Название | Jane Austen: Oeuvres Majeures |
---|---|
Автор произведения | Джейн ОÑтин |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9788027302383 |
— Quelque fois, continua Lucy, je pense qu’il vaudrait mieux pour tous deux rompre entièrement ; mais je n’en ai pas le courage. Je ne puis supporter la pensée de le rendre si malheureux et je sais que cette idée seule aurait cet effet ; d’ailleurs il m’est si cher à moi-même ! Je ne crois pas que cela me soit possible… Quelle est là-dessus votre pensée, mademoiselle Dashwood ? qu’est-ce que vous feriez à ma place ? Et toujours ce regard perçant était attaché sur elle.
— Pardonnez-moi de grâce, répondit Elinor ; il m’est impossible de vous donner de conseils dans de telles circonstances. Votre propre jugement doit vous diriger.
— Il est sûr, dit Lucy, après quelques minutes, que sa mère ne l’abandonnera jamais entièrement. Elle est si riche que même en diminuant sa fortune de moitié, il lui resterait encore de quoi vivre, et pourvu que je vive avec lui, le plus ou le moins m’est bien égal. Mais le pauvre Edward se désole de ce que rien ne se décide ; ne l’avez-vous pas trouvé bien triste quand il est venu ici ? Il était si abattu, si malheureux quand il me quitta à Longstaple, que je tremblais que vous ne le crussiez très-malade.
— Venait-il de chez votre oncle quand il nous a fait visite ?
— Oh oui, sans doute ! Il a passé quinze jours avec nous ; avez vous cru qu’il venait de la ville ?
— Non, répliqua Elinor, toujours plus frappée des preuves de la véracité de Lucy ; je me souviens qu’il nous a dit qu’il avait passé quinze jours avec des amis près de Plymouth ; elle se rappela aussi sa propre surprise dans le temps, de ce qu’il ne parlait plus de ses amis, et semblait même éviter de prononcer leur nom.
— Avez-vous remarqué son abattement, dit Lucy ?
— Oui en vérité, principalement à son arrivée.
— Je l’avais supplié cependant de surmonter sa douleur, de peur de vous donner des soupçons ; mais il était si triste de ne pouvoir passer plus de quinze jours avec nous, et il me voyait si affectée ! Pauvre Edward ! Je crains qu’il ne soit encore dans le même état. Ses lettres sont tout-à-fait mélancoliques ; j’en ai reçu une de lui la veille de mon départ d’Exeter : Elle la tira d’un porte-feuille, et négligemment laissa voir l’adresse à Elinor. Vous connaissez sûrement sa main, lui dit elle ; son écriture est charmante, mais elle n’est pas aussi soignée qu’à l’ordinaire. Il était fatigué, car le papier est complètement rempli. Elinor vit que c’était bien de la main d’Edward, et ne put plus conserver de doutes. Le portrait pouvait avoir été obtenu par quelque hasard ; mais une correspondance suivie était une preuve positive de leur attachement. Aucune autre raison ne pouvait l’autoriser. Pendant quelques momens elle fut sûr le point de se trahir ; son cœur battait avec violence, elle pouvait à peine marcher. Mais elle combattit avec tant de force contre son sentiment, que le succès fut prompt et complet, et que même le regard perçant de sa compagne, ne put pénétrer dans son intérieur.
— Nous écrire continuellement l’un à l’autre, dit Lucy en renfermant sa lettre, est le seul moyen, de nous consoler dans nos longues séparations. Moi cependant j’en ai un autre dans son portrait ; mais le pauvre Edward en est privé. Il dit que s’il avait le mien il serait moins malheureux. Je lui ai du moins donné dernièrement une boucle de mes cheveux renfermée dans le cristal d’une bague : c’est un dédommagement ; mais non pas tel qu’un portrait. N’avez-vous fait aucune attention à cet anneau ? Le portait-il à Barton ?
— Oui, dit Elinor d’une voix ferme avec laquelle elle cherchait à cacher une émotion et une souffrance telles qu’elle n’en avait point encore éprouvée. Elle était à-la-fois désolée, blessée, mortifiée, confondue ; elle éprouvait tout ce qu’il y a de plus cruel et de plus déchirant.
Heureusement elles arrivèrent à la Chaumière ; et la conversation finit. Après s’être reposée quelques minutes, mademoiselle Stéeles retourna au Parc ; et la malheureuse Elinor fut en liberté de se livrer à ses tristes réflexions.
CHAPITRE XXIII.
Quelque peu de confiance qu’eût en général Elinor dans la véracité de Lucy, il lui était impossible de la suspecter dans cette occasion, ni de comprendre quel motif aurait pu l’engager d’inventer cette histoire. Il y avait non-seulement des probabilités, mais des preuves ; et rien ne contredisait Lucy, excepté son propre désir. Leur liaison presqu’au sortir de l’enfance dans la maison de M. Pratt ; et la visite d’Edward près de Plymouth ; et sa mélancolie, et l’inégalité de sa conduite avec Elinor ; et la grande connaissance que mesdemoiselles Stéeles avaient de Norland, et de toutes les relations de la famille Dashwood, ce qui l’avait souvent surprise ; et le portrait, et la lettre, et l’anneau : tout cela lui fournissait des preuves si convaincantes, que sa raison ne pouvait se refuser à la croire. Au premier moment, lorsqu’elle fut forcée d’admettre la parfaite vérité de tout ce que Lucy venait de lui dire, son ressentiment contre Edward, son indignation d’avoir été trompée l’emportèrent même sur sa douleur. Mais bientôt d’autres idées, d’autres considérations s’élevèrent. Edward avait-il eu l’intention de la tromper ? avait-il feint avec elle un sentiment qu’il n’avait pas ? Son cœur était-il de moitié dans ses engagemens avec Lucy ? Non ; et s’ils ont été une fois dictés par un amour de jeunesse, elle ne peut croire que cet amour existe encore à présent. elle a trop bien vu que c’était elle qu’il aimait pour n’en être pas convaincue. Un homme peut tromper avec de fausses paroles ; Edward n’a pas prononcé le mot d’amour à Elinor ; mais tout chez lui l’a prouvé, et son trouble, et ses regards, et le son tremblant de sa voix, et ses attentions si soutenues. Non, ce n’est point une erreur ; ni son cœur ni son amour-propre ne l’ont égarée. Sa mère, ses sœurs, Fanny, tout ce qui l’entourait à Norland s’en est aperçu. Certainement elle est aimée ; et cette persuasion console son cœur, calme ses peines et la dispose à pardonner. Il était blâmable cependant, hautement blâmable d’être resté à Norland lorsqu’il sentit qu’il l’aimait plus qu’il ne devait l’aimer. À cet égard elle ne pouvait le justifier ; mais s’il lui avait fait du mal par cette imprudence, combien ne s’en était-il pas fait davantage à lui-même ! La situation d’Elinor était triste sans doute, mais celle d’Edward était sans espoir. Elle était bien malheureuse dans ce moment, mais la raison guérirait peut-être la plaie de son cœur ; tandis qu’Edward en détachant le sien de la femme à qui il était engagé, s’était privé lui-même de tout espoir de bonheur. Elle retrouverait sa tranquillité, mais lui serait pour la vie livré à l’infortune. Pouvait-il espérer d’être heureux avec une femme telle que Lucy Stéeles ? À présent que le bandeau de l’amour était levé, même en mettant son inclination pour Elinor hors de la question, pouvait-il avec sa loyauté, sa délicatesse, son esprit cultivé être heureux avec une compagne ignorante, artificieuse, sans éducation, vaine, flatteuse, intéressée ? À dis-huit et dix-neuf ans il est si facile à un homme d’être entraîné par la beauté, par les prévenances d’une jeune fille qui peut-être cherchait à l’attirer, et d’être aveuglé sur ses défauts. Mais les quatre années suivantes, pendant lesquelles il avait acquis chaque jour plus de connaissances, plus d’expérience, une raison plus éclairée, devaient avoir ouvert ses yeux sur les vices de caractère de cette jeune personne, augmentés sans doute par la pauvre société où elle avait vécu, par un goût vif de plaisir et de frivolité, qui peut-être lui avait ôté cette simplicité de la première jeunesse, qui donne un caractère si intéressant à une jolie figure. Si, comme Elinor devait le croire d’après les insinuations de sa belle-sœur, il y avait des difficultés du côté de la mère d’Edward pour l’épouser, combien en trouverait-il davantage lorsqu’il serait question d’une personne qui lui est aussi inférieure en naissance, en bonne éducation, et probablement