Le parfum de la Dame en noir. Гастон Леру

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Название Le parfum de la Dame en noir
Автор произведения Гастон Леру
Жанр Классические детективы
Серия
Издательство Классические детективы
Год выпуска 0
isbn



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si la pièce n'avait été si petite. De toute évidence, il n'était point là. Qu'est-ce que cela signifiait? Mathilde l'avait déjà réclamé deux fois et M. Robert Darzac me pria de l'aller chercher, ce que je fis; mais je rentrai dans la sacristie sans lui; je ne l'avais pas trouvé.

      «Voilà qui est bizarre, fit M. Darzac, et tout à fait inexplicable. Êtes-vous bien sûr d'avoir regardé partout? Il sera dans quelque coin, à rêver.

      – Je l'ai cherché partout et je l'ai appelé», répliquai-je.

      Mais M. Darzac ne s'en tint point à ce que je lui disais. Il voulut faire lui-même le tour de l'église. Tout de même, il fut plus heureux que moi, car il apprit d'un mendiant qui se tenait sous le porche avec sa timbale qu'un jeune homme qui ne pouvait être, en effet, que Rouletabille était sorti de l'église quelques minutes auparavant et s'était éloigné dans un fiacre. Quand il rapporta cette nouvelle à sa femme, celle-ci en parut peinée au- delà de toute expression. Elle m'appela et me dit:

      «Mon cher Monsieur Sainclair, vous savez que nous prenons le train dans deux heures à la gare de Lyon; cherchez-moi notre petit ami et amenez-le moi, et dites-lui que sa conduite inexplicable m'inquiète beaucoup…

      – Comptez sur moi», fis-je…

      Et je me mis à la chasse de Rouletabille sur-le-champ. Mais je revins bredouille à la gare de Lyon. Ni chez lui, ni au journal, ni au café du Barreau où les nécessités de son métier le forçaient souvent de se trouver à cette heure du jour, je ne pus mettre la main sur lui. Aucun de ses camarades ne put me dire où j'aurais quelque chance de le rencontrer. Je vous laisse à penser combien tristement je fus accueilli sur le quai de la gare. M. Darzac était navré; mais, comme il avait à s'occuper de l'installation des voyageurs, car le professeur Stangerson, qui se rendait à Menton, chez les Rance, accompagnait les nouveaux mariés jusqu'à Dijon, cependant que ceux-ci continuaient leur voyage par Culoz et le Mont-Cenis, il me pria d'annoncer cette mauvaise nouvelle à sa femme. Je fis la triste commission en ajoutant que Rouletabille viendrait sans doute avant le départ du train. Aux premiers mots que je lui dis de cela, Mathilde se prit à pleurer doucement, et elle secoua la tête:

      «Non! Non!… c'est fini!… Il ne viendra plus!…»

      Et elle monta dans son wagon…

      C'est alors que l'insupportable Brignolles, voyant l'émoi de la nouvelle mariée, ne put s'empêcher de répéter encore à maître André Hesse, qui, du reste, le fit taire fort malhonnêtement, comme il le méritait: «Regardez donc! Regardez donc!… je vous dis qu'elle a encore ses yeux de folle!… Ah! Robert a eu tort… il aurait mieux fait d'attendre!» Je vois encore Brignolles disant cela, et je me rappelle le sentiment d'horreur que, dans le moment même, il m'inspira. Il ne faisait point de doute pour moi depuis longtemps que ce Brignolles était un méchant homme, et surtout un jaloux, et qu'il ne pardonnait point à son parent le service que celui-ci lui avait rendu en le casant dans un poste tout à fait subalterne. Il avait la mine jaune et les traits longs, tirés de haut en bas. Tout en lui paraissait amertume, et tout en lui était long. Il avait une longue taille, de longs bras, de longues jambes et une longue tête. Cependant à cette règle de longueur, il fallait faire une exception pour les pieds et pour les mains. Il avait les extrémités petites et presque élégantes. Ayant été si brusquement morigéné pour ses méchants propos par le jeune avocat, Brignolles en conçut une immédiate rancune et quitta la gare après avoir présenté ses civilités aux époux. Du moins je crus qu'il quitta la gare, car je ne le vis plus.

      Nous avions encore trois minutes avant le départ du train. Nous espérions encore en l'arrivée de Rouletabille, et nous examinions tous le quai, pensant voir enfin surgir dans la troupe hâtive des voyageurs en retard la figure sympathique de notre jeune ami. Comment se faisait-il qu'il n'apparût point, selon sa coutume et sa manière, bousculant tout et tous, ne se préoccupant point des protestations et des cris qui signalaient ordinairement son passage dans une foule où il se montrait toujours plus pressé que les autres? Que faisait-il?… Déjà on fermait les portières; on en entendait le claquement brutal… Et puis ce furent les brèves invitations des employés… «En voiture! Messieurs!… en voiture!…» quelques galopades dernières… le coup de sifflet aigu qui commandait le départ… puis la clameur enrouée de la locomotive, et le convoi se mit en marche… Mais pas de Rouletabille!… Nous en étions si tristes et, aussi, tellement étonnés, que nous restions sur le quai à regarder Mme Darzac sans penser à lui faire entendre nos souhaits de bon voyage. La fille du professeur Stangerson jeta un long regard sur le quai et, dans le moment que le train commençait à accélérer sa marche, sûre désormais qu'elle ne verrait plus, avant son départ, son petit ami, elle me tendit une enveloppe, par la portière…

      «Pour lui!» fit-elle…

      Et elle ajouta, soudain, avec une figure envahie d'un si subit effroi, et sur un ton si étrange que je ne pus m'empêcher de songer aux néfastes réflexions de Brignolles.

      «Au revoir, mes amis!… ou adieu!»

      II

      Où il est question de l'humeur changeante de Joseph Rouletabille

      En revenant, seul, de la gare, je ne pus que m'étonner de la singulière tristesse qui m'avait envahi, sans que j'en pusse démêler précisément la cause. Depuis le procès de Versailles, aux péripéties duquel j'avais été si intimement mêlé, j'avais lié tout à fait amitié avec le professeur Stangerson, sa fille et Robert Darzac. J'aurais dû être particulièrement heureux d'un événement qui semblait satisfaire tout le monde. Je pensai que l'extraordinaire absence du jeune reporter devait être pour quelque chose dans cette sorte de prostration. Rouletabille avait été traité par les Stangerson et M. Darzac comme un sauveur. Et, surtout, depuis que Mathilde était sortie de la maison de santé où le désarroi de son esprit avait nécessité pendant plusieurs mois des soins assidus, depuis que la fille de l'illustre professeur avait pu se rendre compte du rôle extraordinaire joué par cet enfant dans un drame où, sans lui, elle eût inévitablement sombré avec tous ceux qu'elle aimait, depuis qu'elle avait lu avec toute sa raison, enfin recouvrée, le compte rendu sténographié des débats où Rouletabille apparaissait comme un petit héros miraculeux, il n'était point d'attentions quasi maternelles dont elle n'eût entouré mon ami. Elle s'était intéressée à tout ce qui le touchait, elle avait excité ses confidences, elle avait voulu en savoir sur Rouletabille plus que je n'en savais et plus peut- être qu'il n'en savait lui-même. Elle avait montré une curiosité discrète mais continue relativement à une origine que nous ignorions tous et sur laquelle le jeune homme avait continué de se taire avec une sorte de farouche orgueil. Très sensible à la tendre amitié que lui témoignait la pauvre femme, Rouletabille n'en conservait pas moins une extrême réserve et affectait, dans ses rapports avec elle, une politesse émue qui m'étonnait toujours de la part d'un garçon que j'avais connu si primesautier, si exubérant, si entier dans ses sympathies ou dans ses aversions. Plus d'une fois, je lui en avais fait la remarque, et il m'avait toujours répondu d'une façon évasive en faisant grand étalage, cependant, de ses sentiments dévoués pour une personne qu'il estimait, disait-il, plus que tout au monde, et pour laquelle il eût été prêt à tout sacrifier si le sort ou la fortune lui avaient donné l'occasion de sacrifier quelque chose pour quelqu'un. Il avait aussi des moments d'une incompréhensible humeur. Par exemple, après s'être fait, devant moi, une fête d'aller passer une grande journée de repos chez les Stangerson qui avaient loué pour la belle saison – car ils ne voulaient plus habiter le Glandier – une jolie petite propriété sur les bords de la Marne, à Chennevières, et après avoir montré, à la perspective d'un si heureux congé, une joie enfantine, il lui arrivait de se refuser, tout à coup, sans aucune raison apparente, à m'accompagner. Et je devais partir seul, le laissant dans la petite chambre qu'il avait conservée au coin du boulevard Saint-Michel et de la rue Monsieur- le-Prince. Je lui en voulais de toute la peine qu'il causait ainsi à cette bonne Mlle Stangerson. Un dimanche, celle-ci, outrée de l'attitude de mon ami, résolut d'aller le surprendre avec moi dans sa retraite du quartier Latin.

      Quand nous arrivâmes chez lui, Rouletabille, qui avait répondu par un énergique: «Entrez!» au coup que j'avais frappé à sa porte, Rouletabille, qui travaillait à sa petite table,