Название | Caroline de Lichtfield ou Mémoires extraits des papiers d'une famille prussienne |
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Автор произведения | Isabelle de Montolieu |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066083564 |
Caroline, en lisant cette lettre, éprouvait un mélange de sentiments confus, opposés les uns aux autres, et presque indéfinissables; d'abord la plus grande surprise de se trouver, sans s'en être doutée, une prudence aussi consommée; ensuite, cette espèce de honte d'un coeur honnête et vrai, qui reçoit une louange peu méritée; puis la joie la plus pure de se voir encore estimée et respectée, troublée cependant par le chagrin de ce pauvre baron, et l'embarras de le faire cesser sans démentir l'opinion qu'il avait d'elle. Tout cela se peignait alternativement sur sa physionomie; cependant le plaisir dominait. Il lui semblait qu'on avait soulagé son coeur d'un poids énorme. Lorsqu'elle eut fini, elle aurait voulu presser le consolant écrit contre ses lèvres; mais elle le posa sur le lit de sa maman, et saisissant une de ses mains, elle la couvrit de baisers et de larmes. La baronne reprit la lettre, la parcourut encore: elle en était tout enchantée. "Et bien! quand je vous disais que ce jeune homme ne ressemblait point aux autres, avais-je tort? J'ai vu cela tout de suite. Quelle tournure délicate il a donnée à votre silence! Et votre embarras, qu'il prend pour de la colère! est-ce qu'il y a rien de plus modeste et de plus honnête? Un de vos fats de la cour aurait bien su interpréter votre conduite à son avantage; mais ce Lindorf… En vérité, il est charmant; il faut le rassurer. Prenez une écritoire, mon enfant; mettez-vous là, et écrivez. — Moi, maman? dit Caroline en rougissant, je croyais que ce serait vous. — Vous savez bien que j'ai beaucoup de peine à écrire (elle avait en effet mal aux yeux depuis sa maladie, et sa vue s'affaiblissait tous les jours); mais c'est égal, vous écrirez en mon nom, et je vous dicterai."
Caroline obéit; mais l'encre était épaisse, la plume allait mal, le papier ne valait rien. Enfin, tout étant prêt avec assez de peine, et la chanoinesse ayant rêvé un moment, elle lui dicta ce qui suit:
MONSIEUR LE BARON,
"Votre lettre est venue fort à propos pour consoler Caroline; elle avait été toute la nuit dans le plus violent désespoir." — En vérité, maman, dit Caroline en s'arrêtant, je ne mettrai point cela; c'est contredire absolument ce qu'il pense de moi. La baronne en convint après avoir un peu contesté. Ce commencement fut déchiré; on prit un autre papier. Elle rêva encore, et dicta de nouveau:
MONSIEUR LE BARON,
"Mademoiselle de Lichtfield est dans la joie la plus vive de voir que…" — Eh! maman, dit Caroline en jetant sa plume, je vous en conjure, ne parlez ni de mon désespoir ni de ma joie. Pour cette fois, la chanoinesse se fâcha sérieusement, lui dit qu'elle n'avait qu'à faire sa lettre elle-même. Caroline commençait à croire en effet qu'elle n'en irait que mieux; et après avoir un peu rêvé à son tour, et déchiré encore trois ou quatre commencements, elle eut le bon esprit de penser que la tournure la plus simple est toujours la meilleure. Elle écrivit:
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