Название | Les Cent Jours |
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Автор произведения | Pierre Alexandre Édouard baron Fleury de Chaboulon |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066083960 |
Les nouvelles qu'il reçut du roi de Naples furent bien loin de lui inspirer la même satisfaction.
Ce prince, comme je l'ai dit précédemment, après avoir remporté plusieurs avantages assez brillans, s'était avancé jusqu'aux portes de Plaisance, et se disposait à marcher sur Milan, à travers le territoire Piémontais, lorsque lord Bentink lui fit notifier que l'Angleterre se déclarerait contre lui, s'il ne respectait point les états du roi de Sardaigne. Joachim, craignant une diversion des Anglais sur Naples, consentit à changer de direction. Les Autrichiens eurent le tems d'accourir, et Milan fut sauvé.
Sur ces entrefaites, un corps d'armée napolitain, qui avait pénétré en Toscane et chassé devant lui le général Nugent, fut surpris et forcé de se retirer précipitamment sur Florence.
Ce revers inattendu, et les renforts considérables que les Autrichiens reçurent, déterminèrent Joachim à rétrograder: il se retira pied à pied sur Ancone.
Les Anglais, neutres jusqu'alors, se déclarèrent contre lui, et s'allièrent à l'Autriche et aux Siciliens. Joachim, menacé, pressé de tous côtés, concentra ses forces. Une bataille générale fut livrée à Tolentino. Les Napolitains, animés par la présence et la valeur de leur roi, attaquèrent vivement le général Bianchi, et tout leur présageait la victoire, quand l'arrivée du général Neipperg, à la tête de troupes fraîches, changea la face des affaires. L'armée napolitaine, rompue, abandonna le champ de bataille et s'enfuit à Macerata.
Un second combat aussi malheureux eut lieu à Caprano, et la prise de cette ville, par les Autrichiens, leur ouvrit l'entrée du royaume de Naples, tandis que le corps du général Nugent, qui s'était dirigé de Florence sur Rome, pénétrait par une autre route sur le territoire napolitain.
Le bruit de la défaite et de la mort du roi, l'approche des armées autrichiennes et leurs proclamations[20], excitèrent une sédition à Naples. Les Lazzaronis, après avoir assassiné quelques Français et massacré le ministre de la police, se portèrent au Palais-Royal, dans le dessein d'égorger la reine. Cette princesse, digne du sang qui coulait dans ses veines, ne s'effraya point de leurs cris et de leurs menaces; elle leur tint tête courageusement, et les força de rentrer dans l'obéissance.
Joachim, resté debout au milieu des débris de son armée, soutenait, avec une constance héroïque, les efforts de ses ennemis; résolu de périr les armes à la main, il s'élançait sur les bataillons, et portait, dans leur sein, l'épouvante et la mort. Mais sa valeur ne pouvait qu'illustrer sa chute. Toujours repoussé, toujours invulnérable, il abandonna l'espoir de vaincre ou de se faire tuer. Il revint à Naples, dans la nuit du 19 au 20 mars; la reine parut indignée de le voir. «Madame, lui dit-il, je n'ai pas pu mourir.» Il partit aussitôt, pour ne point tomber au pouvoir des Autrichiens, et vint se réfugier en France. La reine, malgré les dangers qui menaçaient sa vie, voulut rester à Naples, jusqu'à ce que le sort de l'armée et le sien eussent été décidés. Le traité signé, elle se retira à bord d'un bâtiment anglais, et se fit conduire à Trieste.
La catastrophe du roi fit sur l'esprit superstitieux de Napoléon, la plus profonde impression; mais elle n'inspira aux Français que peu de regrets et point de crainte. Je dis point de crainte, car la nation s'était familiarisée avec l'idée de la guerre. Le patriotisme et l'énergie dont elle se sentait animée, lui inspiraient une telle confiance, qu'elle se croyait assez forte pour se passer de l'appui des Napolitains et lutter seule contre la coalition. Elle se rappelait la campagne de 1814; et si, à cette époque, Napoléon, avec soixante mille soldats, avait battu et tenu en échec les armées victorieuses de l'étranger, que ne devait-elle point espérer aujourd'hui, que l'armée, forte de trois cents mille combattans, ne serait, au besoin, que l'avant-garde de la France? Les royalistes et leurs journaux, en répétant les manifestes de Gand et de Vienne, en énumérant les armées étrangères, en exagérant nos dangers, étaient bien parvenus à amollir quelques âmes et à ébranler leurs opinions; mais les sentimens de la masse nationale n'avaient rien perdu de leur vigueur et de leur énergie. Chaque jour, de nouvelles offrandes[21] étaient déposées sur l'autel de la patrie; et chaque jour se formaient, sous le nom de lanciers, de partisans, de fédérés, de chasseurs des montagnes, de tirailleurs, de nouveaux corps de volontaires aussi nombreux que redoutables.
Les Parisiens, si souvent spectateurs paisibles des événemens, partageaient cet élan patriotique; non contens d'élever leurs retranchemens de leurs propres mains, ils sollicitèrent l'honneur de les défendre; et vingt mille hommes, composés de gardes nationaux, de fédérés des faubourgs, et de citoyens de toutes les classes, s'organisèrent en bataillons de guerre, sous la dénomination de tirailleurs de la garde nationale.
Napoléon applaudissait aux nobles efforts de la grande nation; mais malheureusement nos arsenaux avaient été spoliés en 1814; et quelle que fut l'activité de nos ateliers, il éprouvait le désespoir de ne pouvoir armer tous les bras levés pour sa défense; il lui aurait fallu six cents mille fusils, et à peine pouvait-on suffire à l'armement des troupes de ligne et des gardes nationales envoyées dans les places.
Mais pendant que Paris d'un côté contemplait ses remparts, de l'autre il voyait s'achever les préparatifs de la fête du Champ de Mai. Partout la foule abondait; et le Français, toujours le même, toujours valeureux et frivole, parcourait avec un égal plaisir les lieux où il devait se battre, et ceux où il espérait s'amuser.
L'assemblée du Champ de Mai, que plusieurs circonstances imprévues avaient retardée, eut enfin lieu le 1er juin. L'Empereur crut devoir y étaler tout le faste impérial, et il se trompa. Il allait se trouver en présence de vieux patriotes qu'il avait abusés, et il fallait éviter de réveiller leurs souvenirs et d'offusquer leurs regards.
Son costume, celui de ses frères et de sa cour, firent d'abord une impression désagréable; elle s'évanouit bientôt, pour faire place aux sensations qu'excitait cette grande réunion nationale. Quoi, en effet, de plus imposant que l'aspect d'un peuple menacé d'une guerre formidable, formant paisiblement un pacte solennel avec le souverain qu'on veut lui ravir; et s'unissant avec lui, à la vie et à la mort, pour défendre en commun l'indépendance et l'honneur de la patrie!
Un autel s'élevait au milieu de la vaste et superbe enceinte du Champ de Mars, et l'on commença la cérémonie par invoquer l'Être suprême. Les hommages rendus à Dieu, en présence de la nature, semblent inspirer à l'homme plus de religion, de confiance et de respect. Au moment de l'élévation, cette foule de citoyens, de soldats, d'officiers, de magistrats, de princes, se prosterna dans la poussière, et implora pour la France, avec une tendre et religieuse émotion, la protection tutélaire du Souverain Arbitre des peuples et des rois. L'Empereur lui-même, ordinairement si distrait, fit paraître beaucoup de recueillement. Tous les regards étaient fixés sur lui: on se rappelait ses victoires et ses revers, sa grandeur et sa chute; on s'attendrissait sur les nouveaux dangers accumulés sur sa tête; et l'on faisait des voeux, des voeux bien sincères! pour qu'il pût triompher de ses implacables ennemis.
Une députation composée de cinq cents électeurs s'avança au pied du trône, et l'un d'eux, au nom du peuple Français, lui parla en ces termes:
SIRE, le peuple Français vous avait décerné la couronne; vous
l'avez déposée sans son aveu; ses suffrages viennent de vous
imposer le devoir de la reprendre.
Un contrat nouveau s'est formé entre la nation et votre Majesté.
Rassemblés de tous les points de l'empire autour des tables de la loi, où nous venons inscrire le voeu du peuple, ce voeu, seule source légitime du pouvoir, il nous est impossible de ne pas faire retentir la voix de la France dont nous sommes les organes immédiats, de ne pas dire, en présence de l'Europe, au chef auguste de la nation, ce qu'elle attend de lui, ce qu'il doit attendre d'elle.
Nos