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de même, comme on pourrait croire que c'est moi qui vous fais crier, il faut bien que je m'en retourne avec vous, et que je laisse mon chat sans demander à qui il appartient.»

      Et Blaise, pas trop content de renoncer aux fours à chaux, suivit Jules, qui marchait très vite pour rentrer à la maison le plus tôt possible. A cent pas de l'avenue du château ils rencontrèrent Hélène et sa bonne, qui les cherchaient de tous côtés.

      HÉLÈNE

      Où as-tu été, Jules? Maman n'est pas contente; elle a su que tu étais sorti avec Blaise; elle craint qu'il ne te soit arrivé quelque accident; il est très tard, nous devrions être couchés depuis longtemps; allons, mon frère, rentrons vite, tu vas être grondé.

      JULES

      Ce n'est pas ma faute, c'est Blaise qui m'a emmené bien loin; il m'a mené dans des chemins dangereux, j'ai manqué d'être mangé par des chiens énormes, et puis j'ai manqué d'être étranglé par les fantômes du cimetière!

      HÉLÈNE

      Qu'est-ce que tu dis? Les fantômes du cimetière! Tu sais bien qu'il n'y a pas de fantômes.

      BLAISE

      Ne l'écoutez pas, Mademoiselle; en fait de fantômes, nous n'avons vu qu'un gros chat blanc monté sur le mur du cimetière. Je l'ai malheureusement tué d'un coup de pierre. Et quant à emmener M. Jules, c'est bien lui qui a voulu absolument venir avec moi, et j'aurais mieux aimé qu'il ne vint pas, j'ai tout fait pour l'empêcher de m'accompagner.

      HÉLÈNE

      Jules, tu dis toujours sur Blaise des choses qui ne sont pas vraies; c'est très mal; ne répète pas à maman ce que tu m'as dit, parce que tu ferais injustement gronder le pauvre Blaise.

      BLAISE

      Merci, Mademoiselle; je ne crains pas ce que M. Jules peut rapporter de moi, pourvu qu'il dise la vérité.»

      Hélène ne répondit pas et soupira; elle savait que Jules mentait souvent, et elle craignait qu'il ne fît gronder le pauvre Blaise, qu'elle savait innocent.

      Mme de Trénilly était descendue dans la cour pour avoir des nouvelles de Jules, dont elle était inquiète; en le voyant revenir avec sa soeur, elle alla à eux et demanda avec inquiétude ce qui l'avait retenu si longtemps.

      JULES

      Maman, c'est Blaise qui m'a emmené bien loin; j'avais très peur, mais il ne voulait pas revenir, et m'a fait aller au cimetière.

      LA COMTESSE

      Au cimetière! Pour quoi faire? et qu'as-tu donc à ton habit? Le dos est plein de poussière, comme si tu t'étais roulé par terre. Serais-tu tombé? T'es-tu fait mal?

      JULES

      C'est Blaise qui m'a fait tomber en tuant un superbe chat blanc.

      LA COMTESSE

      Pourquoi a-t-il tué ce chat? Comment t'a-t-il fait tomber en le tuant? Il est donc méchant, ce Blaise?

      JULES

      Oui, maman, il est très méchant et il ment souvent ou plutôt toujours.

      —Maman, reprit Hélène avec indignation, Blaise est très bon et ne ment pas. C'est Jules qui ment et qui est méchant. Blaise m'a dit que Jules avait voulu absolument le suivre à la promenade, et il a tué ce chat parce qu'ils l'ont pris pour un fantôme: mais il ne voulait pas le tuer, et il en est très fâché.

      LA COMTESSE

      Blaise peut mentir aussi bien que Jules. Pourquoi excuser un étranger pour accuser ton frère?

      HÉLÈNE

      Parce que je connais Jules, maman, et je sais qu'il ment souvent.

      LA COMTESSE

      Hélène, toi qui prétends être pieuse, sois plus charitable et plus indulgente pour ton frère. Montons au salon; je tâcherai demain de savoir quel est le menteur, et je promets qu'il sera puni comme il le mérite.»

      Jules eût mieux aimé que sa mère ne parlât plus de cette affaire; mais Hélène, qui avait pitié du pauvre Blaise calomnié, fut au contraire satisfaite de la promesse de sa mère. En allant se coucher, elle reprocha à Jules sa méchante conduite; il répondit, comme à son ordinaire, par des injures et des coups de pied.

      Le lendemain, la comtesse alla seule chez Anfry; elle fit venir Blaise, qu'elle questionna beaucoup, et elle acquit la certitude de l'innocence de Blaise et de la méchanceté de Jules; mais la crainte de rabaisser son fils en donnant raison à un petit paysan l'empêcha de punir Jules comme il le méritait.

       Table des matières

       Table des matières

      Un jour, Blaise bêchait et arrosait le jardin d'Hélène, lorsqu'ils entendirent des cris perçants qui provenaient d'une maison placée de l'autre côté du chemin, et habitée par une pauvre femme et ses cinq enfants. Blaise jeta sa bêche et courut vers la maison d'où partaient les cris; Hélène l'avait suivi; ils arrivèrent au moment où la pauvre femme retirait d'une mare pleine d'eau son petit garçon de deux ans, qu'elle avait laissé jouer dans un verger au milieu duquel était la maison. Dans un coin du verger elle avait creusé une petite mare pour y laver le linge de son plus jeune enfant, âgé de trois mois. Elle était rentrée pour faire manger au petit sa bouillie, et, pendant cette courte absence, celui de deux ans était tombé dans la mare; il n'avait pas pu en sortir et il avait été noyé. La mère poussait des cris perçants. Les voisins accoururent; les uns soutenaient la mère, qui se débattait en convulsions; les autres avaient ramassé l'enfant, le déshabillaient et essuyaient l'eau qui coulait de ses cheveux et de tout son corps. Blaise courut à toutes jambes chercher un médecin. Hélène, quoique saisie et tremblante, aidait à essuyer l'enfant et à l'envelopper de linges chauds et secs. Elle pensa ensuite que d'autres voisines de la pauvre femme pourraient, en attendant le médecin, aider à rappeler la vie et la chaleur dans le corps de ce pauvre petit, et elle courut les prévenir du malheur qui était arrivé. Deux habitants du voisinage, M. et Mme Renou, prirent chez eux différents remèdes qui pouvaient être utiles, et entrèrent chez la pauvre femme. Pendant que Mme Renou cherchait à consoler et à encourager la malheureuse mère, M. Renou fit étendre l'enfant sur une couverture de laine, devant le feu; on le frotta d'eau-de-vie, d'alcali, de moutarde, on lui fit respirer des sels, de l'alcali; on employa tous les moyens usités en de pareils accidents, mais sans succès: l'enfant était sans vie et glacé. Quand son malheur fut certain, la pauvre femme se jeta à genoux devant le corps de son enfant, le couvrit de baisers et de larmes, le serra dans ses bras en l'appelant des noms les plus tendres. On voulut vainement la relever, lui enlever son enfant; elle le retenait avec force et ne voulait pas s'en détacher. Enfin elle perdit connaissance et tomba dans les bras des personnes qui l'entouraient. On profita de son évanouissement pour la déshabiller, la coucher dans son lit et porter l'enfant dans une chambre voisine. La bonne petite Hélène n'avait pas été inutile pendant cette scène de désolation: elle berçait et soignait le petit enfant de trois mois, dont personne ne s'occupait, et qui criait pitoyablement dans son berceau. Hélène finit par le calmer et l'endormir.

      Quand tout fut fini pour l'enfant noyé et qu'on l'eut posé sur un lit, enveloppé de couvertures, le médecin arriva.

      «Eh bien, dit-il, l'enfant respire-t-il encore?

      —Je le crois mort, dit Mme Renou; mais il y aurait peut-être à employer des moyens que je ne connais pas; essayez, Monsieur, et tâchez de rappeler cet enfant à la vie.»

      Le médecin découvrit le corps,