Jim Harrison, boxeur. Артур Конан Дойл

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Название Jim Harrison, boxeur
Автор произведения Артур Конан Дойл
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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moi à l'entendre. J'ai tout le plan dans ma tête. Je vois en quelque sorte où sont les théâtres, dans quel sens coule le fleuve, où se trouve l'habitation du roi, où se trouve celle du Prince et le quartier qu'habitent les combattants. Je pourrais me faire un nom à Londres.

      – Comment?

      – Peu importe, Rod. Cela je pourrai le faire et je le ferai aussi. «Attendez, me dit mon oncle, attendez, et tout s'arrangera pour vous.» Voilà ce qu'il dit tout le temps et ce que répète mon oncle. Mais pourquoi attendre? Mon Roddy, je ne resterai pas plus longtemps dans ce petit village à me ronger le coeur. Je laisserai mon tablier derrière moi. J'irai chercher fortune à Londres et quand je reviendrai à Friar's Oak, ce sera dans l'équipage de ce gentleman que voilà.

      Tout en parlant, il étendit la main vers une voiture de couleur cramoisie qui arrivait par la route de Londres, traînée par deux juments baies attelées en tandem.

      Les rênes et les harnais étaient de couleur faon clair. Le gentleman qui conduisait portait un costume assorti à cette teinte et derrière lui se tenait un valet en livrée de couleur foncée.

      L'équipage fila devant nous en soulevant un nuage de poussière et je ne pus apercevoir qu'au vol la belle et pâle figure du maître, ainsi que les traits bruns et recroquevillés du domestique.

      Je n'aurais pas pensé à eux une minute de plus, si au moment où nous revînmes dans le village, nous n'avions pas aperçu de nouveau la voiture. Elle était arrêtée devant l'auberge et les palefreniers s'occupaient à dételer les chevaux.

      – Jim, m'écriai-je, je crois que c'est mon oncle.

      Et je m'élançai, de toute la vitesse de mes jambes, dans la direction de la maison.

      Le domestique à figure brune était debout devant la porte. Il tenait un coussin sur lequel était étendu un petit chien de manchon à la fourrure soyeuse.

      – Vous m'excuserez, mon jeune homme, dit-il de sa voix la plus douce, la plus engageante, mais me trompé-je en supposant que c'est ici l'habitation du lieutenant Stone. En ce cas, vous m'obligerez beaucoup en voulant bien transmettre à Mistress Stone ce billet que son frère, sir Charles Tregellis, vient de confier à mes soins.

      Je fus complètement abasourdi par les fioritures du langage de cet homme; cela ressemblait si peu à tout ce que j'avais entendu!

      Il avait la figure ratatinée, de petits yeux noirs très fureteurs, dont il se servit en un instant, pour prendre mesure, de moi, de la maison et de ma mère dont la figure étonnée se voyait à la fenêtre.

      Mes parents étaient réunis au salon; ma mère nous lut le billet qui était ainsi conçu:

      «Ma chère Mary,

      «J'ai fait halte à l'auberge, parce que je suis quelque peu ravagé par la poussière de vos routes du Sussex.

      «Un bain à la lavande me remettra sans doute dans un état convenable pour présenter mes compliments à une dame.

      «En attendant, je vous envoie Fidelio en otage.

      «Je vous prie de lui donner une demi-pinte de lait un peu chaud, où vous aurez mis six gouttes de bon brandy.

      «Jamais il n'exista une créature plus aimante ou plus fidèle.

      «Toujours à toi.

      «CHARLES» – Qu'il entre, qu'il entre! s'écria mon père avec un empressement cordial et en courant à la porte. Entrez donc, Mr Fidelio. Chacun a son goût. Six gouttes à la demi-pinte, ça me fait l'effet d'humecter coupablement un grog. Mais puisque vous l'aimez ainsi, vous l'aurez ainsi.

      Un sourire se dessina sur la figure brune du domestique, mais ses traits reprirent aussitôt le masque impassible du serviteur attentif et respectueux.

      – Monsieur, vous commettez une légère méprise, si vous me permettez de m'exprimer ainsi. Je me nomme Ambroise et j'ai l'honneur d'être le domestique de Sir Charles Tregellis. Pour Fidelio, il est là sur ce coussin.

      – Ah! c'est le chien, s'écria mon père écoeuré. Posez moi ça par terre à côté du feu. Pourquoi lui faut-il du brandy quand tant de chrétiens doivent s'en priver?

      – Chut! Anson, dit ma mère, en prenant le coussin. Vous direz à Sir Charles qu'on se conformera à ses désirs et que nous sommes prêts à le recevoir dès qu'il jugera à propos de venir.

      L'homme s'éloigna d'un pas silencieux et rapide, mais il revint bientôt portant un panier plat de couleur brune.

      – C'est le repas, Madame. Voulez-vous me permettre de mettre la table? Sir Charles a pour habitude de goûter à certains plats et de boire certains vins, de sorte que nous ne manquons pas de les apporter quand nous allons en visite.

      Il ouvrit le panier et, en une minute, la table fut couverte de verreries et d'argenteries éblouissantes et garnie de plats appétissants.

      Il disposait tout cela si vite, si adroitement que mon père fut aussi charmé que moi de le voir faire.

      – Vous auriez fait un fameux matelot de hune, si vous avez le coeur aussi solide que les doigts agiles, dit mon père. N'avez- vous jamais désiré l'honneur de servir votre pays?

      – Mon honneur, Monsieur, c'est de servir sir Charles Tregellis et je ne désire point avoir d'autre maître, répondit-il. Mais je vais à l'auberge chercher son nécessaire de toilette, et alors tout sera prêt.

      Il revint porteur d'une grande caisse aux montures d'argent qu'il tenait sous le bras, et il était suivi à quelque distance par le gentleman dont l'arrivée avait produit tous ces embarras.

      La première impression, que fit sur moi mon oncle en entrant dans la chambre, fut que l'un de ses yeux était enflé de façon à avoir le volume d'une pomme.

      Je perdis la respiration à la vue de cet oeil monstrueux, étincelant. Mais bientôt, je m'aperçus qu'il avait placé par- devant un verre rond qui le grossissait de cette manière.

      Il nous regarda l'un après l'autre, puis, il s'inclina bien gracieusement devant ma mère et lui donna un baiser sur la joue.

      – Vous me permettrez de vous faire mes compliments, ma chère Mary, dit-il de la voix la plus douce, la plus fondante que j'aie jamais entendue. Je puis vous assurer que l'air de la campagne vous a traitée d'une façon merveilleusement favorable et que je serais fier de voir ma jolie soeur sur le Mail… Je suis votre serviteur, Monsieur, dit-il en tendant la main à mon père. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai eu l'honneur de dîner avec mon ami Lord Saint-Vincent, et j'ai profité de l'occasion pour citer votre nom. Je puis vous dire qu'on en a gardé le souvenir à l'Amirauté, Monsieur, et j'espère qu'on ne tardera pas à vous revoir sur la poupe d'un vaisseau de soixante et quatorze où vous serez le maître… Ainsi donc, voici mon neveu?

      Il mit les mains sur mes épaules, d'un geste plein de bienveillance, et me considéra des pieds à la tête.

      – Quel âge avez-vous, neveu? demanda-t-il.

      – Dix-sept ans.

      – Vous paraissez plus âgé. On vous en donnerait dix-huit, au moins. Je le trouve très passable, Mary, tout à fait passable. Il lui manque le bel air, la tournure, nous n'avons pas le mot propre dans notre rude langue anglaise, mais il se porte aussi bien qu'une haie en fleurs au mois de mai.

      Ainsi, moins d'une minute après son entrée, il s'était mis en bons termes avec chacun de nous, et cela avec tant de grâce, tant d'aisance qu'on eût dit qu'il nous fréquentait tous depuis des années.

      Je pus l'examiner à loisir, tandis qu'il restait debout sur le tapis du foyer, entre ma mère et mon père.

      Il était de très haute taille, avec des épaules bien faites, la taille mince, les hanches larges, de belles jambes, les mains et les pieds, les plus petits du monde. Il avait la figure pâle, de beaux traits, le menton saillant, le nez très aquilin, de grands yeux bleus au regard fixe, dans lesquels se voyait constamment un éclair de malice.

      Il portait un habit d'un brun foncé dont le collet montait jusqu'à ses oreilles et dont