La San-Felice, Tome 04. Dumas Alexandre

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Название La San-Felice, Tome 04
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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      La San-Felice, Tome 04

      LVI

      LE RETOUR

      Mack avait eu raison de craindre la rapidité des mouvements de l'armée française: déjà, dans la nuit qui avait suivi la bataille, les deux avant-gardes, guidées, l'une par Salvato Palmieri, l'autre par Hector Caraffa, avaient pris la route de Civita-Ducale, dans l'espérance d'arriver, l'une à Sora par Tagliacozzo et Capistrello, et l'autre à Ceprano par Tivoli, Palestrina, Valmontone et Ferentina, et de fermer ainsi aux Napolitains le défilé des Abruzzes.

      Quant à Championnet, ses affaires une fois finies à Rome, il devait prendre la route de Velletri et de Terracina par les marais Pontins.

      Au point du jour, après avoir fait donner à Lemoine et à Casabianca des nouvelles de la victoire de la veille, et leur avoir ordonné de marcher sur Civita-Ducale pour se réunir au corps d'armée de Macdonald et de Duhesme et prendre avec eux la route de Naples, il partit avec six mille hommes pour rentrer à Rome, fit vingt-cinq milles dans sa journée, campa à la Storta, et, le lendemain, à huit heures du matin, se présenta à la porte du Peuple, rentra dans Rome au bruit des salves de joie que tirait le château Saint-Ange, prit la rive gauche du Tibre et regagna le palais Corsini, où, comme le lui avait promis le baron de Riescach, il retrouva chaque chose à la place où il l'avait laissée.

      Le même jour, il fit afficher cette proclamation:

      «Romains!

      »Je vous avais promis d'être de retour à Rome avant vingt jours; je vous tiens parole, j'y rentre le dix-septième.

      »L'armée du despote napolitain a osé présenter le combat à l'armée française.

      »Une seule bataille a suffi, pour l'anéantir, et, du haut de vos remparts, vous pouvez voir fuir ses débris vers Naples, où les précéderont nos légions victorieuses.

      »Trois mille morts et cinq mille blessés étaient couchés hier sur le champ de bataille de Civita-Castellana; les morts auront la sépulture honorable du soldat tué sur le champ de bataille, c'est-à-dire le champ de bataille lui-même; les blessés seront traités comme des frères; tous les hommes ne le sont-ils pas aux yeux de l'Éternel qui les a créés!

      »Les trophées de notre victoire sont cinq mille prisonniers, huit drapeaux, quarante-deux pièces de canon, huit mille fusils, toutes les munitions, tous les bagages, tous les effets de campement et enfin le trésor de l'armée napolitaine.

      »Le roi de Naples est en fuite pour regagner sa capitale, où il rentrera honteusement, accompagné des malédictions de son peuple et du mépris du monde.

      »Encore une fois, le Dieu des armées a béni notre cause. – Vive la République!

      »CHAMPIONNET.»

      Le même jour, le gouvernement républicain était rétabli à Rome; les deux consuls Mattei et Zaccalone, si miraculeusement échappés à la mort, avaient repris leur poste, et, sur l'emplacement du tombeau de Duphot, détruit, à la honte de l'humanité, par la population romaine, on éleva un sarcophage où, à défaut de ses nobles restes jetés aux chiens, on inscrivit son glorieux nom.

      Ainsi que l'avait dit Championnet, le roi de Naples avait fui; mais, comme certaines parties de ce caractère étrange resteraient inconnues à nos lecteurs, si nous nous contentions, comme Championnet dans sa proclamation, d'indiquer le fait, nous leur demanderons la permission de l'accompagner dans sa fuite.

      A la porte du théâtre Argentina, Ferdinand avait trouvé sa voiture et s'était élancé dedans avec Mack, en criant à d'Ascoli d'y monter après eux.

      Mack s'était respectueusement placé sur le siége de devant.

      – Mettez-vous au fond, général, lui dit le roi ne pouvant pas renoncer à ses habitudes de raillerie, et ne songeant pas qu'il se raillait lui-même; il me paraît que vous allez avoir assez de chemin à faire à reculons, sans commencer avant que la chose soit absolument nécessaire.

      Mack poussa un soupir et s'assit près du roi.

      Le duc d'Ascoli prit place sur le devant.

      On toucha au palais Farnèse; un courrier était arrivé de Vienne apportant une dépêche de l'empereur d'Autriche; le roi l'ouvrit précipitamment et lut:

      «Mon très-cher frère, cousin, oncle, beau-père, allié et confédéré.

      »Laissez-moi vous féliciter bien sincèrement sur le succès de vos armes et sur votre entrée triomphale à Rome…»

      Le roi n'alla pas plus loin.

      – Ah! bon! dit-il, en voilà une qui arrive à propos.

      Et il remit la dépêche dans sa poche.

      Puis, regardant autour de lui:

      – Où est le courrier qui a apporté cette lettre? demanda-t-il.

      – Me voici, sire, fit le courrier en s'approchant.

      – Ah! c'est toi, mon ami? Tiens voilà pour ta peine, dit le roi en lui donnant sa bourse.

      – Votre Majesté me fera-t-elle l'honneur de me donner une réponse pour mon auguste souverain.

      – Certainement; seulement, je te la donnerai verbale, n'ayant pas le temps d'écrire. N'est-ce pas, Mack, que je n'ai pas le temps?

      Mack baissa la tête.

      – Peu importe, dit le courrier; je peux répondre à Votre Majesté que j'ai bonne mémoire.

      – De sorte que tu es sûr de rapporter à ton auguste souverain ce que je vais te dire?

      – Sans y changer une syllabe.

      – Eh bien, dis-lui de ma part, entends-tu bien? de ma part…

      – J'entends, sire.

      – Dis-lui que son frère et cousin, oncle et beau-père, allié et confédéré le roi Ferdinand est un âne.

      Le courrier recula effrayé.

      – N'y change pas une syllabe, reprit le roi, et tu auras dit la plus grande vérité qui soit jamais sortie de ta bouche.

      Le courrier se retira stupéfié.

      – Et maintenant, dit le roi, comme j'ai dit à Sa Majesté l'empereur d'Autriche tout ce que j'avais à lui dire, partons.

      – J'oserai faire observer à Votre Majesté, dit Mack, qu'il n'est pas prudent de traverser la plaine de Rome en voiture.

      – Et comment voulez-vous que je la traverse? A pied?

      – Non, mais à cheval.

      – A cheval! Et pourquoi cela, à cheval?

      – Parce qu'en voiture, Votre Majesté est obligée de suivre les routes, tandis qu'à cheval, au besoin, Votre Majesté peut prendre à travers les terres; excellent cavalier comme est Votre Majesté, et montée sur un bon cheval, elle n'aura point à craindre les mauvaises rencontres.

      – Ah! malora! s'écria le roi, on peut donc en faire?

      – Ce n'est pas probable; mais je dois faire observer à Votre Majesté que ces infâmes jacobins ont osé dire que, si le roi tombait entre leurs mains…

      – Eh bien?

      – Ils le pendraient au premier réverbère venu si c'était dans la ville, au premier arbre rencontré si c'était en plein champ.

      – Fuimmo, d'Ascoli! fuimmo!… Que faites-vous donc là-bas, vous autres fainéants? Deux chevaux! deux chevaux! les meilleurs! C'est qu'ils le feraient comme ils le disent, les brigands! Cependant, nous ne pouvons pas aller jusqu'à Naples à cheval?

      – Non, sire, répondit Mack; mais, à Albano, vous prendrez la première voiture de poste venue.

      – Vous avez raison. Une paire de bottes! Je ne peux pas courir la poste en bas de soie. Une paire de bottes! Entends-tu, drôle?

      Un valet de pied se précipita par les escaliers et revint avec une paire de longues bottes.

      Ferdinand mit ses bottes dans la voiture, sans plus s'inquiéter de son ami d'Ascoli que s'il n'existait pas.

      Au moment où il achevait de mettre sa