Название | La San-Felice, Tome 04 |
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Автор произведения | Dumas Alexandre |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
En outre, Nicolino, on le sait, était frère du beau duc de Rocca-Romana, qui, à tort ou à raison, avait passé pour être l'objet d'un de ces nombreux et rapides caprices de la reine, non enregistrés par l'histoire, qui dédaigne ces sortes de détails, mais constatés par la chronique scandaleuse des cours qui en vit; or, le roi ne pouvait se venger du duc de Rocca-Romana, qui n'avait pas changé un bouton à son costume, ne s'était rien coupé, ne s'était rien laissé pousser, et, par conséquent, était resté dans les plus strictes règles de l'étiquette; il n'était donc pas fâché, – un mari si débonnaire qu'il soit ayant toujours quelque rancune contre les amants de sa femme, – il n'était donc pas fâché, n'ayant point de prétexte plausible pour se venger du frère aîné, d'en rencontrer un pour se venger du frère cadet. D'ailleurs, comme titre personnel à l'antipathie du roi, Nicolino Caracciolo était entaché du péché originel d'avoir une Française pour mère, et, de plus, étant déjà à moitié Français de naissance, d'être encore tout à fait Français d'opinion.
On a vu, d'ailleurs, que les soupçons du roi, tout vagues et instinctifs qu'ils étaient sur Nicolino Caracciolo, n'étaient point tout à fait dénués de fondement, puisque Nicolino était lié à cette grande conspiration qui s'étendait jusqu'à Rome, et qui avait pour but, en appelant les Français à Naples, d'y faire entrer avec eux la lumière, le progrès, la liberté.
Maintenant, on se rappelle par quelle suite de circonstances inattendues Nicolino Caracciolo avait été amené à prêter à Salvato, trempé par l'eau de la mer, des habits et des armes; comment, une lettre de femme qu'il avait oubliée dans la poche de sa redingote ayant été trouvée par Pasquale de Simone, avait été remise par celui-ci à la reine et par la reine à Acton; nous avons presque assisté à l'expérience chimique qui, en enlevant le sang, avait laissé subsister l'écriture, et nous avons assisté tout à fait à l'expérience poétique qui, en dénonçant la femme, avait permis de s'emparer de son amant; or, l'amant arrêté et conduit, on s'en souvient, au château Saint-Elme, n'était autre que notre insouciant et aventureux ami Nicolino Caracciolo.
Le lecteur nous pardonnera si nous lui faisons subir ici quelques redites; nous désirons, autant que possible, ajouter par quelques lignes – ces lignes fussent-elles inutiles – à la clarté de notre récit, que peuvent, malgré nos efforts, obscurcir les nombreux personnages que nous mettons en scène et dont une partie est forcée de disparaître pour faire place à d'autres, parfois pendant plusieurs chapitres, parfois pendant un volume entier.
Que l'on nous pardonne donc certaines digressions en faveur de la bonne intention, et que l'on ne fasse point de notre bonne intention un des pavés de l'enfer.
Le château Saint-Elme, où Nicolino avait été conduit et enfermé, était, nous croyons l'avoir déjà dit, la Bastille de Naples.
Le château Saint-Elme, qui a joué un grand rôle dans toutes les révolutions de Naples, et qui, par conséquent, aura le sien dans la suite de cette histoire, est bâti au sommet de la colline qui domine l'ancienne Parthénope. Nous ne chercherons pas, comme le faisait notre savant archéologue sir William Hamilton, si le nom Erme, premier nom du château Saint-Elme, vient de l'ancien mot phénicien erme, qui veut dire, élevé, sublime, ou bien lui fut donné à cause des statues de Priape à l'aide desquelles les habitants de Nicopolis marquaient les limites de leurs champs et de leurs maisons, et qu'ils appelaient Terme. N'ayant pas reçu du ciel ce regard pénétrant qui lit dans la nuit profonde des étymologies, nous nous contenterons de faire remonter cette appellation à une chapelle de Saint-Érasme qui donna son nom à la montagne sur laquelle elle était assise; la montagne s'appela donc d'abord le mont Saint-Érasme, puis, par corruption, Saint-Erme, puis enfin en dernier lieu, et se corrompant de plus en plus, Saint-Elme. Sur ce sommet, qui domine la ville et la mer, fut d'abord bâtie une tour qui remplaça la chapelle et que l'on appela Belforte; cette tour fut convertie en château par Charles II d'Anjou, dit le Boiteux; ses fortifications s'augmentèrent lorsque Naples fut assiégée par Lautrec, non pas en 1518, comme le dit il signor Giuseppe Gallanti, auteur de Naples et ses Environs; mais, en 1528, elle devint, par ordre de Charles-Quint, une forteresse régulière. Comme toutes les forteresses destinées d'abord à défendre les populations au milieu ou sur la tête desquelles elles sont élevées, Saint-Elme en arriva peu à peu, non-seulement à ne plus défendre la population de Naples, mais à la menacer, et c'est sous ce dernier point de vue que le sombre château fait encore la terreur des Napolitains, qui, à chaque révolution qu'ils font ou plutôt qu'ils laissent faire, demandent sa démolition au nouveau gouvernement qui succède à l'ancien. Le nouveau gouvernement, qui a besoin de se populariser, décrète la démolition de Saint-Elme, mais se garde bien de le démolir. Hâtons-nous de dire, attendu qu'il faut rendre justice aux pierres comme aux gens, que l'honnête et pacifique château Saint-Elme, éternelle menace de destruction pour la ville, s'est toujours borné à menacer, n'a jamais rien détruit, et même, dans certaines circonstances, a protégé.
Nous avons dit tout à l'heure qu'il fallait rendre justice aux pierres comme aux gens; retournons la maxime, et disons maintenant qu'il faut rendre justice aux gens comme aux pierres.
Ce n'était point, Dieu merci! par paresse ou négligence que le marquis Vanni n'avait pas suivi plus activement le procès Nicolino, non; le marquis, véritable procureur fiscal, ne demandant que des coupables et ne désirant que d'en trouver là même où il n'y en avait pas, était loin de mériter un pareil reproche, non; mais c'était un homme de conscience dans son genre que le marquis Vanni: il avait fait durer sept ans le procès du prince de Tarsia, et trois ans celui du chevalier de Medici et de ceux qu'il s'obstinait à appeler ses complices; il tenait un coupable, cette fois, il avait des preuves de sa culpabilité, il était sûr que ce coupable ne pouvait lui échapper sous la triple porte qui fermait son cachot et sous la triple muraille qui entourait Saint-Elme; il ne regardait donc pas à un jour, à une semaine et même à un mois pour arriver à un résultat satisfaisant. D'ailleurs, il appartenait, nous l'avons dit, pour les instincts, pour l'allure, aux animaux de la race féline, et l'on sait que le tigre s'amuse à jouer avec l'homme avant de le mettre en morceaux, et le chat avec la souris avant de la dévorer.
Le marquis Vanni s'amusait donc à jouer avec Nicolino Caracciolo avant de lui faire couper la tête.
Mais, il faut le dire, dans ce jeu mortel où luttaient l'un contre l'autre l'homme armé de la loi, de la torture et de l'échafaud, et l'homme armé de son seul esprit, ce n'était pas celui qui avait toutes les chances de gagner qui gagnait toujours. Loin de là. Après quatre interrogatoires successifs, qui chacun avaient duré plus de deux heures, et dans lesquels Vanni avait essayé de retourner son prévenu de toutes les façons, le juge n'était pas plus avancé et le prévenu pas plus compromis que le premier jour, c'est-à-dire que l'interrogateur en était arrivé à savoir les nom, prénoms, qualités, âge, état social de Nicolino Caracciolo, ce que tout le monde savait à Naples, sans avoir besoin de recourir à un mois de prison et à une instruction de trois semaines; mais le marquis Vanni, malgré sa curiosité, – et il était certainement un des juges les plus curieux du royaume des Deux-Siciles, – n'avait pu en savoir davantage.
En effet, Nicolino Caracciolo s'était enfermé dans ce dilemme: «Je suis coupable ou je suis innocent. Ou je suis coupable, et je ne suis pas assez bête pour faire des aveux qui me compromettront; ou je suis innocent, et, par conséquent, n'ayant rien à avouer, je n'avouerai rien.» Il était résulté de ce système de défense qu'à toutes les questions faites par Vanni pour savoir autre chose que tout ce que tout le monde savait, c'est-à-dire ses nom, prénoms, qualités, âge, demeure et état social, Nicolino Caracciolo avait répondu par d'autres questions, demandant à Vanni, avec l'accent du plus vif intérêt s'il était marié, si sa femme était jolie, s'il l'aimait, s'il en avait des enfants, quel était leur âge, s'il avait des frères, des soeurs, si son père vivait, si sa mère était morte, combien lui donnait la reine pour le métier qu'il faisait, si son titre de marquis était transmissible à l'aîné de sa famille, s'il