Название | Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878) |
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Автор произведения | Jules Zeller |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066321840 |
La question des réformes se compliquait décidé-de celle de l’indépendance, et celle-ci sollicitait tout d’abord l’attention des autres États italiens. La question n’était plus seulement administrative et pontificale; elle était politique, peut-être européenne.
Parmi les souverains italiens, on savait le roi de Naples tout à fait dévoué, par ses idées et par ses antécédents, à la politique autrichienne qui avait déjà affermi le trône de ses pères. Il en était autrement du grand-duc de Toscane et du roi Charles-Albert. Le premier avait paru s’associer, quoique timidement encore, aux réformes de Pie IX, qui étaient saluées dans ses États par des manifestations faites aux cris de: «A bas l’Autriche, à bas les Jésuites!» Le 6 mai, à l’exemple de Pie IX, il autorisait, dans une certaine mesure, la critique des actes du gouvernement. Pour Charles-Albert, plus froid et plus réservé que de coutume depuis l’avénement de Pie IX, il laissait, dans l’intimité, échapper des mots qui inspiraient des craintes à ses ministres conservateurs, des espérances aux libéraux, et il se contentait de faire à l’Autriche une aigre guerre de tarifs. On n’en espérait pas moins en lui, quand on apprit que, sur la nouvelle de l’occupation de Ferrare, le cardinal-légat Ferretti avait envoyé à Vienne une énergique protestation.
Il n’échappait alors à personne, en Europe et en Italie, que l’Autriche aurait voulu par là «susciter des troubles pour avoir prétexte à une intervention ». C’était la conviction de l’Angleterre, même de la Prusse; car lord Palmerston (11 septembre) déclarait, avec l’assentiment du roi de Prusse, à Metternich, qu’il était l’allié du Piémont.
Les deux seuls souverains vraiment italiens de l’Italie, comme s’exprimait même le ministre piémontais Solaro della Margherita, furent rapprochés du coup. A la demande d’asile que lui fit Pie IX en cas de besoin, Charles-Albert mit vivement à sa disposition «ses vaisseaux, son armée, son argent». Malheureusement, la prise de Ferrare avait aussi surexcité les esprits contre les princes. Grâce aux menées des exilés rentrés, on commençait à accuser non la volonté, mais la faiblesse de Pie IX; on se persuadait que l’acquisition de constitutions libérales serait le plus sûr moyen d’obtenir et de garantir les améliorations et les réformes; on croyait entrevoir déjà que la liberté ne pourrait être assurée qu’en conquérant préalablement l’indépendance, et on s’y préparait. La révolution menaçait déjà d’entrer dans sa seconde phase à la fois constitutionnelle et nationale! Aux cris de: «Vive Pie IX, vivent les réformes!» on substituait ceux de: «Vivent les constitutions, vive l’indépendance!» C’était vouloir beaucoup faire en même temps.
Le gouvernement français, favorable au libéralisme italien, mais alors fort intéressé à ménager l’Autriche, grâce à l’affaire délicate des mariages espagnols, prit à tâche de calmer l’effervescence et d’éviter une collision. Il aimait mieux mécontenter au besoin les Italiens, que les exalter outre mesure; et il s’y résignait pour éviter la guerre. Il blâma, dans les expressions surtout, l’énergie de la protestation de Ferretti et du pape, mais il négocia le retrait des troupes autrichiennes. Il promit son appui aux réformes administratives de Pie IX, mais il déclara l’octroi de constitutions inconciliable avec la situation générale de la Péninsule, et il suggéra à celui-ci de proposer aux deux souverains les mieux disposés une union douanière qui apporterait déjà une satisfaction au sentiment national. Le cabinet autrichien, qui avait déjà adressé, le 15 août, à Turin, une note que Charles-Albert déclina de recevoir, et une autre à Florence qui fut acceptée par le grand-duc, ne pouvait s’y opposer. Mais l’Angleterre, engagée contre la France dans les mariages d’Espagne, craignant un rapprochement entre ces deux puissances, envoya lord Minto en ambassade extraordinaire à Turin et en Italie, et celui-ci, trop heureux de contrecarrer en Italie l’influence de la France, au lieu de chercher à calmer les esprits, appuya résolûment partout les constitutionnels, les révolutionnaires même, pour les tourner vers le cabinet de Saint-James, comme leur seul espoir et leur véritable appui, et brouiller la France avec l’Autriche.
Jeté au milieu des négociations poursuivies à Vienne pour le retrait des troupes de Ferrare, Pie IX commençait à sentir les soucis des grandes entreprises; il entretenait une correspondance privée avec l’empereur d’Autriche; il s’adressait à sa piété pour le conjurer de ne pas augmenter ses embarras, de ne pas lui enlever la confiance et l’amour de ses sujets, par l’ombre d’un attentat contre le territoire libre de l’Italie. Un autre jour: «Père Ventura,» disait-il, découragé, en voyant sa protestation blâmée, «la France nous abandonne; nous sommes seuls! — Dieu nous reste, répondit celui-ci, marchons.» Le nouveau cardinal-ministre, Ferretti, avait plus de confiance. «Nous montrerons à l’Europe, disait-il, que nous savons nous suffire à nous-mêmes.» Il organisa la garde nationale par les soins de son honorable commandant le prince Rospigliosi, et prépara une loi pour la conscription. Chaque jour, de braves officiers, vieux soldats de l’empire, consacrèrent quelques heures à l’instruction des conscrits, milice nouvelle, destinée à être plus tard la véritable protectrice de l’ordre public dans les États romains. Le cardinal organisait en même temps le conseil et le sénat municipal de Rome, et s’occupait, allant hardiment plus loin de poser les bases et de déterminer les attributions de la consulte d’État.
A l’exemple du pape, Léopold II fut obligé de concéder davantage. En septembre, pour satisfaire aux demandes des nouveaux journaux, l’Alba, la Patria, le Livournais, et arrêter les manifestations populaires, il accepta le programme d’un nouveau ministère, qui portait l’organisation d’une garde civique, l’augmentation de l’armée, l’établissement de conseils provinciaux électifs, et la création d’une représentation nationale. L’Italie marchait, tandis que les diplomates et même que deux flottes, une anglaise, une française, étaient dans les eaux de Naples. L’entrée au ministère du comte Serristori, connu à Livourne pour l’usage charitable qu’il faisait de sa fortune, et du marquis Ridolfi, écrivain libéral et précepteur du jeune duc, assuraient l’exécution de ce programme. L’organisation de la garde nationale sur une large base, et l’abolition de la présidence du buon governo, administration qui confondait la justice avec la police, en furent les premiers gages.
Charles-Albert, assuré bientôt, parles instructions de lord Palmerston à Minto, d’avoir, à défaut de la France, dans le souverain d’Angleterre un ami fidèle et intéressé, osa davantage. On l’avait traité dans des pamphlets de tâtonneur. Au congrès scientifique tenu à Casale en septembre, il écrivit à Castagneto, un de ses intimes: «Si la Providence me commande la guerre de l’indépendance, je monterai à cheval avec mes fils, je me mettrai à la tête de mon armée; ce sera un beau jour que celui où retentira le cri de guerre de l’indépendance italienne,» et ces paroles trouvèrent non-seulement un écho dans le chœur du dernier des Piémontais, ennemis séculaires de l’Autriche, mais dans l’Italie tout entière.
Les manifestations enthousiastes qui avaient commencé depuis l’avènement de Pie IX à Rome, puis à Florence, éclatèrent alors à leur tour à Gênes et ensuite à Turin. Au cri de: «Vive Pie IX!» on ajouta celui de: «Vive le roi!» L’hymne au roi et au pape remplaça l’hymne à Pie IX. Charles-Albert avait été laissé loin en arrière par le pape et par le duc de Toscane; ce fut lui maintenant qui prit les devants. Au commencement d’octobre, un nouveau ministère, présidé par Villamarina, remplaça celui de Solaro della Margherita. Le 30 octobre, par plusieurs ordonnances détaillées, l’administration des provinces fut confiée à des conseils généraux, la police réunie et subordonnée au ministère de l’intérieur, les finances séparées de l’administration, la censure adoucie, une banque fondée à Turin, et l’instruction publique en partie enlevée aux jésuites, que Gioberti n’avait pas craint d’appeler les fils dégénérés de Loyola. Pie IX et Charles-Albert, Rome et Turin semblaient se rapprocher de plus en plus. Le pape envoya à la belle-fille de Charles-Albert, pour sa fête, la rose d’or consacrée, que la cour de Rome ne donne que rarement aux familles souveraines. Ce gage d’alliance fut bientôt