Une Croisade au XXe siècle. Lois Dabbadie

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Название Une Croisade au XXe siècle
Автор произведения Lois Dabbadie
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066304744



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verra clair dans sa politique extérieure.”

      Un autre héros, le général de Négrier, manifesta impétueusement son désir d’être un ouvrier, même obscur, de la grande œuvre de la revanche. Il espérait que, malgré tout, l’armée française triompherait, à force d’énergie. Ingambe quoiqu’il eut 73 ans, il écrivit au gouvernement, lorsque la guerre parut imminente: “Je suis trop vieux pour exercer

       “ un commandement; nos soldats aiment à suivre des chefs

      “ jeunes. Mais mes amis, qui me voient monter à cheval

      “ tous les jours, disent que je me tiens encore bien en selle.

      “ Je vous demande à contracter un engagement volontaire

      “ comme cavalier au 4me régiment de chasseurs à cheval, à

      “ Épinal. J’ai beaucoup étudié la région des Vosges et puis

      “ rendre de bons services comme éclaireur.”

      Le colonel Paty du Clam regimba contre l’inactivité que les blocards lui imposèrent et obtint de Messimy l’assurance qu’on lui ferait reprendre du service éventuellement.

      La chûte de Caillaux, puis un réveil du pays sous le ministère Poincaré, assombrirent considérablement les horizons du kaiser, Dolcassé lui joua le tour de mettre aux prises l’Italie et la Turquie; du même coup une scission entre l’Italie et l’Autriche devait survenir en conséquence des acquisitions territoriales du gouvernemeut italien.

      Puis ce furent la Bulgarie, la Grèce, la Serbie, et le Monténégro qui se coalisèrent pour écraser l’empire ottomau, (17 octobre 1912).

      Malheureusement le Foreign Office retint les Bulgares loin de Constantinople; il est regrettable que la diplomatie européenne soit intervenue contre les Turcs et eux lors d’une rencontre aux lignes de Tchataldja.

      Guillaume II s’en réjouit. Les diplomates autrichiens et allemands avaient persuadé au gouvernement roumain qu’il gagnerait, sans risques, en se réservant pour l’heure du partage. Ces mêmes conseillers tentèrent le monarque bulgare; et dans la nuit du 29 au 30 juin il assaillit à l’improviste ses alliés. Ferdinand Ier vit bientôt la déconfiture de sa traîtrise; il dût souscrire, par la paix de Bucarest, aux exigences des Roumains tandis que les Serbes et les Grecs, ne pouvant user de rigueur sans rompre l’équilibre balkanique, gardèrent seulement quelques localités pour être à l’abri d’une récidive. Au surplus, reprenant leurs armes, les Turcs obligèrent le gouvernement bulgare à rendre Andrinople .

      Dans cet imbroglio, l’éloignement et le défaut de résolution, —pour ne pas dire l’intempestive divergence de vues entre les diplomates russes et anglais,—eurent pour la Triple Entente les plus fâcheuses conséquences. Par contre, la Wilhemstrasse et la Hofbourg assurèrent aux empires centraux un triomphe peu agréable au Quirinal; en effet, l’Italie dût concourir avec répugnance au développement de l’influence autrichienne en Albanie, où le prince de Wied fut installé. Supérieurement jouées, la Russie, l’Angleterre et la France entrèrent dans la voie des concessions, quelque peu aux dépens de la Serbie et du Monténégro, pour le maintien de la paix européenne.

      Guillaume II comprit toutefois qu’il n’aurait pas longtemps l’Italie à ses ordres. Trop incertaine lui parut l’emprise germanique sur la Roumanie d’ailleurs.

      La volonté d’en finir avec la France tendit toute son intelligence pour machiner une suprême perfidie. L’aveugle déférence que lui marquait l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche et le rôle considérable de cet illuminé ambitieux dans l’empire austro-hongrois lui firent espérer d’obtenir l’assentiment du vieux monarque.

      Mais lorsque Jaurès mit Poincaré en fâcheuse posture durant les débats relatifs à la réforme parlementaire, l’empereur d’Allemagne voulut bien attendre quelque nouveau plongeon du peuple voisin dans les consortiums. Et son flair tout bismarckien lui indiqua les avantages qu’en tirerait le pangermanisme quand l’élection du même Poincaré à la présidence donna lieu aux manœuvres écœurantes des groupes que Pams, Clémenceau, Combes, Jaurès et Caillaux dirigèrent.

      Employer la sozial-démocratie teutonne à soutenir des palabres internationales, où Jaurès remplit un rôle étrange, fut la manœuvre ostensible du kaiser; à quels autres expédients doit-il cette opposition furieuse, contre laquelle Barthou, de Mun, Pau, Joffre, Driant, soutinrent une lutte magnifique pour faire passer l’indispensable loi du service militaire de trois ans?

      Peut-on douter que Guillaume II fut l’occulte artisan de la chûte du ministère Barthou quand on médite sur la revanche du germanophile Caillaux?

      Jaurès prît sur les cabinets Doumergue et Viviani l’ascendant qu’avait eu Gambetta sur les ministères dont il n’était pas le président.

      Les radicaux socialistes et les socialistes français, tout en se disputant des portefeuilles dans les crises ministérielles, en vinrent à s’entendre sur la doctrine d’une politique d’entente avec l’Allemagne.

      Caillaux gouvernait la haute-finance; et sur tous ses agissements louches, dans la banque internationale dominée par les juifs allemands, Jaurès avait mis, comme voile épais, l’onctueuse phraséologie d’un rapport évasif. Le journaliste Calmette, rédacteur du Figaro, entreprit une impitoyable dénonciation du ministre équivoque; il fut assassiné. Toutefois le procès de la femme Caillaux, qui s’ensuivit, dévoila au public des actes si méprisables qu’une réprobation générale se manifesta, quoique le jury eut acquitté la coupable. On sut bien que cet impudique ménage ne ressentait point une colère d’époux discrètement amoureux mais plutôt la crainte d’imminentes allusions au procès-verbal relatif à Rochette le banqueroutier. Ce procès-verbal que dressa le procureur général Fabre, témoigne de la corruption d’un gouvernement, dont les ordres violentèrent des consciences de magistrats.

      Comme un fruit pourri, lourd de vers, la France devait-elle choir?

      Guillaume II jugea qu’il pouvait agir. François Joseph 1er, d’accord avec l’archiduc François Ferdinand, n’éprouvait que du mépris pour les Français; car l’espionnage teuton signalait l’absolu manque de ressort dans toute la France livrée à la tyrannie maçonnique. Sans doute le Kaiser dissipa tous les scrupules du vieil empereur par d’insidieuses déclamations sur la brouillonne influence du nid de la démagogie dans les problèmes européens relatifs au péril socialiste. Rien n’était plus facile que de dépeindre Jaurès comme un autre Proudhon, capable d’orienter quelque ligue internationale des anarchistes. L’empereur d’Autriche écouta les arguments du Kaiser, quels qu’ils fussent, et rejeta les supplications du pape Pie X.

      On devine le motif du téméraire voyage de l’archiduc-héritier à Serajevo; n’allait-il point mettre en œuvre les forces de l’empire austro-hongrois pour accabler la Serbie d’une manière foudroyante?

      Si la mort imprévue de ce prince bizarre sert de prétexte aux empereurs, point n’était besoin qu’elle advînt pour que la guerre fût déchaînée en Europe; car on a tout prévu; l’explosion devait se produire d’une façon quelconque. Depuis que les troubles d’Albanie éclatèrent, le conflit était imminent.

      Axel von Schwering reproduit dans son journal, cette opinion qu’émit le Kaiser au cours de leur entrevue du 1er juillet 1915: “ La Russie sera punie de sa participation

       “ au drame. Elle en souffrira. Il lui faut être bien stupide,

      “ ou bien vaine pour supposer que l’Autriche ne va pas

      “ réclamer avec insistance le châtiment des coupables.

      “ François Joseph ne permettra pas que les assassins de son

      “neveu échappent à leur sort. Du meurtre résultera peut-être

      “ le suprême triomphe de la civilisation et de la politique

      “ germaniques.”