Название | Le magasin d'antiquités. Tome I |
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Автор произведения | Чарльз Диккенс |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Mistress Quilp était seule au logis et, ne s'attendant pas au retour si prochain de son seigneur et maître, elle avait cherché du repos dans un sommeil bienfaisant, quand le bruit des pas du nain la réveilla en sursaut. À peine avait-elle eu le temps de paraître occupée à quelque travail d'aiguille, lorsqu'il entra, accompagné de la jeune fille. Il avait laissé Kit au bas de l'escalier.
«Voici Nelly Trent, ma chère mistress Quilp, dit le mari. Vite un verre de vin et un biscuit; car elle a fait une longue course. Elle vous tiendra compagnie ma chère, pendant que je vais écrire une lettre.»
Betzy regarda le maître en tremblant, se demandant ce qu'il pouvait y avoir sous cette affabilité inaccoutumée. Sur l'ordre qu'il lui en donna par signe, elle le suivit dans la chambre voisine.
«Écoutez-moi attentivement, lui dit Quilp à voix basse. Il faut que vous tâchiez de tirer d'elle quelque confidence sur le compte de son grand-père, sur ce qu'ils font, comment ils vivent, sur ce qu'il lui dit. J'ai mes raisons pour savoir tout cela, s'il est possible. Vous autres femmes, vous êtes plus libres entre vous que vous ne le seriez avec nous. Vous particulièrement, ma chère, vous avez de petites manières douces qui réussiront auprès d'elle. Vous m'entendez?
– Oui, Quilp.
– Allez. Eh bien, qu'est-ce?
– Cher Quilp, balbutia la jeune femme, j'aime cette enfant; je voudrais bien, s'il se pouvait, n'avoir pas à la tromper…»
Le nain, marmottant un juron terrible, regarda autour de lui comme s'il cherchait un bâton pour infliger un juste châtiment à l'insoumission de sa femme; mais celle-ci, avec sa docilité habituelle, s'empressa de conjurer sa colère, et lui promit d'exécuter son ordre.
«Vous m'entendez! reprit-il lui pinçant et lui serrant le bras. Insinuez-vous dans ses secrets; vous le pouvez, je le sais. Et souvenez-vous bien que j'écoute. Si vous n'êtes pas assez pressante, je ferai craquer cette porte, et malheur à vous si j'ai besoin de la faire craquer trop souvent!.. Allez!»
Mistress Quilp sortit pour remplir la commission, et son aimable époux, se cachant derrière la porte à demi fermée et y appliquant son oreille, se mit à écouter avec une attention perfide.
Cependant la pauvre Betzy se demandait comment elle entrerait en matière et quelle sorte de questions elle pourrait faire: elle ne se décida à parler qu'au moment où la porte, en craquant avec force, l'avertit d'agir sans plus de retard.
«Depuis quelque temps vous avez fait bien des allées et venues ici, chère, pour voir M. Quilp.
– C'est ce que j'ai dit cent fois à mon grand-père, répliqua naïvement Nelly.
– Et qu'est-ce qu'il répond à cela?
– Il se borne à soupirer, il baisse la tête et paraît si triste, si accablé, que si vous pouviez le voir en cet état, sûrement il vous ferait pitié; mais je sais que vous n'y pourriez pas plus remédier que moi… Comme cette porte craque!
– C'est son habitude, dit mistress Quilp en dirigeant de ce côté un regard inquiet. Mais votre grand-père n'a pas toujours été sans doute aussi triste?
– Oh! non, dit vivement l'enfant. Quelle différence autrefois! Nous étions si heureux, si gais, si contents! Vous ne pouvez vous imaginer quel pénible changement nous avons subi depuis quelque temps.
– Que je regrette de vous entendre parler ainsi, ma chère!» s'écria mistress Quilp.
Et elle disait vrai.
«Je vous remercie, dit l'enfant l'embrassant sur les joues. Vous avez toujours été bonne pour moi, et c'est un plaisir de causer avec vous. Je ne puis parler de lui à personne, si ce n'est au pauvre Kit. Pour moi, je suis encore heureuse; je devrais peut- être me trouver plus heureuse que je ne le fais, mais vous ne pouvez concevoir combien cela m'afflige quelquefois de voir mon grand-père changer comme il fait.
– Peut-être, Nelly, changera-t-il encore, mais pour redevenir ce qu'il était autrefois.
– Oh! si Dieu voulait seulement qu'il en fût ainsi!.. dit l'enfant en versant un ruisseau de larmes. Mais il y a longtemps déjà qu'il a commencé… Il me semble que j'ai vu cette porte remuer.
– C'est le vent, dit mistress Quilp d'une voix faible. Vous disiez donc qu'il a commencé…?
– Oui, à être si pensif, si abattu, à oublier la manière dont nous passions les longues soirées autrefois. J'avais l'habitude de lui faire la lecture au coin du feu; il était assis et m'écoutait. Quand je m'arrêtais et que nous nous mettions à causer, il m'entretenait de ma mère et me disait que je parlais tout à fait comme elle, que j'avais la même figure qu'elle, lorsqu'elle était une enfant de mon âge. Ensuite il me prenait sur ses genoux, et il s'efforçait de me faire comprendre que ma mère n'était pas dans un tombeau, mais qu'elle était partie pour un beau pays au delà des nuages, un beau pays où la vieillesse et la mort sont inconnues… Oh! nous étions bien heureux alors!
– Nelly! Nelly! s'écria la pauvre femme, je ne puis supporter de vous voir triste comme vous l'êtes à votre âge. De grâce, ne pleurez pas!..
– Cela m'arrive si rarement, dit Nelly; mais j'ai retenu longtemps mes larmes, et je ne suis pas encore soulagée, car je sens ces larmes revenir dans mes yeux sans pouvoir les retenir encore. Je ne crains pas de vous confier ma peine; je sais que vous n'en direz rien à personne.»
Mistress Quilp tourna la tête sans proférer un seul mot.
«Autrefois, reprit l'enfant, nous nous promenions souvent dans les champs et parmi les arbres verts; et lorsque, le soir, nous rentrions au logis, la fatigue nous faisait mieux aimer encore notre maison et trouver qu'on y était bien. Elle était triste et sombre; mais qu'importe? disions-nous: cela ne nous rendait que plus agréable le souvenir de notre dernière promenade et le projet de notre promenade prochaine. Maintenant ces promenades sont finies; et quoique notre maison soit la même, elle est plus triste et plus sombre qu'elle ne l'a jamais été.»
Nelly s'arrêta; mais bien que la porte eût craqué plus fort que précédemment, mistress Quilp ne dit rien. Ce fut l'enfant qui ajouta avec chaleur:
«Ne supposez pas que mon grand-père m'aime moins qu'autrefois. Chaque jour il m'aime davantage et me témoigne plus de tendresse et de sollicitude que la veille. Vous ne pouvez vous imaginer combien il m'aime.
– Je suis bien sûre qu'il vous aime tendrement, dit mistress Quilp.
– Oui, s'écria Nelly, oh oui! aussi tendrement que je l'aime: Mais je ne vous ai pas encore confié son plus grand changement, et ayez soin de n'en jamais rien dire à personne. Il ne dort plus, si ce n'est le peu de sommeil qu'il prend le jour dans son fauteuil; car chaque nuit il sort et reste dehors presque toute la nuit.
– Nelly!..
– Chut! fit l'enfant, posant un doigt sur sa bouche et regardant autour d'elle. Quand il revient le matin, et c'est habituellement au point du jour, c'est moi qui lui ouvre. La nuit dernière, l'heure était très-avancée; on voyait déjà clair. Mon grand-père était affreusement pâle; ses yeux étaient rouges; ses jambes tremblaient sous lui. Quand je retournai me mettre au lit, je l'entendis gémir. Je me levai et courus à lui; avant qu'il sût que j'étais là, je l'entendis encore s'écrier qu'il ne pouvait plus supporter cette vie, et que, si ce n'était pour son enfant, il voudrait mourir. Que faire, mon Dieu! que faire?»
Les sources de son coeur étaient ouvertes; la jeune fille, succombant au poids de ses peines et de ses tourments, et puissamment émue par la première confidence qu'elle eût jamais faite encore, ainsi que par la sympathie qui avait accueilli son petit récit, cacha son visage dans le sein de sa douce amie et fondit en larmes.
Au bout de quelques moments, M. Quilp reparut; il exprima la plus grande surprise de trouver Nelly dans cet état.