Название | Moll Flanders |
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Автор произведения | Defoe Daniel |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Il sourit en m'entendant, et je lui demandai comment il pouvait prendre cela si légèrement, quand il devait bien savoir que si nous étions découverts, j'étais perdue et que cela lui ferait du tort, bien qu'il n'en dût pas être ruiné, comme moi. Je lui reprochai vivement de ressembler au reste de son sexe, qui, ayant à merci la réputation d'une femme, en font souvent leur jouet ou au moins la considèrent comme une babiole, et comptent la ruine de celles dont ils ont fait leur volonté comme une chose de nulle valeur.
Il vit que je m'échauffais et que j'étais sérieuse, et il changea de style sur-le-champ; il me dit qu'il était fâché que j'eusse une telle pensée sur lui; qu'il ne m'en avait jamais donné la moindre occasion, mais s'était montré aussi soucieux de ma réputation que de la sienne propre; qu'il était certain que notre liaison avait été gouvernée avec tant d'adresse que pas une créature de la famille ne faisait tant que de la soupçonner; que s'il avait souri quand je lui avais dit mes pensées, c'était à cause de l'assurance qu'il venait de recevoir qu'on n'avait même pas une lueur sur notre entente, et que lorsqu'il me dirait les raisons qu'il avait de se sentir en sécurité, je sourirais comme lui, car il était très certain qu'elles me donneraient pleine satisfaction.
– Voilà un mystère que je ne saurais entendre, dis-je, ou comment pourrais-je être satisfaite d'être jetée à la porte? Car si notre liaison n'a pas été découverte, je ne sais ce que j'ai fait d'autre pour changer les visages que tournent vers moi tous ceux de la famille, qui jadis me traitaient avec autant de tendresse que si j'eusse été une de leurs enfants.
– Mais vois-tu, mon enfant, dit-il: qu'ils sont inquiets à ton sujet, c'est parfaitement vrai, mais qu'ils aient le moindre soupçon du cas tel qu'il est, en ce qui nous concerne, toi et moi, c'est si loin d'être vrai qu'ils soupçonnent mon frère Robin, et, en somme, ils sont pleinement persuadés qu'il te fait la cour; oui-dà, et c'est ce sot lui-même qui le leur a mis dans la tête, car il ne cesse de babiller là-dessus et de se rendre ridicule. J'avoue que je pense qu'il a grand tort d'agir ainsi, puisqu'il ne saurait ne pas voir que cela les vexe et les rend désobligeants pour toi; mais c'est une satisfaction pour moi, à cause de l'assurance que j'en tire qu'ils ne me soupçonnent en rien, et j'espère que tu en seras satisfaite aussi.
– Et je le suis bien, dis-je, en une manière, mais qui ne touche nullement ma position, et ce n'est pas là la chose principale qui me tourmente, quoique j'en aie été bien inquiète aussi.
– Et qu'est-ce donc alors? dit-il.
Là-dessus j'éclatai en larmes, et ne pus rien lui dire du tout; il s'efforça de m'apaiser de son mieux, mais commença enfin de me presser très fort de lui dire ce qu'il y avait; enfin, je répondis que je croyais de mon devoir de le lui dire, et qu'il avait quelque droit de le savoir, outre que j'avais besoin de son conseil, car j'étais dans un tel embarras que je ne savais comment faire, et alors je lui racontai toute l'affaire: je lui dis avec quelle imprudence s'était conduit son frère, en rendant la chose si publique, car s'il l'avait gardée secrète j'aurais pu le refuser avec fermeté sans en donner aucune raison, et, avec le temps, il aurait cessé ses sollicitations; mais qu'il avait eu la vanité, d'abord de se persuader que je ne le refuserais pas, et qu'il avait pris la liberté, ensuite, de parler de son dessein à la maison entière.
Je lui dis à quel point je lui avais résisté, et combien…ses offres étaient honorables et sincères.
– Mais, dis-je, ma situation va être doublement difficile, car elles m'en veulent maintenant, parce qu'il désire m'avoir; mais elles m'en voudront davantage quand elles verront que je l'ai refusé, et elles diront bientôt: «Il doit y avoir quelque chose d'autre là-dedans», et que je suis déjà mariée à quelqu'un d'autre, sans quoi je ne refuserais jamais une alliance si au-dessus de moi que celle-ci.
Ce discours le surprit vraiment beaucoup; il me dit que j'étais arrivée, en effet, à un point critique, et qu'il ne voyait pas comment je pourrais me tirer d'embarras; mais qu'il y réfléchirait et qu'il me ferait savoir à notre prochaine entrevue à quelle résolution il s'était arrêté; cependant il me pria de ne pas donner mon consentement à son frère, ni de lui opposer un refus net, mais de le tenir en suspens.
Je parus sursauter à ces mots «ne pas donner mon consentement»; je lui dis qu'il savait fort bien que je n'avais pas de consentement à donner, qu'il s'était engagé à m'épouser, et que moi, par là même, j'étais engagée à lui, qu'il m'avait toujours dit que j'étais sa femme, et que je me considérais en effet comme telle, aussi bien que si la cérémonie en eût été passée, et que c'était sa propre bouche qui m'en donnait droit, puisqu'il m'avait toujours persuadée de me nommer sa femme.
– Voyons, ma chérie, dit-il, ne t'inquiète pas de cela maintenant; si je ne suis pas ton mari, je ferai tout l'office d'un mari, et que ces choses ne te tourmentent point maintenant, mais laisse-moi examiner un peu plus avant cette affaire et je pourrai t'en dire davantage à notre prochaine entrevue.
Ainsi il m'apaisa du mieux qu'il put, mais je le trouvai très songeur, et quoiqu'il se montrât très tendre et me baisât mille fois et davantage, je crois, et me donnât de l'argent aussi, cependant il ne fit rien de plus pendant tout le temps que nous demeurâmes ensemble, qui fut plus de deux heures, dont je m'étonnai fort, regardant sa coutume et l'occasion.
Son frère ne revint pas de Londres avant cinq ou six jours, et il se passa deux jours encore avant qu'il eut l'occasion de lui parler; mais alors, le tirant à part, il lui parla très secrètement là-dessus, et le même soir trouva moyen (car nous eûmes une longue conférence) de me répéter tout leur discours qui, autant que je me le rappelle, fut environ comme suit.
Il lui dit qu'il avait ouï d'étranges nouvelles de lui depuis son départ et, en particulier qu'il faisait l'amour à Mme Betty.
– Eh bien, dit son frère avec un peu d'humeur, et puis quoi? Cela regarde-t-il quelqu'un?
– Voyons, lui dit son frère, ne te fâche pas, Robin, je ne prétends nullement m'en mêler, mais je trouve qu'elles s'en inquiètent, et qu'elles ont à ce sujet maltraité la pauvre fille, ce qui me peine autant que si c'était moi-même.
– Que veux-tu dire par ELLES? dit Robin.
– Je veux dire ma mère et les filles, dit le frère aîné. Mais écoute, reprend-il, est-ce sérieux? aimes-tu vraiment la fille?
– Eh bien, alors, dit Robin, je te parlerai librement: je l'aime au-dessus de toutes les femmes du monde, et je l'aurai, en dépit de ce qu'elles pourront faire ou dire; j'ai confiance que la fille ne me refusera point.
Je fus percée au cœur à ces paroles, car bien qu'il fût de toute raison de penser que je ne le refuserais pas, cependant, je savais, en ma conscience, qu'il le fallait, et je voyais ma ruine dans cette obligation; mais je savais qu'il était de mon intérêt de parler autrement à ce moment, et j'interrompis donc son histoire en ces termes:
– Oui-dà, dis-je, pense-t-il que je ne le refuserai point? il verra bien que je le refuserai tout de même.
– Bien, ma chérie, dit-il, mais permets-moi de te rapporter toute l'histoire, telle qu'elle se passa entre nous, puis tu diras ce que tu voudras.
Là-dessus il continua et me dit qu'il avait ainsi répondu:
– Mais, mon frère, tu sais qu'elle n'a rien, et tu pourrais prétendre à différentes dames qui ont de belles fortunes.
– Peu m'importe, dit Robin, j'aime la fille, et je ne chercherai jamais à flatter ma bourse, en me mariant, aux