Moll Flanders. Defoe Daniel

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Название Moll Flanders
Автор произведения Defoe Daniel
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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maintenant, quoique je fusse encore toute en feu de sa première visite, ne pouvant parler que peu, il semblait qu'il me mît les paroles dans la bouche, me disant combien passionnément il m'aimait, et comment il ne pouvait rien avant d'avoir disposition de sa fortune, mais que dans ce temps-là il était bien résolu à me rendre heureuse, et lui-même, c'est-à-dire de m'épouser, et abondance de telles choses, dont moi pauvre sotte je ne comprenais pas le dessein, mais agissais comme s'il n'y eût eu d'autre amour que celui qui tendait au mariage; et s'il eût parlé de l'autre je m'eusse trouvé ni lieu ni pouvoir pour dire non; mais nous n'en étions pas encore venus à ce point-là.

      Nous n'étions pas restés assis longtemps qu'il se leva et m'étouffant vraiment la respiration sous ses baisers, me jeta de nouveau sur le lit; mais alors il alla plus loin que la décence ne me permet de rapporter, et il n'aurait pas été en mon pouvoir de lui refuser à ce moment, s'il avait pris plus de privautés qu'il ne fit.

      Toutefois, bien qu'il prît ces libertés, il n'alla pas jusqu'à ce qu'on appelle la dernière faveur, laquelle, pour lui rendre justice, il ne tenta point; et ce renoncement volontaire lui servit d'excuse pour toutes ses libertés avec moi en d'autres occasions. Quand ce fut terminé, il ne resta qu'un petit moment, mais me glissa presque une poignée d'or dans la main et me laissa mille prestations de sa passion pour moi, m'assurant qu'il m'aimait au-dessus de toutes les femmes du monde.

      Il ne semblera pas étrange que maintenant je commençai de réfléchir; mais, hélas! ce fut avec une réflexion bien peu solide. J'avais un fonds illimité de vanité et d'orgueil, un très petit fonds de vertu. Parfois, certes, je ruminais en moi pour deviner ce que visait mon jeune maître, mais ne pensais à rien qu'aux belles paroles et à l'or; qu'il eût intention de m'épouser ou non me paraissait affaire d'assez petite importance; et je ne pensais pas tant à faire mes conditions pour capituler, jusqu'à ce qu'il me fit une sorte de proposition en forme comme vous allez l'entendre.

      Ainsi je m'abandonnai à la ruine sans la moindre inquiétude. Jamais rien ne fut si stupide des deux côtés; si j'avais agi selon la convenance, et résisté comme l'exigeaient l'honneur et la vertu, ou bien il eût renoncé à ses attaques, ne trouvant point lieu d'attendre l'accomplissement de son dessein, ou bien il eût fait de belles et honorables propositions de mariage; dans quel cas on aurait pu le blâmer par aventure mais non moi. Bref, s'il m'eût connue, et combien était aisée à obtenir la bagatelle qu'il voulait, il ne se serait pas troublé davantage la tête, mais m'aurait donné quatre ou cinq guinées et aurait couché avec moi la prochaine fois qu'il serait venu me trouver. D'autre part, si j'avais connu ses pensées et combien dure il supposait que je serais à gagner, j'aurais pu faire mes conditions, et si je n'avais capitulé pour un mariage immédiat, j'aurais pu le faire pour être entretenue jusqu'au mariage, et j'aurais eu ce que j'aurais voulu; car il était riche à l'excès, outre ses espérances; mais j'avais entièrement abandonné de semblables pensées et j'étais occupée seulement de l'orgueil de ma beauté, et de me savoir aimée par un tel gentilhomme; pour l'or, je passais des heures entières à le regarder; je comptais les guinées plus de mille fois par jour. Jamais pauvre vaine créature ne fut si enveloppée par toutes les parties du mensonge que je ne le fus, ne considérant pas ce qui était devant moi, et que la ruine était tout près de ma porte, et, en vérité, je crois que je désirais plutôt cette ruine que je ne m'étudiais à l'éviter.

      Néanmoins, pendant ce temps, j'avais assez de ruse pour ne donner lieu le moins du monde à personne de la famille d'imaginer que j'entretinsse la moindre correspondance avec lui. À peine si je le regardais en public ou si je lui répondais, lorsqu'il m'adressait la parole; et cependant malgré tout, nous avions de temps en temps une petite entrevue où nous pouvions placer un mot ou deux, et çà et là un baiser, mais point de belle occasion pour le mal médité; considérant surtout qu'il faisait plus de détours qu'il n'en était besoin, et que la chose lui paraissant difficile, il la rendait telle en réalité.

      Mais comme le démon est un tentateur qui ne se lasse point, ainsi ne manque-t-il jamais de trouver l'occasion du crime auquel il invite. Ce fut un soir que j'étais au jardin, avec ses deux jeunes sœurs et lui, qu'il trouva le moyen de me glisser un billet dans la main où il me disait que le lendemain il me demanderait en présence de tout le monde d'aller faire un message pour lui et que je le verrais quelque part sur mon chemin.

      En effet, après dîner, il me dit gravement, ses sœurs étant toutes là:

      – Madame Betty, j'ai une faveur à vous demander.

      – Et laquelle donc? demande la seconde sœur.

      – Alors, ma sœur, dit-il très gravement, si tu ne peux te passer de Mme Betty aujourd'hui, tout autre moment sera bon.

      Mais si, dirent-elles, elles pouvaient se passer d'elle fort bien, et la sœur lui demanda pardon de sa question.

      – Eh bien, mais, dit la sœur aînée, il faut que tu dises à Mme Betty ce que c'est; si c'est quelque affaire privée que nous ne devions pas entendre, tu peux l'appeler dehors: la voilà.

      – Comment, ma sœur, dit le gentilhomme très gravement, que veux-tu dire? Je voulais seulement la prier de passer dans High Street (et il tire de sa poche un rabat), dans telle boutique. Et puis il leur raconte une longue histoire sur deux belles cravates de mousseline dont il avait demandé le prix, et qu'il désirait que j'allasse en message acheter un tour de cou, pour ce rabat qu'il montrait, et que si on ne voulait pas prendre le prix que j'offrirais des cravates, que je misse un shilling de plus et marchandasse avec eux; et ensuite il imagina d'autres messages et continua ainsi de me donner prou d'affaires, afin que je fusse bien assurée de demeurer sortie un bon moment.

      Quand il m'eût donné mes messages, il leur fit une longue histoire d'une visite qu'il allait rendre dans une famille qu'ils connaissaient tous, et où devaient se trouver tels et tels gentilshommes, et très cérémonieusement pria ses sœurs de l'accompagner, et elles, en semblable cérémonie, lui refusèrent à cause d'une société qui devait venir leur rendre visite cette après-midi; toutes choses, soit dit en passant, qu'il avait imaginées à dessein.

      Il avait à peine fini de parler que son laquais entra pour lui dire que le carrosse de sir W… H… venait de s'arrêter devant la porte; il y court et revient aussitôt.

      – Hélas! dit-il à haute voix, voilà tout mon plaisir gâté d'un seul coup; sir W… envoie son carrosse pour me ramener: il désire me parler. Il paraît que ce sir W… était un gentilhomme qui vivait à trois lieues de là, à qui il avait parlé à dessein afin qu'il lui prêtât sa voiture pour une affaire particulière et l'avait appointée pour venir le chercher au temps qu'elle arriva, vers trois heures.

      Aussitôt il demanda sa meilleure perruque, son chapeau, son épée, et, ordonnant à son laquais d'aller l'excuser à l'autre endroit, – c'est-à-dire qu'il inventa une excuse pour renvoyer son laquais, – il se prépare à monter dans le carrosse. Comme il sortait, il s'arrêta un instant et me parle en grand sérieux de son affaire, et trouve occasion de me dire très doucement:

      – Venez me rejoindre, ma chérie, aussitôt que possible.

      Je ne dis rien, mais lui fis ma révérence, comme je l'avais faite auparavant, lorsqu'il avait parlé devant tout le monde. Au bout d'un quart d'heure environ, je sortis aussi, sans avoir mis d'autre habit que celui que je portais, sauf que j'avais une coiffe, un masque, un éventail et une paire de gants dans ma poche; si bien qu'il n'y eut pas le moindre soupçon dans la maison. Il m'attendait dans une rue de derrière, près de laquelle il savait que je devais passer, et le cocher savait où il devait toucher, en un certain endroit nommé Mile-End, où vivait un confident à lui, où nous entrâmes, et où se trouvaient toutes les commodités du monde pour faire tout le mal qu'il nous plairait.

      Quand nous fumes ensemble, il commença, de me parler très gravement et de me dire qu'il ne m'avait pas amenée là pour me trahir; que la passion qu'il entretenait pour moi ne souffrait pas qu'il me déçût; qu'il était résolu à m'épouser sitôt qu'il disposerait de sa fortune; que cependant, si je voulais accorder sa requête, il m'entretiendrait fort honorablement; et me fit mille protestations de sa sincérité et de l'affection qu'il me portait; et qu'il ne m'abandonnerait