Название | Tu Sens Battre Mon Coeur ? |
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Автор произведения | Andrea Calo' |
Жанр | Воспитание детей |
Серия | |
Издательство | Воспитание детей |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788835406402 |
— Et votre collègue là-dehors ?
— Ne vous inquiétez pas, il m’attendra. Je suis ici pour votre père, monsieur Brad Warren. »
Je suis restée silencieuse, immobile, attendant que l’homme continue, qu’il vide son sac. Je me suis posé mille questions, demandé si l’ogre avait encore frappé et qui avait pu être sa victime. J’ai pensé à son implication dans une bagarre. J’avais peur qu’il ne vienne me chercher, qu’il ait contacté la police, et qu’il m’ait trouvée grâce à eux, pour m’obliger à revenir à la maison.
« Qu’est-ce que mon père a fait ? » je me suis écriée, tandis que mes mains fermées en poings, couvertes d’une sueur froide, froissaient nerveusement le tissu de ma jupe.
« Il a été tué mademoiselle Warren, je suis désolée. La dynamique de la situation n’est pas encore claire, le dossier est ouvert et toutes les investigations sont en cours. Il a été touché par trois coups de feu, dont un directement à la tête, qui lui a été fatal. Les voisins ont entendu les coups, trois, rapprochés, et tirés d’une voiture en marche. Quand ils sont sortis, ils ont vu le corps de votre père au sol, dans une mare de sang. Il était inanimé mais en vie. Il est mort peu après, pendant le trajet vers l’hôpital. On dirait une exécution, un règlement de comptes. »
Je n’ai rien répondu, étrangement calme, presque relax. Je n’ai trahi aucune émotion. Mes yeux fixaient ses jambes, sans les voir, la sueur froide avait disparu, mes mains s’étaient ouvertes, libérant enfin le tissu de ma jupe, mon cœur battait de nouveau normalement. Je me sentais bien, terriblement bien. Je m’en suis voulue de ce sentiment de pure méchanceté, je m’en suis voulue aussi de m’en vouloir de cette sensation exprimée naturellement.
« Vous vous sentez bien mademoiselle ? »
J’ai acquiescé, tout allait très bien.
« Il était saoul ?
— Non. Il ne l’était pas, le niveau d’alcool dans son sang était dans les normes. »
Je l’ai regardé droit dans les yeux, je n’arrivais pas à croire à cette fin de conte de fées, où tous les méchants deviennent soudain gentils et vivent heureux jusqu’à la fin de leurs jours. Ou mon père avait-il vraiment changé après ma disparition ?
« Votre père buvait ? Il se saoulait souvent ?
Mentir ! Nier la souffrance incrustée dans mon âme par le fer rouge du mensonge ! Impératif !
« C’est arrivé, comme ça peut arriver à tout le monde, même dans les meilleures familles.
— Quel rapport aviez-vous avec votre père ? »
Moments d’insécurité palpable, recherche de mots faux et donc absents. Recherche d’une vérité qui ne m’appartenait pas. Désir de mettre pour toujours le mot “fin” sur tout. C’était l’occasion, celle que j’attendais.
« Un rapport normal, comme n’importe quel rapport entre un père ex-militaire et une jeune fille.
— Votre père était très strict avec vous ? »
Je n’ai pas répondu, j’ai hésité. Je l’ai regardé un instant, l’affrontant, puis cédé et éloigné de nouveau mon regard de lui.
« Il vous a fait du mal ? Vous avez frappé ? »
Mentir, encore une fois ! Persévérer dans la honte pour sauver la face !
« Non…
— Non ? Vous êtes sûre ?
— Oui, j’en suis sûre monsieur l’agent…
— Bien. Depuis combien de temps avez-vous quitté la maison de votre père ?
— Cinq ans.
— Depuis 1995 donc, répéta-t-il en prenant note sur son calepin. Je peux vous demander pourquoi ?
— Pour faire ma vie, monsieur l’agent ! J’avais déjà vingt-six ans, je n’avais pas de maison, une famille à moi, un travail ! Je voulais mon indépendance, mon autonomie. J’en avais assez d’être entretenue et de devoir implorer les gens pour avoir quelque chose pour moi, pour mes défauts et pour tout le reste. »
L’agent notait, impassible et sans me regarder, comme un journaliste durant une interview avec le champion de baseball du moment. Son attitude de normalité et de suffisance, cette obligation d’interroger les gens qu’il arrivait à mener à bien sans problèmes me dérangeaient terriblement,
« Avant de quitter votre ancienne maison, ou dans les années qui ont suivi, vous êtes restée en contact avec lui ?
— Non, ai-je répondu. Mais je l’ai regretté et ai corrigé. Ou plutôt si, mais rarement.
— Vous ne ressentiez pas le désir de vous voir, de vous parler, de vous raconter vos journées ?
— Vous êtes agent ou psychologue ? » je me suis exclamée. Mon seuil de tolérance avait été largement dépassé depuis un moment, et un fleuve plus large que ses berges ne peut contenir son eau et la faire se mouvoir le long de son parcours sans la répandre partout et semer mort et destruction.
« Les deux en effet. Je vous en prie Melanie, répondez à mes questions. Elles nous aideront à fermer le dossier. Je compte sur votre collaboration même si je me rends bien compte du moment difficile que vous traversez. »
Il n’avait vraiment rien compris. Mais je me suis résignée comme toujours et ai répondu à ses questions, avec détachement, comme si elles n’avaient vraiment aucune importance.
« Du jour où j’ai quitté la maison, je n’ai plus rien eu à partager avec mon père. J’ai pris ma vie et mes affaires en main, et je suis partie. J’ai trouvé ce petit appartement où je vis aujourd’hui et un travail comme infirmière dans un hôpital. J’ai commencé à être autonome, tout semblait aller bien. Mon père, de son côté, pouvait reprendre son existence, sans avoir sa fille à entretenir dans les pieds. Nous n’avions pas vraiment de contact quand je vivais encore avec lui, nous ne nous sommes jamais disputés. Pour quelle raison l’aurait-on fait après mon départ ?
— Je comprends. Avant de partir, auriez-vous remarqué quelque chose qui n’allait pas chez votre père ou qui indiquerait qu’il avait des problèmes avec quelque chose ou quelqu’un ?
— Non, pas que je sache monsieur l’agent. Non.
— Merci Melanie. J’aurais une question sur votre mère, si ça ne vous ennuie pas. »
Et comment que ça m’ennuyait ! Je ne voulais pas encore déranger ma mère, elle l’avait déjà été trop longtemps de son vivant. Je craignais les questions qu’il allait poser mais ai accepté de me soumettre à l’interrogatoire.
« Votre mère Jane s’est tuée en 1951. Selon les archives, c’est vous qui avez retrouvé son corps sans vie au retour de l’université. Vous confirmez ?
— Oui. Ma mère m’avait confié le jeu de clés de la maison pour la première fois ce matin-là.
— Donc, il est clair que votre mère avait prémédité son acte, elle ne l’a pas fait sur l’impulsion du moment.
— Si, je crois que si… »
Mauvaise réponse Melanie !
« Oui. Vous pourriez me parler de votre rapport avec votre mère, et de celui entre votre mère et votre père s’il vous plaît ? »
Échec au roi. La reine était mangée. Je ne respirais plus. J’ai essayé de m’enfermer dans ma coquille, cherchant le moyen le plus rapide d’y entrer. Mais la coquille était restée ouverte et l’homme me voyait, me suivait, m’attrapait et me tirait dehors. Chaque fois. Je n’avais pas d’échappatoire. Mentir,