Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Название Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор произведения Джейн Остин
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 9788027302383



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pas à cheval jusqu’en ville, dit sir Georges ?

      — Non : seulement jusqu’à la première poste.

      — Eh bien ! je vous souhaite un bon voyage, entêté que vous êtes ; allons un effort de complaisance ; renvoyez ce cheval.

      — Je vous jure que cela n’est pas en mon pouvoir.

      Il prit congé de toute la compagnie, qui lui rendit son salut avec humeur, à l’exception d’Elinor qui n’avait pas dit un mot pour le retenir, et qui le salua avec affection. — N’y a-t-il aucune chance, mademoiselle Elinor, lui dit-il, de vous voir à Londres cet hiver avec votre sœur ?

      — Je crains qu’il n’y en ait point.

      — Je vous dis donc adieu pour plus long-temps que je ne voudrais, dit-il avec émotion. Il lui prit la main qu’il serra doucement, et fit un simple salut à Maria. Madame Jennings voulait encore le retenir pour lui faire dire son secret ; mais il lui souhaita le bonjour, et quitta la chambre avec sir Georges.

      Les plaintes, les regrets, les lamentations, les reproches, les sarcasmes, les conjectures, que la politesse avaient retenus, éclatèrent à la fois dès qu’ils furent sortis, lorsque madame Jennings fit taire tout le monde en disant : Je crois que j’ai deviné l’importante affaire qui nous a tous rendus si malheureux.

      — Quoi donc ? chère dame, qu’est-ce que vous croyez ? dites-vite, s’écria chacun.

      — Je suis sûre que c’est pour miss Williams.

      — Et qui est miss Williams, demanda Maria ?

      — Quoi ! vous ne connaissez pas miss Williams ! vous en avez au moins entendu parler ?

      — Pas du tout, je vous jure.

      — Eh bien ! miss Williams, dit-elle avec un sourire fin, est une proche parente du colonel, très proche en vérité ; je ne veux pas dire en toute lettre à quel degré pour ne pas blesser les oreilles des jeunes dames ; et baissant un peu la voix, elle dit à Elinor : c’est sa fille naturelle.

      — Vraiment ! vous me surprenez.

      — Oui, comme je vous le dis, et le colonel l’aime comme ses yeux ; je suis sûre qu’il lui laissera toute sa fortune.

      Sir Georges rentra, et se joignit de grand cœur au regret général ; mais il finit par observer que puisqu’on était rassemblé, il fallait au moins faire tous ensemble quelque chose qui serait peut-être aussi divertissant. Après quelques consultations, on convint qu’on irait courir de côté et d’autre, suivant sa fantaisie, pendant quelques heures, puis qu’on reviendrait dîner au Parc. Lady Middleton trouva que c’était beaucoup plus convenable que de dîner en plein air. Elinor fut du même avis par d’autres motifs. Les voitures furent ordonnées ; l’élégant caricle de Willoughby fut prêt le premier. On comprend qu’il devait conduire Maria, et jamais celle-ci n’avait paru plus heureuse qu’en se plaçant à côté de lui ; et vraiment c’était le plus beau couple qu’il fût possible de voir. Ils partirent comme l’éclair et furent bientôt hors de vue, et on n’entendit plus parler d’eux jusqu’au retour général. Ils étaient partis les premiers, ils revinrent les derniers. Tous deux paraissaient enchantés de leur promenade dont ils ne donnèrent aucun détail ; ils dirent seulement que pour rouler plus vite, ils étaient restés dans la plaine. Les autres, pour jouir de la vue, s’étaient promenés sur les hauteurs.

      Sir Georges avait décidé que pour se consoler du départ du colonel, on s’amuserait toute la journée, et qu’on danserait après dîner. Il y avait, outre la compagnie ordinaire, toute la nombreuse famille Carey de Nerrton. On était vingt personnes à table, ce que sir Georges remarqua avec grand plaisir. Willoughby prit sa place accoutumée entre Elinor et Maria. Il n’y avait pas long-temps qu’ils étaient assis, lorsque madame Jennings se penchant entre Elinor et Willoughby, prit le bras de Maria, et lui dit, assez haut pour être entendue de tous deux : Je sais où vous êtes allés ce matin, miss Maria ; je l’ai découvert malgré tous vos beaux mystères. Maria rougit et dit vivement : Où donc, Madame ?

      — Ne saviez-vous pas, dit Willoughby, que nous nous étions promenés dans mon caricle ?

      — Oui, oui, Monsieur, je le savais bien, mais j’étais decidée de savoir aussi où ce caricle vous avait menés, et je le sais. J’espère, miss Maria, que votre future maison est de votre goût ? Elle est à mon gré une des plus grandes et des plus belles que je connaisse, et quand je viendrai vous voir, j’espère que je la trouverai bien arrangée et meublée de neuf. Les meubles actuels sont trop antiques, n’est-ce pas ? c’est la seule chose à quoi j’aie trouvé à redire quand j’y fus il y a six ans, et vous ne les aurez pas trouvés en meilleur état ce matin.

      Maria se détourna en grande confusion. Madame Jennings rit aux éclats, et conta ensuite à Elinor qu’elle avait chargé sa femme-de-chambre Betty, adroite autant que gentille, de savoir du jockey de M. Willoughby où son maître avait conduit miss Dashwood, et qu’ainsi elle avait appris positivement qu’il l’avait menée au château d’Altenham, et qu’ils avaient passé toute la matinée à se promener dans la maison et dans les jardins.

      Elinor pouvait à peine le croire ; il lui semblait également inouï à M. Willoughby de l’avoir proposé et à Maria d’avoir consenti d’aller dans la maison où vivait une femme respectable, qu’elle ne connaissait point, et chez qui elle ne pouvait être admise.

      Aussitôt qu’on fut sorti de table, elle prit sa sœur à part et le lui demanda, et à sa grande surprise, elle trouva que tout ce que madame Jennings avait dit était exactement vrai. Maria était tout-à-fait revenue de son premier moment de trouble, et se fâcha presque de ce que sa sœur en doutait.

      — Qu’est-ce qui vous étonne donc, Elinor, lui dit-elle ? pourquoi serais-je pas allée voir Altenham, puisque j’en avais une si bonne occasion ? ne vous ai-je pas entendue dire vous-même que vous en auriez grande envie ? — Oui, Maria, mais j’aurais attendu que madame Smith n’y fût plus ou voulût m’y recevoir, et je n’y serais surtout pas allée seule avec M. Willoughby.

      — M. Willoughby est cependant la seule personne qui ait quelque droit de m’y introduire, et qui puisse me montrer en détail la maison et les jardins. Son caricle ne contient que deux places, et je ne pouvais avoir personne avec moi. Je vous assure, Elinor, que dans toute ma vie je n’ai passé une plus délicieuse matinée.

      — Il est fâcheux, reprit doucement Elinor, que le plaisir et la convenance n’aillent pas toujours ensemble.

      — Au contraire, Elinor, cela vaut beaucoup mieux, et ce que vous dites est la plus forte preuve en ma faveur. Si j’avais blessé le moins du monde les convenances ou la décence, j’en aurais eu le sentiment : vous m’accorderez j’espère qu’on sent toujours quelque chose de pénible quand on fait ce qui n’est pas bien, et avec cette conviction je vous assure que je n’aurais eu nul plaisir.

      — Mais, ma chère Maria, dit Elinor avec une extrême tendresse, ne pensez-vous pas aussi qu’un sentiment plus vif encore peut aveugler ? vous vous êtes déjà trop exposée peut-être à de malicieuses remarques ; ne commencez-vous pas à vous douter que vous y avez peut-être donné lieu, et votre promenade peut les augmenter ? Madame Jennings……

      — Madame Jennings et ses sottes railleries, interrompit Maria, me sont très-indifférentes ; tout le monde, et vous-même Elinor, vous y êtes sans cesse exposés ; je n’attache pas plus de prix à sa censure qu’à son approbation. Je n’ai point du tout le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal en me promenant dans les jardins de madame Smith, ou en voyant sa maison ; elle doit un jour appartenir à M. Willoughby, et…

      — Lors même qu’elle devrait aussi vous appartenir, dit Elinor, cela ne justifie point ce que vous avez fait.

      Maria rougit beaucoup, mais plutôt de plaisir que de peine, et après quelques minutes de silence elle passa un bras autour de sa sœur, et lui dit avec son charmant sourire : peut-être, Elinor, ai-je fait une étourderie en allant à Altenham, pardonnez-la