Derniers essais de littérature et d'esthétique: août 1887-1890. Wilde Oscar

Читать онлайн.
Название Derniers essais de littérature et d'esthétique: août 1887-1890
Автор произведения Wilde Oscar
Жанр Зарубежная классика
Серия
Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
isbn



Скачать книгу

le gazon de la campagne, et de la chanson provençale,

      et de la gaîté brunie au soleil,

      M. Rossetti, dans un bel accès de Ruban bleu7, s'écrie avec enthousiasme: «Assurément personne n'a besoin de boire du vin pour se préparer à goûter la mélodie d'un rossignol, soit au sens propre, soit au sens figuré».

      «Appeler le vin une sincère et rougissante Hippocrène» lui paraît à la fois «grandiloquent et désagréable».

      L'expression «chaînes de bulles qui clignotent sur le bord» est triviale, quoique pittoresque; l'image «non point porté sur le chariot de Bacchus que traînent des panthères» est «bien pire».

      Une expression comme celle-ci: «Dryade des arbres, à l'aile légère» est évidemment un pléonasme, car dryade signifie réellement «nymphe du chêne».

      Et de cette superbe explosion de passion:

      Tu n'es point né pour la mort, immortel oiseau,

      Ni pour que des générations affamées te foulent aux pieds.

      La voix que j'entendis au cours de cette nuit fut entendue

      aux temps passée par l'empereur, par le paysan.

      M. Rossetti nous dit que cette invocation est un solécisme palpable, ou palpaple (sic) de logique, «attendu que les hommes vivent plus longtemps que les rossignols».

      Comme M. Colvin fait une critique fort analogue à celle-là, en parlant d'«une faute de logique qui est en même temps… un défaut poétique», il valait peut-être la peine de signaler à ces deux récents critiques de l'œuvre de Keats, que Keats a voulu exprimer l'idée du contraste entre la durée de la beauté et la condition changeante et la déchéance de la vie humaine, idée qui reçoit son expression la plus complète dans l'Ode à une urne grecque.

      Les autres pièces ne sortent pas moins malmenées des mains de M. Rossetti.

      La belle invocation, dans Isabella:

      Portez vos plaintes vers elle, toutes, syllabes de gémissement,

      sortez des profondeurs de la gorge de la triste Melpomène

      Sortez en ordre tragique de la lyre de bronze

      Et faites vibrer en un mystère les cordes.

      Cela lui paraît «une fadeur».

      La Bacchante indienne du quatrième livre d'Endymion est qualifiée de «buveuse sentimentale et tentatrice».

      Quant à Endymion, M. Rossetti déclare ne pouvoir comprendre comment «son organisme humain, avec des appareils respiratoire et digestif, continue à exister,» et il nous apprend comment Keats aurait du, d'après lui, traiter le sujet.

      Un jour, un éminent critique français s'écriait avec désespoir: «Je trouve des physiologistes partout», mais il était réservé à M. Rossetti de faire des considérations sur la digestion d'Endymion et nous lui concédons volontiers la supériorité que lui donne ce point de vue.

      Même lorsque M. Rossetti loue, il gâte ce qu'il loue.

      Traiter Hypérion de «monument d'architecture cyclopéenne en vers» est assez mauvais, mais l'appeler un «Stonehenge de réverbération» est absolument détestable, et nous n'en savons guère plus long sur la Veille de la Saint Marc quand nous apprenons que la simplicité en est «pleine de sang et singulière».

      Puis, que signifie cette assertion que les Notes de Keats sur Shakespeare sont «un peu tendues et bouffies

      N'y a-t-il rien de mieux à dire de Madeline dans la Veille de la Sainte Agnès, sinon qu'elle est présentée comme une figure très charmante, très aimable, «bien quelle ne fasse autre chose de bien particulier que de se dévêtir sans regarder derrière elle et de s'en aller furtivement».

      Il n'est nullement nécessaire de suivre M. Rossetti plus loin, pour le voir barboter dans la vase qu'il a faite lui-même avec ses pieds.

      Un critique, capable de dire qu'«un nombre assez faible des poésies de Keats sont dignes d'une grande admiration», ne mérite pas d'être pris au sérieux.

      M. Rossetti est un homme entreprenant, un écrivain laborieux, mais il manque entièrement du sens nécessaire pour l'interprétation de la poésie telle que l'a écrite John Keats.

      C'est avec un vrai plaisir qu'on revient ensuite à M. Colvin, dont les critiques sont toujours modestes et souvent pénétrantes.

      Nous ne sommes point d'accord avec lui lorsqu'il accepte la théorie de M. Owen, au sujet d'un sens allégorique et mystique qui se cacherait sous Endymion. Son jugement final sur Keats, qui «serait l'esprit le plus shakespearien qui ait paru depuis Shakespeare», n'est pas très heureux et nous sommes surpris de l'entendre insinuer, sur la foi d'une anecdote assez suspecte de Severn, que Sir Walter Scott avait sa part dans l'article du Blackwood.

      Mais il n'y a rien qui soit âcre, irritant, maladroit dans l'appréciation qu'il donne sur l'œuvre du poète.

      Le vrai Marcellus de la poésie anglaise n'a pas encore trouvé son Virgile, mais M. Colvin fait un Stace passable.

       Sermons en pierres à Bloomsbury. La nouvelle Salle de Sculpture du British Museum. 8

      Grâce aux efforts de Sir Charles Newton, auquel tous ceux qui s'intéressent à l'art classique doivent leur reconnaissance, quelques-uns des merveilleux trésors, si longtemps murés dans les sombres souterrains du British Museum, ont enfin apparu à la lumière, et la nouvelle Salle de Sculpture qui vient d'être ouverte au public, compensera amplement la peine d'une visite, même pour ceux aux yeux de qui l'art est une pierre d'achoppement et un écueil de scandale.

      En effet, même sans parler de la simple beauté de forme, de contour et d'ensemble, de la grâce et du charme dans la conception, de la délicatesse dans l'exécution technique, nous voyons exposé, sous nos yeux, ce que les Grecs et les Romains pensaient, au sujet de la mort, et le philosophe, le prédicateur, l'homme du monde pratique, le Philistin lui-même, seront certainement touchés par ces «sermons en pierres» avec leur portée profonde, l'abondance d'idées qu'ils suggèrent et leur simple humanité.

      Des pierres funéraires courantes, voilà ce qu'ils sont pour la plupart, œuvres non point d'artistes fameux, mais de simples artisans.

      Seulement elles ont été ouvrées, en un temps où tout métier était un art.

      Les plus beaux spécimens, au point de vue purement artistique, sont sans contredit les deux stèles trouvées à Athènes.

      L'une et l'autre sont les pierres tombales de jeunes athlètes grecs.

      Dans l'une, l'athlète est représenté tendant sa strigile à son esclave; dans l'autre, l'athlète est debout, seul, la strigile en main.

      Elles n'appartiennent point à la plus grande période de l'Art grec. Elles n'ont point le grand style du siècle de Phidias, mais elles ont néanmoins leur beauté, et il est impossible de n'être point fasciné par leur grâce exquise, par la façon, dont elles sont traitées, si simple en ses moyens, si subtile en son effet.

      Toutes les pierres funéraires d'ailleurs sont pleines d'intérêt.

      En voici une de deux dames de Smyrne, qui furent si remarquables en leur temps, que la cité leur vota des couronnes d'honneur; voici un médecin grec examinant un bambin qui souffre d'indigestion; voici le monument de Xanthippe, qui fut probablement un martyr de la goutte, car il tient à la main le moulage d'un pied destiné sans doute à être offert en ex-voto à quelque dieu.

      Une jolie stèle de Rhodes nous présente un groupe familial.

      Le mari est à cheval et fait ses adieux à sa femme, qui a l'air de vouloir le suivre, mais qui est retenue par un petit enfant.

      L'émotion



<p>7</p>

Insigne des membres de la Société de Tempérance qui se sont engagés à ne boire que de l'eau.

<p>8</p>

Pall Mall Gazette, 15 octobre 1887.