Cadio. George Sand

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Название Cadio
Автор произведения George Sand
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066082918



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je vous ai rendu la clef, vrai, d'honneur!

      REBEC, (se fouillant.) Tu as raison, la voilà! Elle est si petite... Javotte, fais le guet par là, et, si c'est des amis qui arrivent, avertis-moi.

      JAVOTTE. Vous allez encore vous enfermer pour rien, je parie! Depuis que je vous ai découvert cette grande cache dans le mur, vous y entrez pour une mouche qui vole.

      REBEC, qui a essayé la clef. Eh bien, mais dis donc! je ne peux pas ouvrir!

      JAVOTTE. Vous avez emmêlé la serrure à force de l'essayer.

      REBEC. Mais non! Vois! C'est comme si on l'avait fermée en dedans!

      JAVOTTE, (riant.) Dame! c'est peut-être quelqu'un du dehors qui la connaissait avant vous et qui s'en sert contre vous... Quelque brigand!

      REBEC, (effrayé, reculant.) Tirefeuille peut-être! l'assassin de...

      JAVOTTE, (qui a été au fond.) Allons, cachez vos peurs! C'est des beaux soldats républicains qui arrivent. Tenez! quand je vous dis! en voilà un superbe.

      REBEC. Un officier? Il veut prendre mes ordres sans doute. Retire-toi, Javotte, c'est des affaires d'État.

      SCÈNE III.--HENRI DE SAUVIÈRES, REBEC.

      REBEC, (à part.) Joli garçon, tout jeune! Qu'est-ce qu'il a à regarder comme ça partout? Il a l'air timide, rassurons-le. (Haut.) Salut et fraternité, général!

      HENRI, (d'un ton résolu.) Lieutenant, s'il vous plaît! c'est assez pour deux ans de service.

      REBEC. Ah! mon Dieu! M. Henri!

      HENRI. Tiens, Rebec! Comment cela va-t-il, mon vieux?

      REBEC. Bien, monsieur le comte; et vous-même?

      HENRI. Pourquoi m'appelles-tu comme ça? Mon oncle est vivant, Dieu merci! As-tu de ses nouvelles, toi?

      REBEC. Oh! vous en avez bien aussi? On a dû vous dire à la ville qu'il était vainqueur sur toute la ligne, au bord de la Loire.

      HENRI. Vainqueur? C'est comme ça que vous êtes renseignés? L'armée vendéenne est en pleine déroute...

      REBEC. Pourtant elle avance toujours!

      HENRI. Parce qu'elle ne peut pas reculer.

      REBEC. Ah! dame! c'est possible. Moi, je ne sais rien de ce qui se passe. Je reste ici pour...

      HENRI. Au fait, pour quoi es-tu ici?

      REBEC. Hélas! monsieur Henri, vous savez, le séquestre!

      HENRI. Ah oui! tu es préposé...

      REBEC. On m'a forcé d'accepter cet emploi-là. Ça fait grand tort à mon établissement dans la ville, et ça me dérange fort de mes petites affaires.

      HENRI. Je te croyais adjoint à la municipalité.

      REBEC. J'ai donné ma démission, le poste était périlleux.

      HENRI. Et tu n'es pas précisément un foudre de guerre, toi, je me souviens...

      REBEC. Et puis le dévouement me commandait de rester ici.

      HENRI. Le dévouement à la République?

      REBEC. A votre famille surtout. Un gardien fidèle...

      HENRI. Surtout est de trop. On ne t'en demande pas tant. Fais ton devoir et ne t'occupe pas du reste.

      REBEC. Ah! alors... vous, vous êtes avec nous? tout à fait? sans arrière-pensée?

      HENRI. Comment sans arrière-pensée? Tu demandes ça à un officier de cavalerie de l'armée républicaine?

      REBEC. Ah! vous êtes dans la cavalerie? Et votre régiment?

      HENRI. Partie ici, partie à Puy-la-Guerche.

      REBEC. Enfin! enfin! vous voilà arrivés pour nous défendre et nous protéger? Dieu soit loué! Et c'est ça l'uniforme?

      HENRI. Dame, il n'est pas cossu. Nous ne sommes pas des gens de cour, la République n'est pas riche, nous nous contentons de ce qu'elle donne.

      REBEC. Oh! vous êtes un vrai patriote, vous, un bon! Ça réjouit le coeur de vous entendre parler comme ça.--Alors... vous avez rompu avec votre ci-devant famille?

      HENRI, (riant.) Ma ci-devant... Es-tu fou? ma famille est toujours ma famille.

      REBEC. Pardon! j'allais trop loin... Il y a comme ça des idées... et des intérêts qu'on ne peut pas oublier, n'est-ce pas? C'est trop juste, c'est trop juste.

      HENRI. Dis donc, toi! tu as l'air de me soumettre à un interrogatoire? Es-tu chargé de ça?

      REBEC. Oh! par exemple! moi, vous trahir? moi qui vous aime tant! moi qui vous ai vu tout petit et qui vous mettais sur mon bidet, du temps que je venais ici acheter vos laines? Étiez-vous content de taper ma bête avec vos petits talons! Et mademoiselle Louise que vous vouliez prendre en croupe... et qui avait peur!

      HENRI. Pauvre Louise! elle a bien d'autres sujets de frayeur à présent!

      REBEC. Mais... vous savez qu'elle est devenue intrépide! Elle ne quitte pas son père, c'est une des héroïnes de l'armée catholique.

      HENRI, (soupirant.) On me l'a dit.

      REBEC. Ça n'avance pas vos affaires pour le mariage?

      HENRI. Ça les met à néant, comme tu penses.

      REBEC. Ça ne vous chagrine pas plus que ça?

      HENRI, (brusquement.) Eh bien, à quoi cela m'avancerait-il, de m'en chagriner?

      REBEC. C'était pourtant un beau parti! fille unique! et vous qui n'avez rien!

      HENRI. Justement, c'est là ce qui me console un peu.

      REBEC. Ah bah?

      HENRI. Tout ça n'empêche pas que je voudrais avoir de leurs nouvelles, à mes pauvres parents. Voyons, comment ne sais-tu rien, toi qui te prétends si dévoué à la famille?

      REBEC. C'est que... on n'ose pas trop faire de questions dans ce temps de suspicion et de crainte; on risque d'avoir l'air de s'intéresser...

      HENRI. Qu'est devenue mademoiselle Hoche?

      REBEC. Partie avec ces dames.

      HENRI. Pour l'armée catholique? elle?

      REBEC. C'est comme je vous le dis.

      HENRI. Par dévouement, alors? Généreuse fille! Est-elle toujours jolie?

      REBEC. Ah! du présent je ne peux rien vous dire. Elle était plus jolie que jamais quand elle a suivi mademoiselle Louise. Savez-vous qu'à elles deux, elles auraient été la fleur du pays sans ces maudites guerres? Est-ce que vous n'étiez pas un peu amoureux de l'une et de l'autre?

      HENRI. Quelles sottes questions me fais-tu; au lieu de me donner des renseignements sérieux?

      REBEC. Dame! quand on ne sait pas! Mais il y a l'ancien homme d'affaires de votre oncle, il est resté au pays, et, si vous voulez le voir...

      HENRI. Oui! cours me le chercher... Non, n'y va pas. Je le verrai comme par hasard. Il ne faut pas le compromettre.

      REBEC. Ah! tenez, avouez, monsieur Henri, que la République est bien soupçonneuse, et qu'il est bien difficile d'oublier...--Mais qui sait? tout va si drôlement aujourd'hui!... Et, après tout, des fils de famille enrôlés malgré eux, comme vous par exemple, pourraient bien, s'ils le voulaient, ramener l'ancien temps, qui n'était pas si mauvais qu'on veut bien le dire! Hein, ai-je tort?

      HENRI. Mon ami Rebec, je vois que tu n'as pas changé.

      REBEC. Il faut bien plier sous les circonstances; mais, au fond, monsieur Henri, je suis toujours aussi bien pensant... et aussi...

      HENRI. Et