Название | Deux. Impair |
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Автор произведения | Federico Montuschi |
Жанр | Полицейские детективы |
Серия | |
Издательство | Полицейские детективы |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788893986472 |
Il n’avait jamais vu autant de liquide entre les mains de quelqu’un.
Mais il n’eut pas le temps de s’interroger d’avantage, car le jeune homme l’avait congédié de la meilleure façon qui soit, selon lui.
« Gardez le reste. Je vous remercie. Bon retour, bonne nuit. »
***
Dans une petite communauté comme Burgos, il n’était pas facile d’occuper le poste de détective privé, surtout pour quelqu’un comme Castillo qui avait décidé de refuser catégoriquement toute sorte d’enquête liée à d’éventuelles infidélités conjugales.
Pour cette raison, au nom de sa conscience déontologique, ou, pourrait-on dire, de son amour propre qui l’avait toujours guidé dans les moments décisifs, il n’avait trouvé ces derniers mois aucune mission, exception faite d’une enquête pour escroquerie aux dépens d’une vieille dame qui avait vu disparaître de son compte courant, en une nuit, les économies de toute une vie.
Une bagatelle, pour lui.
Il avait résolu l’affaire en moins de trois jours, grâce notamment à ses amis de San José, d’anciens collègues de la police nationale, qui, grâce à des analyses croisées sur les mouvements bancaires de la famille de la dame, avaient facilement identifié la brebis galeuse, un petit-fils au casier apparemment vierge mais connu des forces de l’ordre locales pour consommation intensive de drogues de synthèse.
Ce n’était pas la première fois que la police lui refilait des enquêtes ; comme dans le cas de la vieille dame, cela arrivait surtout lorsque le poste de San José était occupé à des opérations bien plus importantes - cette fois, il s’agissait de trafic de drogue international - ne sachant que faire de banalités de ce genre.
Dans ces circonstances, la police s’adressait à lui, comme à un sous-traitant, sachant qu’il accepterait à coup sûr.
Un mandat de consultant, avec clause de paiement ex post , une fois l’affaire résolue ; le tout sans aucune formalité, ça se passait comme ça entre personnes de confiance. Après tout, il s’agissait d’un ancien collègue : après des années de bons et loyaux services, il s’était mis à son compte, mais avait gardé des contacts importants qu’il avait créés principalement pendant les trois années au cours desquelles il avait occupé le poste de chef de la police nationale.
Avec un poste aussi important, cette période fut difficile et d'une intensité inédite : trois années de défi professionnel en tant que responsable de la police de la capitale.
Un rêve d’enfant.
Et puis, Conchita avait été renversée sur un passage piéton de San José, par un pauvre ivrogne qui cherchait dans le fond d'une bouteille une improbable consolation à son chagrin d’amour. Les docteurs avaient expliqué à Castillo que sa femme, opérée d’urgence, devrait rester au repos pendant au moins six mois.
À la lumière de cette nouvelle urgence, Castillo avait alors eu l’occasion de repenser à sa situation à froid.
Pura vida était le credo qui l’avait toujours inspiré dans les moments clé de son existence.
C’était une expression dont la simplicité n’avait d’égal que l’importance du message qu’elle transmettait.
Il s’était rendu compte, à ce moment particulier, que pura vida signifiait pouvoir travailler à cinq minutes de la maison, pouvoir être tous les jours si nécessaire, aux côtés de Conchita pendant sa difficile rééducation, pouvoir suivre de près la croissance de ses filles, qui étaient à l’époque en pleine adolescence.
Pura vida.
La décision fut prise rapidement : le policier Castillo, chef du poste de police nationale de San José, rendit son étoile argentée au responsable du bureau du personnel, accompagnée d’une lettre de démission irrévocable pour raisons familiales. Il loua un deux pièces au centre de Burgos, à côté de l’auberge Hermosa , et il accrocha à l’entrée une vieille plaque dorée récupérée dans le grenier de la maison, cadeau de Noël offert par des collègues du poste des années auparavant pour la résolution d’un cas complexe d’exploitation de mineurs pour prostitution, sur laquelle avec un poinçon d’acier, par un travail de précision, il effaça le mot « merci » et le remplaça « Insp ».
Il aurait voulu compléter son œuvre, en écrivant « Inspecteur », mais étant donné la fatigue excessive provoquée par l’incision des premières lettres, il changea d’avis.
« Insp. Castillo », disait la nouvelle plaque.
Artisanale, mais efficace.
Il se sentit renaître.
Le village de Burgos avait enfin un détective privé et lui, encore une fois, avait suivi son cœur pour une décision importante.
Pura vida.
Une fête
The walls started shaking,
The earth was quaking,
My mind was aching.
(ACDC)
Carmen se sentait excitée.
C’était un magnifique dimanche ensoleillé et elle rentrait de San José, où elle avait passé la veille son premier examen universitaire, obtenant la note maximale.
Elle s’était inscrite à la faculté de philosophie, plus pour ne pas décevoir son père que par réelle conviction, mais elle reconnaissait que les premiers mois de cours s’étaient révélés une agréable surprise.
Les matières étaient, de manière générale, intéressantes, mais les personnes qu’elle avait rencontrées constituaient la véritable raison pour laquelle elle n’avait pas regretté son choix.
Elle se rappelait souvent les mots de sa mère qui, bien que n’ayant jamais beaucoup voyagé dans sa vie, aimait répéter que ce qui fait toute la différence dans une situation ce sont les personnes, indépendamment de l’environnement.
Elle passa le trajet en autobus qui la ramenait chez elle, de San José à Burgos, à envoyer des messages à ses amies et en postant des selfies joyeux sur Facebook.
Elle descendit à l’arrêt de la gare ferroviaire de Burgos et, pour profiter au maximum du premier jour de soleil après plus de deux semaines de pluie, elle décida de rallonger le chemin qui la ramenait chez elle, en longeant tranquillement le fleuve, accompagnée par la musique douce et enveloppante de Bon Iver. L’album For Emma, forever ago lui avait été conseillé par Ronald, l’un de ses nouveaux amis de la faculté, un garçon de San José vraiment intéressant, avec lequel s’était créée une véritable complicité, dès le départ.
Qu’il s’agisse de l’album de Bon Iver ou de son nouvel ami Ronald, Carmen éprouvait les mêmes sensations intrigantes : elle en découvrait chaque jour de nouvelles nuances et tonalités, et à chaque occasion, elle trouvait différentes clés d’interprétation de la musique et de la personne, découvrant de nouvelles émotions intenses.
Les écouteurs dans les oreilles et le regard fixé sur l’écran du téléphone pour vérifier en temps réel les likes de ses amis sur ses précédents posts sur Facebook, elle s’engagea sur le chemin de terre à côté du fleuve, longeant la forêt de pins de Burgos, réputée pour son air sain.
Elle respira à pleins poumons et, pour mieux profiter de ce moment bucolique, elle décida de décrocher de son smartphone, en le rangeant tant bien que mal dans la poche arrière de son sac à bandoulière, déjà bourré de cahiers et de livres universitaires.
L’herbe humide amortissait ses pas.
Elle