Название | Meurtre au Manoir |
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Автор произведения | Фиона Грейс |
Жанр | Зарубежные детективы |
Серия | |
Издательство | Зарубежные детективы |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9781094305288 |
Le bruit se fit de nouveau entendre. Il ne provenait pas des canalisations, c'était quelque chose d'autre, vraisemblablement animal.
Lacey regarda l'heure sur son portable, cinq heures. Elle se leva en soupirant, fourbue, les effets du décalage horaire se faisaient sentir. Les jambes lourdes, elle se dirigea pieds nus vers le balcon et ouvrit les rideaux. La falaise donnait sur la mer à perte de vue, un ciel clair et sans nuage virait au bleu. Aucun animal sur la pelouse, le bruit reprit, Lacey en déduisit que cela provenait de l'arrière de la maison.
Lacey enfila le peignoir acheté à l'aéroport in extremis et descendit l'escalier grinçant afin d'en avoir le cœur net. Elle se dirigea droit dans la cuisine donnant sur l'arrière de la maison, les grandes baies vitrées et portes fenêtres offraient une vue imprenable sur la pelouse. Lacey tenait sa réponse.
Un troupeau de moutons avait envahi le jardin.
Lacey cligna des yeux. Il devait y en avoir une quinzaine ! Vingt. Peut-être plus !
Elle se frotta les yeux et les rouvrit aussitôt mais les moutons étaient toujours là, broutant l’herbe. L’un d'eux leva la tête.
Lacey le regarda fixement, le mouton finit par se détourner et poussa un long bêlement morne et sonore.
Lacey éclata de rire. Quoi de mieux pour débuter sa nouvelle vie, sans David Doyle. Sa présence à Wilfordshire était peut-être une évidence, et non de simples vacances, elle se redécouvrait, à moins qu'elle soit devenue une autre, une inconnue. Une sensation bizarre avait élu domicile dans son estomac, un peu comme du champagne (à moins que ce soit le décalage horaire – elle avait bien dormi). Elle ne voyait pas l'heure de démarrer la journée.
Lacey était enthousiaste. Hier encore, elle était réveillée par la circulation new-yorkaise ; aujourd’hui, les bêlements s'en étaient chargés. Adieu odeurs de lessive et produits ménagers ; bonjour poussière et océan. Elle avait repris ses anciennes habitudes. Fraîchement célibataire, elle était la reine du monde. Explorer ! Découvrir ! Apprendre ! L'enthousiasme la submergeait, comme … avant le départ de son père.
Lacey refoula ses idées noires. Rien ne viendrait ternir ce bonheur tout neuf. Du moins, pas aujourd'hui. Aujourd'hui, elle était une autre. Elle était libre.
Bien que criant famine, Lacey essaya de se doucher dans la baignoire. Elle se mouilla à l'aide de l'étrange tuyau relié aux robinets, comme on l'aurait fait d'un chien boueux. L'eau passait du chaud au froid sans prévenir, les canalisations faisaient clang-clang-clang. L'eau douce enveloppait son corps d'une caresse semblable au plus raffiné des laits corporels, rien à voir comparé à la dureté de l'eau de New York. Lacey savourait cet instant mais l’eau devint soudainement froide, elle claquait des dents.
Débarrassée de la fatigue du voyage et de la pollution urbaine – sa peau était éclatante – elle se sécha et enfila la tenue achetée à l’aéroport. Lacey jugea de son apparence sur le grand miroir qui figurait à l'intérieur de la robuste armoire baptisée Narnia. C'était moche.
Lacey détestait. Elle avait acheté ces vêtements d'été à l’aéroport, les croyant appropriés pour ses vacances balnéaires. Sa tenue soi-disant décontractée lui faisait l'effet de sortir droit d'une friperie. Le pantalon beige était un peu trop serré, la chemise en mousseline blanche trop ample, les chaussures bateau n'étaient pas adaptées aux pavés, pire encore qu'en talons hauts ! Primo : investir dans des vêtements décents.
Son estomac se rappela à son bon souvenir.
Secondo, pensa-t-elle en tapotant son ventre.
Elle descendit au rez-de-chaussée. Ses cheveux mouillés gouttaient dans son dos et sur le sol de la cuisine, elle aperçut par la fenêtre quelques moutons çà et là dans le jardin. Lacey ouvrit les placards et le réfrigérateur, vides. Il était encore trop tôt pour descendre acheter des viennoiseries toutes chaudes dans la rue principale. Elle devait tuer le temps.
“Tuer le temps !” s'exclama Lacey, toute contente.
Ça remontait à quand, la dernière fois ? Quand s'était-elle payé le luxe de prendre du temps ? David optimisait toujours le peu de temps libre dont ils disposaient. Gym. Brunch. Déjeuners en famille. Boire un verre. Le moindre temps “libre” était planifié. Lacey eut soudain une révélation : le simple fait d’organiser son temps libre équivalait à renier sa liberté ! En laissant David planifier et diriger leur temps libre, elle s'était retrouvée prise au piège d’obligations diverses et variées. Cet éclair de lucidité revêtait une dimension presque bouddhiste.
Le Dalaï-lama serait fier de moi, songea Lacey, en battant des mains.
Les moutons choisirent ce moment pour bêler. Lacey userait de sa liberté fraîchement acquise pour jouer au détective amateur et découvrir d'où venait ce troupeau de moutons.
Elle ouvrit les portes fenêtres et pénétra dans le patio. Une agréable brume matinale baignait son visage tandis qu’elle cheminait dans le jardin en direction des deux bêtes laineuses occupés à brouter. Ils détalèrent d'une démarche pataude en la voyant arriver avant de disparaître par un trou dans la haie.
Lacey s'approcha et regarda entre les arbustes, pour découvrir un jardin débordant de fleurs magnifiques ; elle avait donc un voisin. À New York, ses voisins étaient distants. Des couples qui travaillaient comme David et elle, partaient à l'aube et rentraient à la nuit tombée. A en juger par son jardin magnifiquement entretenu, ce voisin avait une vie rêvée. Et des moutons ! Personne ne possédait d'animal de compagnie dans le quartier de Lacey – les carriéristes n’avaient pas de temps à perdre derrière des animaux, ni envie de s’encombrer de tous ces poils et odeurs campagnardes. Vivre au contact de la nature, quel bonheur ! L'odeur du crottin offrait un contraste plaisant avec son immeuble new-yorkais aseptisé.
Lacey remarqua en se redressant que l’herbe était piétinée par endroits, laissant apparaître un sentier fréquemment emprunté qui longeait les arbustes en direction de la falaise et menait à un petit portail presque entièrement recouvert de plantes, qu'elle décida d'ouvrir.
Une volée de marches creusées à flanc de falaise menait à la plage. On se serait cru dans un conte de fées, Lacey entama prudemment la descente.
Ivan ne lui avait pas indiqué cet accès direct à la plage, elle sentirait bientôt le sable entre ses orteils. Et dire qu'à New York, elle était toute fière de ses deux minutes de marche quotidienne pour rejoindre le métro.
Lacey descendit les marches de guingois, les escaliers s'arrêtant à quelques mètres de la plage, elle sauta. Le sable souple amortit sa réception, malgré ses chaussures bon marché.
Lacey inspira à pleins poumons, libre et insouciante. La plage était déserte. Vierge. Trop éloignée de la ville et des commerces pour que les gens s'y aventurent. Une petite plage privée rien qu'à elle.
Vers la ville, la jetée gagnait sur l'océan. Elle se souvint tout à coup des jeux d’arcade à la fête foraine, son père leur avait donné deux livres pour jouer. Lacey se rappelait, tout excitée, d'un cinéma sur la jetée, une salle minuscule d'à peine huit places qui n'avait guère changé depuis sa construction, avec des fauteuils en velours rouge. Papa les avait emmenées avec Naomi voir un dessin animé japonais. Les souvenirs de son voyage à Wilfordshire se bousculaient. La mémoire lui reviendrait-elle ?
A marée basse, la structure de la jetée était presque entièrement visible. Lacey aperçut des promeneurs avec leur chien et des joggeurs. La ville se réveillait lentement, le café serait peut-être ouvert. Elle décida de longer le sentier littoral pour rejoindre la ville.
La falaise cédait du terrain à la ville, des routes et rues firent bientôt leur apparition. Un autre souvenir frappa Lacey à la seconde où elle foula