plus une encyclopédie, comme par exemple le Nobiliaire de Champagne de Louis François Caumartin, Louis FrançoisCaumartin40.
Ces exemples de la fiction des chevaliers sans fautes et issus de vieilles familles rappellent les soucis des Modernes à perfectionner l’Iliade d’Homère, c’est-à-dire à atténuer les propos gênants et rendre l’opposition entre AchilleAchille et AgamemnonAgamemnon moins violente faute de ne pas pouvoir la supprimer complètement au vu de son importance pour l’épopée. La même volonté d’embellissement se manifeste également dans les faire-part de mariage ainsi que dans les notices nécrologiques : tout ce qui est à même de ternir l’image du roi-soleil en est banni. Un souci qui montre bien la dimension politique de ces biographies et portraits de famille. Le généalogiste du Nouveau Mercure galant réduit donc le genre épidictique à sa seule dimension encomiastique ; le blâme déjà peu considéré par les théoriciens et orateurs antiques n’existe pas41.
L’avis de décès de Conrad de Rosen, Conrad deRosen en constitue un bon exemple. Alors que le généalogiste du Nouveau Mercure galant s’arrête longuement sur l’ascendance noble du militaire, il n’évoque guère la désastreuse campagne militaire de Jacques Stuart, JacquesStuart en Irlande en 1689 et 1690 que le royaume de France a soutenu et à laquelle Rosen, Conrad deRosen participa en tant que conseiller militaire. Cette expédition n’apparaît qu’indirectement dans une énumération de son avancement dans l’armée : « En 1684, il fut Brigadier, en 1677. Maréchal de Camp, en 1688. Lieutenant General, en 1689. Marchéal d’Irlande, en 1670. Mestre de Camp, […] & en 1705. il fut reҫû Chevalier de l’Ordre du S. Esprit42. » Seuls les lecteurs informés peuvent établir le lien entre la très brève évocation de l’Irlande et une des défaites les plus douloureuses du règne de Louis XIVLouis XIV : sur l’île verte, son cousin et prétendant catholique au trône anglais, Jacques Stuart, JacquesStuart, est forcé de s’incliner devant Guillaume III d’Orange, Guillaume III d’Orange, un prince protestant et grand rival politique du roi français depuis la guerre de la Ligue d’Augsbourg43.
Une autre absence concerne François de Salignac de La Mothe Fénelon, François Salignac de La MotheFénelon, l’auteur des Aventures de Télémaque et, selon Jacques de Saint-Victor, une des rares voix qui a osé critiquer le roi-soleil lorsque son pouvoir politique et militaire ne pouvait guère être contesté44 ; dans une lettre à Louis XIVLouis XIV de décembre 1693, Fénelon, François Salignac de La MotheFénelon a notamment dénoncé les guerres coûteuses du roi-soleil et prédit les conséquences néfastes de ses victoires éphémères45. Certes, cette mise en doute de la politique royale ne lui valut aucune condamnation et Fénelon, François Salignac de La MotheFénelon resta dans les bonnes grâces de Louis XIVLouis XIV, mais cela changea au moment de la Querelle du Quiétisme46. Elle oppose Fénelon, François Salignac de La MotheFénelon, qui est proche de Madame Guyon, Madame deGuyon, à Jacques-Bénigne Bossuet, Jacques-BénigneBossuet et, peu de temps après l’internement de cette dernière dans un couvent en octobre 1697, Fénelon, François Salignac de La MotheFénelon doit se retirer dans son archevêché47. Il ne retournera pas à la cour et mourra à Cambrai en janvier 1715. Dans la notice nécrologique que lui consacre le Nouveau Mercure galant, toutes les taches sont pourtant effacées et le généalogiste rappelle les fonctions les plus importantes occupées par le défunt, explique son ascendance et souligne le prestige de sa famille : « La Maison de Salignac, l’une des plus anciennes du Royaume, […] & elle s’est alliée de tout tems avec les Maisons les plus considerables48. » Le fait que Fénelon, François Salignac de La MotheFénelon, tel un AchilleAchille moderne, ait contredit son roi est oublié. Il faut principalement se souvenir du serviteur du roi.
Le portrait des Rohan paraît également embelli. En 1674, Louis de Rohan-Guémené, Louis deRohan-Guémené a participé au complot de Lauréamont dont le but était d’instaurer une république en Normandie. Cette tentative de rébellion a échoué, mais elle n’a pas détruit le bon nom de la maison49. Dans le faire-part de mariage de Jules-Franҫois-Louis de Rohan-Soubise, Jules-François-LouisRohan-Soubise et d’Anne-Julie de Melun, Anne-Julie deMelun qui fut publié dans le Nouveau Mercure galant