La guerre artistique avec l'Allemagne : l'organisation de la victoire. Marius 1850-1928 Vachon

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Название La guerre artistique avec l'Allemagne : l'organisation de la victoire
Автор произведения Marius 1850-1928 Vachon
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066330101



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La consigne générale est la célébration joyeuse du centenaire de la prise de la Bastille!

      De1889à1900, les Industries d’art allemandes ne cessent de progresser. Non seulement l’Allemagne nous enlève notre clientèle artistique sur tous les marchés du monde qu’elle envahit et domine de plus en plus, grâce au développement incessant de son immigration, qui lui assure partout des agents actifs de propagande; mais elle nous fait de plus concurrence chez nous et dans nos colonies.

      Pendant l’année1898, les importations de l’Allemagne en produits de ses Industries d’art ont augmenté de16millions sur l’année1897, et de 17millions et demi sur l’année1896. Ces différences portent principalement sur la Céramique, la Verrerie, les Cristaux, les Livres, les Estampes, la Bimbeloterie (Articles de Paris!), l’Horlogerie et le Mobilier.

      Dans une séance tenue le17décembre1898, la chambre syndicale de l’Ameublement de Paris déclare officiellement que la fabrication du meuble en France, et spécialement à Paris, est depuis quelques années dans une situation difficile, en raison de l’importation étrangère, surtout allemande.

      La grande industrie parisienne de l’Orfèvrerie et de la Bijouterie, sans rivale au monde, jusqu’au milieu du XIXe siècle, est profondément atteinte. Les Allemands, en cette même année1898, exportent en France633kilos d’or de plus; et nous leur en envoyons700de moins!

      Aussi, de1880à1896, le centre de l’Ameublement, le faubourg Saint-Antoine, à Paris, a-t-il perdu près de10,000ébénistes; le quartier du Marais, le même nombre de bronziers, d’orfèvres et de lapidaires; Belleville, Popincourt et Ménilmontant, plus de10,000ouvriers de la Maroquinerie et de l’Article de Paris.

      Relativement à la situation de la Bijouterie, le directeur d’un journal professionnel écrira en ce temps:

      «La Bijouterie allemande continue sa marche ascendante. Si elle va de ce train encore quelques années,–et je ne vois pas ce qui l’en empêchera,–les fabricants français auront pour unique et dernière ressource de devenir les dépositaires de leurs collègues d’outre-Rhin. On m’affirme que quelques-uns ont déjà pris ce parti. On m’a cité des noms; mais on comprend que je ne puisse les publier!»

      Mais, alors, la France est en pleine agitation du Boulangisme, à laquelle succédera la guerre civile du Dreyfusisme. On ne pense guère à l’Allemagne, à son prodigieux développement artistique, industriel et commercial; on l’oublie complètement. L’activité de la nation semble se résumer dans l’organisation de l’Exposition universelle de1900, la grande Foire du monde, imaginée pour célébrer l’aurore du XXe siècle, et par laquelle il doit être fait surtout la démonstration, suivant le discours grandiloquent, prononcé par le ministre du Commerce, à son inauguration, que: «L’Humanité monte, monte sans cesse vers cette région lumineuse et sereine où doit, un jour, se réaliser l’idéal et parfait accord de la puissance, de la justice et de la bonté»!!??

       L’APOTHÉOSE DE L’ALLEMAGNE A L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE1900.

       Table des matières

      L’Exposition universelle de1900sera l’occasion superbe, depuis longtemps espérée et impatiemment attendue par l’Allemagne, d’une véritable apothéose mondiale de l’Empire, apothéose qu’elle a préparée avec une habileté extraordinaire, et avec une majestueuse ampleur, de façon à en imposer à l’univers par le spectacle vraiment émouvant de ses progrès dans toutes les branches de l’activité humaine, et à donner à l’orgueil de tous les confédérés allemands la satisfaction la plus complète, comme récompense et comme encouragement pour tout ce qu’ils avaient fait et qu’ils devaient faire encore afin de développer la prospérité, la puissance et la gloire de la commune patrie.

      Au milieu de la rue des Nations, le Gouvernement impérial élève un pavillon magnifique et grandiose, original et pittoresque, dans le style de la Renaissance allemande, l’époque où l’Empire, par l’avènement de la Bourgeoisie, industrielle et commerciale, s’affranchit énergiquement de l’influence française, qui, aux XIIe et XIIIe siècles, fut si intense et si profonde. Une tour, haute de75mètres, dressée au-dessus d’un vaste bâtiment rectangulaire, qui couvre une superficie de700mètres carrés, domine tous les pavillons d’alentour, et affirme orgueilleusement la recherche du «kolossal», qui sera la marque caractéristique générale des installations allemandes dans toutes les sections de l’Exposition. Les pignons élancés des trois façades, et les verrières des grandes baies, sont couverts de peintures, à l’aspect de fresques, aux sujets évoquant les vieilles légendes germaniques. L’aigle impériale forme le principal et éclatant motif de tous les ornements intérieurs et extérieurs. «Kolossal» aussi est l’escalier de16mètres de hauteur, autour duquel s’ouvrent les différents halls d’expositions, escalier de marbres de Bavière, aux rampes hardies, ornée d’énormes candélabres, où la lumière, qui tombe des verrières, répand une atmosphère de cathédrale, et fait religieux, plein de mysticisme, le décor de tentures sombres et de lourdes boiseries de vieux chêne sculpté. Le drapeau, arboré au-dessus de l’édifice, porte dans ses plis la devise pangermanique: «Deutschland über alles (l’Allemagne au-dessus de tous)!».

      Pour atténuer ce que cette démonstration publique de la force de l’Allemagne pourrait avoir pour la France de trop brutal et aussi d’inquiétant, de nature à la mettre en éveil et à lui inspirer le sentiment et le désir d’une revanche, le Gouvernement allemand fera installer, dans le salon d’honneur du pavillon impérial, une exposition de nombreuses œuvres d’art français du XVIIIe siècle, provenant des châteaux de Potsdam: des peintures exquises de Watteau, de Lancret, de Pater, de Chardin, de Coypel, de Van Loo, des sculptures délicieuses de Houdon, de Pigalle, de Bouchardon, de Coustou le jeune, de Lemoyne, etc., etc. Et, dans le catalogue général de la section allemande, il mettra ce compliment galant à l’égard de la France d’antan:

      «Sa Majesté l’Empereur a gracieusement donné la permission de faire dans sa collection un choix, grâce auquel les salles de représentation de la Maison allemande ont pu être décorées d’une manière absolument digne et artistique. Ces objets sont encore d’un plus haut intérêt lorsque on se rend compte de l’importance qu’ont eue l’art et le goût français sur le développement artistique de l’Allemagne au XVIIIe siècle; ils deviennent non seulement un hommage pour Frédéric le Grand, l’ami et le protecteur des sciences, de la philosophie et des arts français, mais ils sont encore une démonstration glorieuse de l’histoire des arts du Peuple français.»

      A l’extrémité du quai de la Seine, dans la section maritime, le phare «kolossal» du port de Brême semble être, par ses dimensions et par la puissance de ses projections, le phare officiel de l’Exposition universelle.

      La porte du vestibule de la galerie allemande, à l’Esplanade des Invalides, est faite d’un rocher «kolossal», sur lequel l’aigle impériale éploye ses ailes immenses, et s’apprête à déchirer, avec ses serres formidables, un dragon pantelant: allégorie saisissante du Pangermanisme domptant et écrasant l’ennemi traditionnel de l’Allemagne. Dans ce rocher, s’ouvrent, en façon de cavernes de cyclopes géants, les divers stands des artistes industriels.

      Au Champ-de-Mars, les portiques des classes allemandes de l’Électricité, des Machines, et de la Métallurgie, sont de «kolossales» constructions en fer forgé, dont les arceaux hardis et les fières volutes se terminent uniformément par une «kolossale» tête de Méduse, comme sur la consigne générale d’un symbolisme artistique constant, destiné à terrifier tous les concurrents des grandes industries allemandes: aucun visiteur intelligent et subtil ne pourra s’y méprendre. Dans tous les comptes rendus de l’Exposition faits par des écrivains sérieux, sachant voir et comprendre, l’on remarque des réflexions identiques à ce propos. L’un dira, avec une éloquence incisive: «La rude matière