Études: Baudelaire, Paul Claudel, André Gide, Rameau, Bach, Franck, Wagner, Moussorgsky, Debussy…. Jacques Rivière

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Qui vit, s'agite et se tortille,

       Et se nourrit de nous comme le ver des morts,

       Comme du chêne la chenille?

       Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords?

      Derrière les décors

       De l'existence immense, au plus noir de l'abîme

       Je vois distinctement des mondes singuliers.

       (La Voix, p. 225.)

      Comparez:

      Mais les ténèbres sont elles-mêmes des toiles

       Où vivent, jaillissant de mon œil par milliers,

       Des êtres disparus aux regards familiers!

       (Obsession, p. 204.)

      Et:

      Promenant sur le ciel des yeux appesantis

       Par le morne regret des chimères absentes.

       (Bohémiens en voyage, p. 104.)

      Dans les Posthumes on lit (p. 86): "Il y a des moments de l'existence où le temps et l'étendue sont plus profonds, et le sentiment de l'existence immensément augmenté."

      [14] La Chevelure, p. 119. Comparez Parfum exotique, p. 118.

      Une île paresseuse où la nature donne, etc.

      Je voudrais qu'exhalant l'odeur de la santé

       Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté,

       Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques

       Comme les sons nombreux des syllabes antiques,

       Où règnent tour à tour le père des chansons,

       Phœbus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.

      A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve

       Jamais! jamais! à ceux qui s'abreuvent de pleurs...

       (Le Cygne, p. 260.)

      Comparez:

      Pauvre grande beauté! Le magnifique fleuve

       De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux.

       (Le Masque, p. 115.)

      Je n'ai pas oublié, voisine de la ville, etc. (p. 282).

      Car j'eusse avec ferveur baisé ton noble corps,

       Et depuis tes pieds frais jusqu'à tes noires tresses

       Déroulé le trésor des profondes caresses,

       Si, quelque soir, d'un pleur obtenu sans effort

       Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!

       Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.

       (Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive, p. 133.)

      Même il se complaît dans cette préférence de la faiblesse. Elle devient une sorte de culte du mal, une attitude appliquée, le satanisme.

      Mais ne nous a-t-il pas donné assez de chefs-d'œuvre pour que nous puissions oublier quelques vers de mauvais goût sur le charme du crime et les vertus de Beelzébuth? Erreurs dont au reste la responsabilité pour une grande part incombe aux contemporains du poète.

       DES PEINTRES

       Table des matières

       Table des matières

      "C'est un auteur difficile", disait Maurice Denis. D'abord il semble froid. Tout dans ces toiles est si parfaitement défini. Ingres ne nous demande jamais de le deviner, de reprendre sa tâche, de la compléter avec notre regard; il a tout achevé avant nous; il ne confie rien à notre invention; il nous laisse passifs. On dirait qu'il nous dédaigne un peu, que, parlant à des gens qui ne sont pas de son métier, il leur refuse le droit de collaborer, même pour une part infime, à son œuvre. Il y ajoute lui-même avec soin je ne sais quel vernis qui en interdit l'interprétation.

      Aussi sommes-nous d'abord devant ses tableaux pleins d'un contentement glacé. Voici qui est juste et louable, mais à la façon d'une belle sentence rendue par un juge incorruptible. Cette couleur, jamais on ne la trouve défaillante. Elle est nette, elle est découpée avec exactitude par ses limites; à chaque objet elle est départie avec propriété. Les reflets eux-mêmes et les transparences sont scrupuleusement établis.—Aucune vibration; et non plus cette terne et dense profondeur qu'inventa plus tard Cézanne. La peinture du Bain Turc est admirable;