Название | Le dernier chevalier |
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Автор произведения | Paul Feval |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066083267 |
—Venez donc ici, ma commère! Je vois trente-six chandelles, moi! on dirait qu'ils ont fait la fin au bonhomme!
La veuve, qui était restée auprès de la porte, ne fit qu'un saut jusqu'à la muraille, pendant que ce cri s'étouffait dans sa gorge:
—M. le gouverneur assassiné! chez moi! aux Trois-Marchands! ce serait pour en perdre la tête!
Elle repoussa l'inspecteur stupéfait, qui tremblait vraiment, pour tout de bon, et regarda à son tour dans la chambre voisine.
III
L'ŒIL DE POLICE
La chose appelée œil de police par les gens du métier et aussi regard, n'est pas du tout une invention moderne On en trouve des traces assez nombreuses dans l'antiquité, où l'espionnage se pratiquait honorablement aussi bien dans les monarchies que dans les républiques. En fait d'ombrageuses défiances, pourtant, les républiques ont généralement remporté les premiers prix.
À Sparte, c'étaient de simples trous, à cause de l'austérité qui régnait dans cette patrie du vice rogue et tout hérissé de stoïque vanité. Ils y servaient surtout à surveiller les études des jeunes voleurs exercés aux frais de l'État. Les vénérables docteurs ès filouterie, lumière de l'université lacédémonienne, éprouvaient ainsi la capacité des aspirants au baccalauréat, distribuant des diplômes aux mains les mieux crochues et notant d'infamie les paresseux que la puberté avait surpris ne sachant pas encore dégonfler les poches de leurs concitoyens.
À Syracuse, au contraire, c'étaient de magnifiques palais où la science architecturale déployait toutes ses ressources pour allonger la vue des observateurs, en multipliant la puissance de leur ouïe. L'œil de Denys l'ancien, qu'il appelait son oreille, est resté illustre. Il avait la forme d'un lit. Grâce aux merveilleux efforts de la science, déjà maîtresse de l'optique et de l'acoustique, quiconque s'étendait sur ce lit entendait tout ce qu'on disait, voyait tout ce qu'on faisait dans la superbe Ortygie.
Au moyen-âge, il y avait la république de Venise dont chaque maison avait cent yeux comme Argus, et le plus grand de nos poètes nous a appris qu'à Padoue, autre république, «on marchait dans les murs.» Ceci est le comble. Rien ne peut être rêvé de plus parfait pour l'observation que ces chemins de ronde pratiqués dans l'épaisseur des murailles; aussi j'ai presque honte d'en revenir à la pauvre écumoire de Madeleine Homayras.
C'était l'enfance ou plutôt la décadence complète de l'art. Aucune république ancienne ou moderne n'aurait voulu de cette misérable installation, mise en usage dans les hôtelleries de Paris, selon Peuchet, durant les premiers troubles de la Fronde et dont M. d'Argenson avait multiplié les spécimens. Peuchet en donne la description dans ses mémoires, B. Saint-Edme aussi, et lors de la démolition du quartier sordide où les magasins du Louvre étalent maintenant leurs magnificences, tout Paris vint en procession visiter l'œil de police du cabaret-garni du Cygne de la Croix, situé rue Pierre-Lescot, derrière le Château d'eau du Palais-Royal.
Quelle que fût sa forme ou sa dimension, tout œil de police était construit d'après ce principe, qu'étant donné deux pièces contiguës, l'une sombre et l'autre éclairée, l'intérieur de la première échappe à la vue de la seconde, tandis que tout regard partant de la première est maître des moindres détails de sa voisine.
La contiguïté des deux pièces n'est même pas indispensable, quand on se sert de miroirs obliques; mais à l'ordinaire, dans les auberges, on n'y mettait point tant de façons, et l'œil de la rue Pierre-Lescot, que j'ai vu et touché, consistait tout uniment en un trou carré, masqué, du côté de la chambre obscure, par une planchette, peinte ou plutôt souillée dans le ton exact de la muraille.
Immédiatement au-dessus de la planchette du côté de la chambre éclairée, se trouvait un rayon de sapin, soutenu par deux consoles du même bois; le tout, vieux et vermoulu, encadrait et dissimulait très-suffisamment le regard à travers lequel, malgré la poussière accumulée, on voyait comme s'il n'y eût pas eu de cloison.
Il en était ainsi dans la chambre noire de la veuve Homayras. Son écumoire, placée là peut-être en d'autres temps, dans un but d'espionnage politique, ne servait plus qu'à la cueillette des nouvelles à la main; et encore fallait-il que ce bon M. Marais fût bien au dépourvu pour venir chercher ses prétentaines dans un quartier si démodé.
Son flair de limier ne l'avait pas trompé tout à fait: il y avait bien là une aventure; mais, au lieu d'une comédie à l'eau de rose, il tombait au plein d'un gros drame où il y avait des larmes et du sang.
Voici, en effet ce qu'il vit, et ce que vit Madeleine, inquiète à juste titre pour la bonne renommée de son garni:
Au milieu de la chambre voisine, éclairée par deux bougies et où brillait en outre un feu ardent qui remplissait la cheminée, se trouvait une table, couverte de papiers en désordre. Par-dessus les papiers, une carte géographique de très grandes dimensions, dessinée et coloriée à la main, était étendue. Elle couvrait presque tout le carré de la table et se déroulait jusqu'à terre, de sorte que l'un de ses angles disparaissait sous le corps d'un homme de 60 ans à peu près, tout sanglant et gisant sur le carreau entre le foyer et la table.
Elle était enluminée si violemment, cette carte, et tracée en traits si distincts, que le regard de Marais et aussi celui de la veuve allaient à elle, bon gré, mal gré, en dépit du cadavre taché de rouge qui en froissait un des coins. Et, tout en restant fascinés par le tragique spectacle inopinément offert à leurs yeux, ils étaient contraints de lire ces mots, tranchants comme si on les eût écrits avec du feu liquide: Carte des conquêtes de la France... et ce nom, qui flamboyait autour d'une tache pourpre, en forme d'étoile: Madras.
L'homme ne bougeait plus. Il était couché sur le dos, les jambes écartées, la tête renversée dans la forêt de ses cheveux touffus et grisonnants; mais, loin d'avoir la pâleur de la mort, sa figure, frappée à revers par les chauds reflets du foyer, semblait écarlate. L'immobilité suprême avait évidemment saisi ses traits dans les contractions d'une puissante colère. Ils étaient beaux, énergiques surtout, malgré les sillons convulsifs, creusés autour de la bouche par un courroux terrible ou une poignante douleur.
Auprès de lui, un couteau, tout mouillé de rouge, jouait avec la flamme de l'âtre comme un long rubis affilé que la langue du feu aurait léché. Au-delà du couteau, une main, si crûment blanche qu'on l'eût dite taillée dans l'albâtre, se tendait immobile, mais crispée et souillée d'une large maculature de sang, vers l'arme qu'elle touchait presque.
Cette main, merveilleusement belle, tenait, par un bras demi-nu et de proportions exquises, au buste gracieux d'une jeune fille, vêtue de noir et bien plus pâle que le prétendu mort. L'inspecteur et la veuve n'avaient pas de peine à la reconnaître pour celle qui était venue, tout à l'heure, demander M. Joseph. À la vérité, ils n'avaient point vu alors son visage, mais le costume et la tournure suffisaient à lever tous les doutes.
Vous vous souvenez que M. Marais, comme un poète qu'il était (tous les policiers le sont un peu), avait dit que la beauté de cette jeune fille perçait son voile. Le fait est que cette beauté éblouissait. Il y avait un rayonnement extraordinaire dans la blancheur lactée de son teint, contrastant avec la soie riche et lourde de ses admirables cheveux noirs. Le type