Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878). Jules Zeller

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Название Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878)
Автор произведения Jules Zeller
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066321840



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par Pie IX, à rédiger pour l’Italie un projet de constitution fédérale qui devait investir une diète, résidant à Rome avec le pape pour président de la confédération, du pouvoir de régler les intérêts nationaux et généraux de la péninsule. C’était une idée qui sous différentes formes prenait possession déjà de l’Italie. Sur ce terrain même, il est vrai, Rossi se heurtait contre de réelles difficultés. Le Piémont, préoccupé surtout de sa situation, ne voulait qu’une ligue et une ligue militaire, et il proposait Charles-Albert comme chef de cette ligue en opposition au pape. De ce projet Rossi, au contraire, ne voulait exclure aucun État italien; par conséquent, il faisait place au roi Ferdinand qu’il prétendait vouloir ramener ainsi aux procédés constitutionnels. D’autre part, Montanelli opposait à une confédération d’États la formation d’une constituante italienne; et, un peu plus tard, Gioberti en Piémont, assez embarrassé entre son ancien attachement à Rome et ses nouvelles affections à Turin, convoquait un congrès dans cette ville, dans le but de faire prévaloir des idées d’union, sinon de fusion complète, qui différaient encore des autres.

      Le gouvernement de Rossi n’était donc point en opposition avec les tendances de la péninsule. Il cherchait à les rapprocher, à les diriger surtout. Mais son tempérament d’homme d’État n’allait point aux passions aventureuses qui s’agitaient. Il voulait marcher à son but avec mesure, par voie diplomatique; il entendait ménager la transition du passé à l’avenir. La papauté, il prétendait la maintenir dans toute son indépendance et sa dignité ; il l’accommodait et la réconciliait seulement avec les nécessités et les conditions du temps présent. Vainement les événements les plus graves, du 15 au 31 octobre, en rendant encore la révolution maîtresse à Vienne et en ébranlant l’Autriche, étaient-ils de nature à exalter l’Italie. Au risque d’exciter les plus grands mécontentements, il ne se laissa pas plus entraîner que ne le fit le roi de Piémont. La confédération italienne, il voulait la faire reconnaître par l’Europe, sans toucher momentanément la question pendante entre l’Autriche et le Piémont au sujet de Milan et de Venise; autant de principes de prudence, que les passions n’étaient point disposées à écouter!

      Le 4 novembre, dans une note insérée dans la Gazzetta di Roma et restée célèbre, Rossi s’exprimait ainsi: «Pie IX n’abandonne pas son noble et généreux dessein, qui est, et qui fut toujours, de pourvoir par une ligue politique italienne à la sûreté, à la dignité, à la prospérité de l’Italie et des monarchies constitutionnelles de la péninsule. Pie IX n’est pas dirigé par des vues d’intérêt privé ni d’ambition; il ne recherche, il ne désire, il ne demande que le bonheur de l’Italie et le développement des institutions qu’il a données à son peuple; mais, en même temps, on ne saurait oublier ce qu’il doit à la dignité du Saint-Siège et à la gloire de Rome. Toute autre proposition incompatible avec ce devoir sacré ne pourrait être adressée qu’en vain au souverain de Rome et au chef de l’Église. Le suprême pontificat est la seule grandeur qui soit debout et qui, restant à l’Italie, lui attire le respect et les hommages de l’Europe et du monde catholique. Jamais Pie IX, comme pontife souverain et comme Italien, ne saurait l’oublier.» Malheureusement Rossi était, de sa personne, hautain, sûr de lui-même, entier dans ses idées, particulièrement antipathique à toutes les classes, à tous les partis dans la péninsule. Il eut beau tenir tête aux rétrogrades et aux radicaux, il n’eut pas même pour lui le parti modéré ; les premiers criaient au proscrit de 1815, au radical; les seconds à l’ami de Guizot, au réactionnaire; les libéraux n’osaient s’enrôler sous un chef aussi impopulaire. Les Piémontais ne voulaient pas avec lui s’allier aux Napolitains et réciproquement; le ministre de France lui-même, le républicain Bastide, le voyait avec déplaisir au ministère romain.

      Rossi poursuivit sa marche avec courage, n’opposant aux injures que le dédain et la fermeté ; il fit emprisonner le moine Gavazzi qui agitait Rome, et Zucchi fit entrer quelques carabiniers pour faire le service avec la garde nationale. Il voulut réduire les tribunaux à deux instances pour réformer la justice. Mais aussitôt prêtres et radicaux, soldats pontificaux et volontaires dissous, juges et plaideurs, jusqu’aux cochers, se réunirent contre lui. Déjà Garibaldi, récemment arrivé à Bologne, après avoir commencé sa réputation dans les Alpes, agitait la ville. Rome se remplissait des pires gens qui criaient au coup d’État. La reprise de possession de Vienne, par la maison de Habsbourg, achevait d’exaspérer les esprits et de rendre la situation des plus critiques.

      Au milieu de cette effervescence, un journaliste député, Sterbini, revenu récemment de Turin et de Livourne avec le prince de Canino, jeta sur ces charbons ardents une parole enflammée. «Rossi était venu,» dit-il, «apporter en Italie les procédés de Guizot et de Metternich, l’art de faire naître les occasions de mitrailler le peuple, de bombarder et d’incendier les capitales.» (Contemporaneo du 15 novembre.) C’était ce jour-là que Rossi devait donner connaissance de son programme. Il avait reçu la veille de Florence un avis de prendre garde. Un autre lui arriva le matin. Il n’en partit pas moins à midi avec son programme pour se rendre à la chancellerie d’État, où l’assemblée des députés tenait ses séances. Il avait dit qu’il pouvait être frappé également par les deux extrêmes. Un régiment devait faire la haie dans la cour; mais un groupe nombreux d’hommes en manteau, volontaires débandés et membres des sociétés secrètes, l’occupait déjà. Comme le ministre Rossi venait de descendre de voiture et traversait, d’un pas ferme et la tête haute, la foule fort animée et poussant des cris hostiles sur son passage, un misérable s’avança, lui porta à la gorge un coup de couteau et disparut. Rossi fit encore un pas et tomba. L’assemblée était en séance, occupée à se constituer sous la présidence de Sturbinetti; elle était peu nombreuse, à peine vingt-cinq membres, un jour d’ouverture La nouvelle s’y répandit, comme on lisait le procès-verbal de la dernière séance, en un clin d’œil; il s’y fit spontanément un profond silence d’anxiété et d’effroi. «Qu’est-ce?» dit un député tout bas. «Demandez à Sterbini,» reprit un autre. «Après tout,» dit un troisième, «était-ce le roi de Rome?» Puis le président ordonna la continuation de la lecture entamée, sans qu’un mot public témoignât des sentiments de l’assemblée. «Il faut connaître,» a dit à propos de ce lâche silence un des députés romains, «il faut connaître les mœurs de notre pays, pour juger une telle conduite, et savoir que l’homme qui dirait un mot pour dénoncer le coupable serait assassiné le lendemain.» Tristes mœurs que celles faites à l’Italie par plusieurs siècles de servitude et de juridiction arbitraire.

      Ce forfait fut le coup le plus funeste pour l’avenir de la péninsule; il mit entre l’Italie et la conscience de Pie IX une tache de sang; en faisant reculer le pape, il précipita une révolution à laquelle on pouvait reprocher d’avoir débuté par un crime. La fin de la journée qu’avait ouverte le meurtre de Rossi et la nuit avaient été fort tumultueuse. Une affreuse bande de séditieux, armés de poignards, avait parcouru la ville avec des bannières nationales et des flambeaux, et paradé devant la caserne des carabiniers, poussant des cris injurieux pour la victime. Le lendemain, le Quirinal était comme une maison en deuil; les courtisans étaient absents; les ambassadeurs essayaient de donner quelques conseils au pape atterré. On disait que le peuple s’apprêtait à apporter une formidable pétition. On ne pouvait compter sur la troupe, fort peu nombreuse; la garde civique et les libéraux laissaient faire. La manisfestation très-mêlée de civils et de militaires, quelques-uns avec des armes sous les habits, partit de la place du Peuple, portant sur les bannières la demande d’un ministère démocratique, de la constitution italienne et de la guerre à l’Autriche. Elle arriva au Monte Cavallo au pied des statues des Dioscures, et escalada les escaliers qui montent au Quirinal.

      Ce palais, d’où le pape avait deux ans et demi auparavant plusieurs fois béni son peuple à genoux, était fermé ; douze Suisses, quelques gardes nobles et carabiniers, cent hommes, le gardaient. Le ministre de la police, Galetti, en tête de la manifestation, Sterbini, Mariant, veulent être admis. Le pape, encore tout frémissant d’indignation de la mort de son ministre, ne veut ni les entendre ni les voir. Il répond avec une colère froide qu’il ne cédera point à la force. La foule s’émeut et devient menaçante; elle approche des portes, des fenêtres; un coup part,