La coucaratcha. III. Эжен Сю

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Название La coucaratcha. III
Автор произведения Эжен Сю
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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reste, la manière dont je fis connaissance avec Hasth’y est assez bizarre.

      Un jour, je me promenais sur la jetée qui conduit de l'île de Léon à Cadix, et je m’amusais à tirer à balle des mouettes et des goélands. Je me servais pour cet exercice d’une excellente carabine tyrolienne dont la portée était merveilleuse; tout-à-coup je vis venir à moi avec une rapidité effrayante un homme qui paraissait emporté par son cheval.

      Pour concevoir le péril de cet homme, il faut savoir que la jetée sur laquelle il courait ainsi était assez étroite, sans parapets, et haute de chaque côté d’au moins soixante pieds au-dessus du niveau de la mer, et qu’enfin le cheval s’avançait avec une vitesse incroyable vers une coupée d’environ quinze pieds qui divisait la jetée dans toute sa largeur, coupée que je n’avais traversée, moi, qu’au moyen d’une planche très-étroite placée d’un bord à l’autre, le pont-levis qui servait ordinairement de passage étant en réparation. Je pensai que cet homme, se voyant ainsi emporté, ne laissait prendre autant de carrière à son cheval qu’afin de le lasser et de le dompter plus facilement après, mais je pensai aussi que, venant sans doute de l'île de Léon, le cavalier s’attendait peu à trouver un énorme fossé infranchissable à la place du pont; aussi fis-je avec assez de bonheur le raisonnement qui suit.

      Cet homme est infailliblement perdu; je vais donc tâcher de tirer le cheval avant qu’il n’arrive au fossé; si par hasard je tue l’homme, cela ne fait rien, puisqu’il est déjà comme mort; au lieu que si je tue le cheval, je sauve l’homme. Tout cela fut fait et résolu avec la rapidité de la pensée.

      Ma carabine était armée au moment où l’homme passa près de moi, lancé comme une flèche; calculant mon coup sur la vitesse du cheval, je l’ajustai à l’épaule, voulant le tirer à la hanche: je fis feu et ma balle lui cassa le fémur, net comme verre. Le pauvre animal s’enleva encore une fois de l’avant-main, puis faiblit, et tomba sur le côté hors montoir: je me le rappelle parfaitement.

      Il n’y avait pas, je crois, deux toises de distance de l’endroit où je l’abattis à la diable de coupée qui, du reste, était un ouvrage de fortification fort agréable.

      Je courus au cavalier, qui n’avait reçu qu’une foulure assez forte au genou; le cavalier était Hasth’y. Voilà de quelle façon je fis sa connaissance.

      Depuis ce temps, Hasth’y et moi nous devînmes inséparables; nous faisions des armes ensemble, nous tirions à la cible, nous ne bougions du manège et des maisons de jeu; aux combats, nous étions de moitié dans les paris; et, comme il était grand connaisseur, il m’apprit à connaître les ergots de la bonne espèce; aussi j’eus bientôt, grâce à lui, un des meilleurs perchoirs de coqs de Grenade qui fût dans tout Cadix.

      J'oubliais une des raisons qui contribuait encore à m’attacher à Hasth’y; c’est que j’étais l’amant de sa fille Tintilla, qui, disait-il, était veuve d’un contrebandier.

      De dire si elle était veuve d’un ou de plusieurs contrebandiers, ce serait fort délicat, mais, ce qui est bien vrai, c’est qu’elle était veuve.

      Mais une veuve de vingt ans au plus, une vraie Bohême, jaune comme un citron, souple comme l’osier, lascive comme une fauvette, avec des yeux plus grands que sa bouche et aussi noirs que ses dents étaient blanches, que ses lèvres étaient rouges, que ses joues étaient pâles; puis, des cheveux qui traînaient à terre, et un pied si court… qu’elle en enfermait la longueur dans sa petite main. Seulement, ce qu’il y aurait eu de fâcheux pour un autre, mais cela m’était fort égal à moi, c’est que mes camarades de la frégate trouvaient que Tintilla se mettait toujours d’une façon ridicule et extravagante: c’étaient en effet des robes courtes et décolletées à damner un clérigo, des couleurs horriblement tranchantes, par exemple, un monillo rouge et une jupe bleue, ou un monillo vert et une jupe jaune; et puis, elle s’attifait dans les cheveux un tas d’oripeaux d’or et d’argent, portait des bagues à tous les doigts, des chaînes en profusion: enfin la mise de Tintilla était ridicule au dernier point; mais je ne sais pas comment diable cela se faisait, moi je la trouvais charmante ainsi.

      Et son caractère!.. Ah! quel caractère! têtue comme mon cheval Frasco avant sa conversion, insolente, vaniteuse, gourmande, colère… et jalouse!.. si jalouse, que, me voyant une fois faire des œillades avec une belle sénora du quartier Saint-Jean, elle tira tout doucettement son petit couteau qu’elle cachait dans sa gorge, et, sans me quitter le bras, me fit sournoisement une bonne entaille dans le côté.

      Encore une fois, oui, je l’avouerai, Tintilla était horriblement mal élevée, impudente, éhontée; mais, je le répète, je la trouvais charmante ainsi.

      Et puis, il ne faut pas croire non plus que Tintilla n’eût que des défauts, elle possédait aussi des qualités, et de précieuses qualités…

      D'abord elle dansait la Tuanchega dans la perfection… Vive Dieu! oui, elle la dansait, et si bien, qu’elle eût fait étinceler les yeux ternes d’un mort;… et moi, qui n’avais que seize ans, jugez donc! Et puis Tintilla savait encore une foule de boléros si drôles, si amoureux, qu’elle accompagnait sur sa guitare ou avec ses castagnettes, d’une façon tellement folle, gentille et libertine, que j’étais fou, mais fou à lier, de Tintilla la Bohême.

      Et puis hardie à cheval! il fallait voir! tirant le pistolet presque aussi bien que son père.

      Et puis enfin, par-dessus tout… mais malheureusement on ne peut pas dire ces choses là… toujours est-il que j’en étais furieusement épris.

      Si épris qu’un jour elle voulut me forcer à l’accompagner sur l'Alaneda, par un beau dimanche de juin, quand tout Cadix était dehors, elle dans son damné costume de Bohême de toutes les couleurs, et moi en grand uniforme; je cédai à son caprice, et j’y gagnai trois jours d’arrêts, que notre vieil animal de capitaine de frégate m’infligea avec la joie la plus hargneuse, la plus maligne du monde.

      Pourtant je gagnai aussi à cette liaison de devenir un des officiers les plus assidus à leur service. Car j’avais une telle frayeur des arrêts, et un tel appétit de la terre, que j’étonnais tout le monde par mon zèle et mon exactitude. Je vécus ainsi trois mois, au grand scandale des honnêtes gens et de mon banquier, qui ne cessait de me répéter: Vous ne quittez pas les courses de taureaux, les combats de coqs, les salles d’armes et les académies; vous vous êtes engoué d’une franche catin, passez-moi le terme, et de monsieur son père, qui vit à vos crochets; au lieu de fréquenter la bonne compagnie, où vous seriez si bien placé, où vous trouveriez des plaisirs décents, etc.

      A cela, moi je répondais avec une naïveté d’enfant: Je n’aime pas les plaisirs décents; en fait de bonheur, personne n’est meilleur juge que soi-même: je me trouve bien comme cela, et j’y reste. Le fait est que j’étais extrêmement heureux, seulement je maigrissais à la vue, quoique je mangeasse avec emportement.

      Mais j’oubliais de dire de quelle façon mon ami Hasth’y dompta mon cheval Frasco: les caveçons, les entraves, les coups, les mors à bascule, à crocs, à lame, ne faisant rien sur ce caractère sauvage et opiniâtre… Hasth’y me conseilla de priver Frasco de sommeil.

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